Dans les arcanes du pouvoir camerounais, certains hommes jouent un rôle crucial loin des projecteurs. Jeune Afrique révèle en exclusivité que c'est le gouverneur de la région du Nord, Jean Abaté Edi'i, qui a été choisi pour conduire la délégation chargée de transmettre l'offre présidentielle à Issa Tchiroma Bakary.

La rencontre décisive s'est déroulée à Garoua, fief politique de Tchiroma Bakary, en fin de semaine dernière. Selon les informations exclusives recueillies par Jeune Afrique, Jean Abaté Edi'i, accompagné d'autres émissaires dont les noms n'ont pas filtré, s'est présenté au domicile de l'ancien ministre avec un mandat précis : convaincre l'opposant d'accepter la primature en échange de l'arrêt de sa contestation.


La proposition formulée par le camp Biya, révélée par Jeune Afrique, s'inscrit dans une stratégie éprouvée du régime camerounais : l'intégration des opposants par des postes de responsabilité. L'offre ne se limitait pas au poste de Premier ministre, mais incluait également, selon Jeune Afrique, la promotion de plusieurs proches de Tchiroma Bakary au sein du gouvernement et de l'administration.
Cette approche rappelle plusieurs précédents dans l'histoire politique camerounaise, où des figures contestataires ont été neutralisées par leur cooptation dans les sphères du pouvoir. Mais les temps ont changé. Jeune Afrique a appris que l'entourage de Tchiroma Bakary redoute précisément ce scénario de « neutralisation politique », terme employé par ses lieutenants pour qualifier la manœuvre présidentielle.


Depuis le refus de leur champion, les équipes de Tchiroma Bakary ont intensifié leur contre-offensive. Jeune Afrique révèle qu'elles ont entrepris une publication méthodique des procès-verbaux en leur possession, à partir desquels elles revendiquent 62 % des suffrages, inversant complètement le résultat proclamé par la Commission électorale qui créditait Biya de 53,66 % contre 35,19 % pour son adversaire.

Cette stratégie de transparence totale, selon les informations de Jeune Afrique, vise à construire une légitimité populaire alternative face à la légalité institutionnelle. L'opposant a également constitué, comme l'a appris Jeune Afrique, une importante équipe d'avocats camerounais et internationaux pour préparer le volet judiciaire de sa contestation.


Alors que le Conseil constitutionnel doit proclamer les résultats définitifs au plus tard le 26 octobre, Jeune Afrique révèle que le camp Tchiroma Bakary peaufine un « plan d'actions pour défendre la victoire populaire ». Ce plan inclurait des manifestations de grande ampleur, malgré l'interdiction de tout rassemblement public décrétée par les autorités locales.

L'échec de la médiation conduite par Jean Abaté Edi'i marque ainsi un tournant. Selon les sources de Jeune Afrique, le pouvoir en place n'aurait plus de carte à jouer pour désamorcer pacifiquement la contestation. La question qui se pose désormais : jusqu'où Paul Biya est-il prêt à aller pour maintenir le statu quo, et jusqu'où Issa Tchiroma Bakary est-il déterminé à aller pour faire reconnaître ce qu'il considère comme sa victoire ?