Actualités of Thursday, 23 October 2025

Source: www.camerounweb.com

Stratégie politique post-électorale : La "MRCisation" du FSNC et les enjeux du soutien d’Issa Tchiroma Bakary par des militants du MRC

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Un rapprochement politique qui interroge. Selon une analyse du politologue Wallas Binyam, le soutien apporté à Issa Tchiroma Bakary, candidat du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC), par certains militants et cadres du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), révèle une stratégie de recomposition des forces d’opposition. Ce rapprochement, marqué par une convergence discursive et une instrumentalisation des frustrations électorales, pourrait bien redessiner le paysage politique camerounais après l’élection présidentielle du 12 octobre 2025.





PLAN POLITIQUE DERRIÈRE LE SOUTIEN DE LA CANDIDATURE D’ISSA TCHIROMA BAKARY PAR CERTAINS MILITANTS ET CADRES DU MRC: LA MRCISATION DU FSNC
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Par Wallas Binyam politologue.
I. UN CONTEXTE DE RECOMPOSITION DES FORCES D’OPPOSITIONS
L’invalidation successive de la candidature du professeur Maurice Kamto par Élections Cameroun (ELECAM) et le Conseil constitutionnel a profondément bouleversé l’équilibre interne et externe de l’opposition camerounaise à la veille de l’élection présidentielle.
Dans ce contexte, l’ancien ministre de la Communication et président du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC), Issa Tchiroma Bakary, a adopté une posture inédite en déclarant publiquement son soutien au candidat écarté, Maurice Kamto.
Ce ralliement, officialisé par un communiqué politique, a été renforcé par une décision organisationnelle forte : la destitution de Mme Nsoga, alors secrétaire générale du FSNC, qui exprimait des réserves face à ce rapprochement.
Cette double démarche communicationnelle et institutionnelle illustre une tentative de repositionnement politique d’Issa Tchiroma dans un champ partisan en mutation, marqué par la quête de nouvelles alliances symboliques capables de compenser la perte de centralité du FSNC sur l’échiquier national.
II. UNE CONVERGENCE DISCURSIVE ENTRE TCHIROMA ET KAMTO : LA RHÉTORIQUE DE LA « VICTOIRE VOLÉE»
L’un des éléments les plus saillants de ce rapprochement réside dans la proximité des discours tenus par Issa Tchiroma et le professeur Maurice Kamto.
Tous deux mobilisent une rhétorique de l’injustice électorale anticipée, fondée sur la certitude proclamée de leur victoire et la menace implicite d’un désordre politique en cas de défaite.
Lors d’une récente allocution, Issa Tchiroma a déclaré :
« Je défendrai ma victoire, même au prix de ma vie. »
Cette affirmation n’est pas anodine : elle renvoie à une construction symbolique de la légitimité populaire contre la légitimité institutionnelle.
Elle s’inscrit dans une stratégie de délégitimation préventive des institutions électorales, déjà observée dans le discours du MRC en 2018.
Ainsi, la posture de Tchiroma apparaît comme une appropriation discursive du répertoire contestataire du MRC : l’idée que le résultat officiel n’est qu’une formalité politique, et que la “vraie” victoire réside dans la reconnaissance populaire. Et non dans les institutions de la République.
III. LE MRC ENTRE DÉSENGAGEMENT ÉLECTORAL ET STRATÉGIE DE TENSION
Depuis sa création, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) a entretenu un rapport ambigu avec le processus électoral.
S’il a participé à certaines échéances majeures législatives et municipales de 2013, présidentielle de 2018 il a ensuite boycotté plusieurs scrutins, invoquant le manque de transparence du système électoral.
Mais ce désengagement progressif s’est accompagné d’une transformation stratégique : la conversion du discours électoral en instrument de mobilisation contestataire.
Le MRC a ainsi substitué au langage institutionnel du suffrage, celui de la résistance populaire.
Cette mutation traduit un passage du champ électoral au champ symbolique, où le combat politique se joue davantage dans la rue, les réseaux sociaux et les imaginaires collectifs, que dans les urnes.
Ce glissement discursif a toutefois montré ses limites : l’appel à l’insurrection populaire n’a pas produit les effets escomptés, révélant une distance entre la radicalité verbale et l’action politique effective.
C’est précisément ce vide stratégique qu’Issa Tchiroma semble vouloir exploiter : canaliser la frustration militante du MRC vers un projet alternatif qui, tout en reprenant les codes discursifs de la contestation, les transpose dans un cadre territorialement et socialement différent.
IV. LE GRAND NORD COMME ESPACE DE CAPTATION POLITIQUE ET DE MANIPULATION SYMBOLIQUE
L’entrée en scène d’Issa Tchiroma Bakary dans ce contexte n’est pas neutre : elle met en lumière la dimension territoriale et communautaire de la compétition politique.
En s’appuyant sur sa base sociologique du Grand Nord, Issa Tchiroma offre au MRC un relais dans une région historiquement peu favorable à Kamto et à ses alliés.
Le pari implicite consiste à mobiliser un capital identitaire dans un espace réputé loyaliste, et solidaire afin d’élargir la portée d’un discours contestataire jusque-là limité aux zones urbaines du Centre et du Littoral.
Mais cette stratégie n’est pas sans risques : elle repose sur une instrumentalisation potentielle du sentiment communautaire et sur la possibilité d’une mobilisation émotionnelle prématurée, fondée sur la proclamation anticipée d’une victoire fictive.
Dans un contexte où les tensions sociopolitiques demeurent vives, une telle dynamique pourrait servir de catalyseur à des éruptions de violence électorale, notamment dans des zones fragilisées par la pauvreté et le chômage.
L’attitude d’Issa Tchiroma, qui revendique désormais une proximité avec les leaders séparatistes , alimente cette hypothèse d’une polarisation stratégique visant à créer un climat de crise post-électorale favorable à une recomposition des rapports de force.
V. ENJEUX ET PERSPECTIVES : LA RESPONSABILITÉ POLITIQUE FACE AU RISQUE DE CHAOS
L’analyse de ce rapprochement entre Issa Tchiroma et certains cadres du MRC révèle une tendance inquiétante : la normalisation du discours de la confrontation comme outil de légitimation politique.
En substituant la logique du débat à celle de la suspicion systématique, ces acteurs participent à une érosion du pacte républicain.
Dans un contexte marqué par la persistance des crises sécuritaires dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, et même à l'extrême Nord et aussi par la fragilité des équilibres interrégionaux, le Cameroun ne peut se permettre une nouvelle déstabilisation issue d’ambitions individuelles d'un homme qui a traîné plusieurs casseroles au gouvernement dont le rachat se cache derrière une élections pour sauver sa tête.
Dès lors, il importe de sensibiliser les populations, notamment celles du Grand Nord, à la nécessité de préserver la paix et de rejeter toute forme d’instrumentalisation politique ou identitaire.
Le vote du 12 octobre était un acte de souveraineté citoyenne ou l'attente des résultats par le conseil constitutionnel doit être encadrée par le calme et la lucidité des uns et des autres.