Actualités of Friday, 24 October 2025

Source: www.camerounweb.com

Ce coup terrible que le régime fait à Tchiroma après l'avoir testé sur Kamto

Même méthode Même méthode

Pour la présidentielle 2025, le gouvernement utilise contre le FSNC d’Issa Tchiroma les mêmes armes jadis utilisées contre le MRC de Maurice Kamto. Horace Mbame, chercheur en science politique, explique cela.

La concentration des stratégies politiques sur l’élimination de Maurice Kamto de la course présidentielle, à travers la fabrique juridico-politique du hors-jeu électoral, n’a pas laissé à l’ordre de 82 le temps de construire une nouvelle figure de l’ennemi politique. En verrouillant l’espace électoral autour d’un adversaire unique, le MRC, le système s’est privé de marges d’adaptation à l’évolution des configurations partisanes.

Le scénario de l’axe nord, incarné par le FSNC, a dès lors surpris un ordre politique dont la longévité repose sur la maîtrise des oppositions prévisibles. Face à cette impréparation, la seule issue consiste désormais à recycler les armes discursives forgées contre l’ancien ennemi (le MRC) pour neutraliser le nouvel adversaire potentiel.

1. La construction de l’ennemi comme condition de la survie politique

Dans toutes les luttes, politiques ou militaires, il est nécessaire de construire la figure de l’ennemi. Depuis la démocratisation de principe du jeu politique au Cameroun, les acteurs intellectuels et idéologiques de l’ordre de 82 ont systématiquement œuvré à fabriquer un adversaire à la mesure de leur domination. L’ennemi politique n’est pas seulement un concurrent électoral : il est une figure symbolique produite pour légitimer la conservation du pouvoir.

Cette "ennemisation" se déploie d’abord sur le terrain identitaire : elle passe par la tribalisation de l’électorat du principal adversaire. En 1992 comme en 2018, des terminologies telles que « Anglo-Bami », « secte Bahamique » ont servi à enfermer l’opposition dans une altérité ethnique, rendant impossible son universalisation politique. La rhétorique officielle transforme ainsi la concurrence électorale en menace communautaire, rendant la répression légitime au nom de la « préservation de la nation ».

2. De la diabolisation à la légitimation de la répression

L’ennemisation ne s’arrête pas à la simple nomination de l’adversaire : elle se double d’une diabolisation visant à inscrire ce dernier dans l’imaginaire du désordre. Les qualificatifs comme « ethno fascistes » ou « Talibans » assignent le rival à une logique de chaos, l’associant à la violence, à la haine ou au fanatisme. Ces catégories discursives justifient en retour l’usage d’outils coercitifs - juridiques, policiers ou symboliques - contre lui.

Qualifier l’ennemi, c’est donc préparer sa neutralisation. Les termes employés dans le discours politique camerounais ne sont pas neutres : ils fonctionnent comme des balles sémantiques, tirées pour discréditer, isoler et moralement délégitimer l’adversaire. L’instrument tribal crée une conscience politique fragmentée, l’instrument juridique transforme l’adversaire en délinquant politique, tandis que l’instrument médiatique met en scène l’ennemi comme une menace permanente à l’ordre établi.

3. Le recyclage des armes discursives : du MRC au FSNC

Le FSNC, par sa posture critique récente et sa localisation dans l’axe Nord, échappe au schéma d’opposition habituel. Incapable d’inventer une nouvelle rhétorique, l’ordre de 82 transpose les stigmates discursifs jadis utilisés contre le MRC pour frapper le FSNC. Ce transfert témoigne d’une incapacité structurelle à penser la pluralité politique : tout désaccord devient une trahison, tout désalignement un danger.

Ainsi, les acteurs à la solde du régime recyclent les vieilles « balles discursives » — accusation de désordre, de dérive communautaire ou d’ambition cachée — pour prolonger la grammaire de la peur et maintenir le champ politique dans un état de guerre symbolique.

Au fond, cette ennemisation cache mal la crédibilité de l'alternative politique.