En février 2008, face aux manifestations contre la révision constitutionnelle qui devait permettre au président Paul Biya de contourner la limite des mandats, le régime camerounais ordonne à ses forces de sécurité de réprimer les foules. Le général Zacharie Doualla Massango, commandant de la 2ᵉ Région de gendarmerie à Douala, reçoit cet ordre fatal. Mais lui choisit la rébellion silencieuse : « Je ne peux pas tuer un seul de mes enfants. » Un acte de bravoure qui illustre parfaitement la parole de Thomas Sankara sur la nécessité d'une formation morale et politique dans l'armée, et qui allait lui coûter sa carrière. C'est l'histoire d'un officier qui a rappelé que la vraie force d'un soldat réside dans sa conscience, pas dans son obéissance aveugle.
« Un militaire sans formation politique et idéologique est un criminel en puissance. » disait Thomas Sankara
Né le 21 mai 1939, Zacharie Doualla Massango fut un haut officier de l’armée camerounaise, un homme d’honneur qui acheva sa carrière avec le grade de général de brigade.
Officier respecté, il incarna une génération de militaires pour qui servir la République signifiait avant tout protéger la vie, la dignité et la paix des citoyens.
En 2001, il est promu général de brigade et nommé commandant de la 2ᵉ Région de gendarmerie, qui couvre les régions du Littoral, de l’Ouest, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Il occupe cette fonction jusqu’en mars 2008, avec rigueur et sens du devoir.
L’année 2008 marque un tournant tragique dans l’histoire du Cameroun. Le président Paul Biya entreprend alors une révision de la Constitution, destinée à supprimer la limitation des mandats présidentiels, ouvrant la voie à un pouvoir sans fin.
La nouvelle met le pays en ébullition. En février, des milliers de Camerounais, portés par une jeunesse exaspérée, descendent dans les rues pour crier leur refus, leur colère . À Douala, les foules s’amassent, les slogans fusent, la colère gronde; la population réclame simplement justice et dignité.
Face à cette contestation, le régime choisit la force. Les ordres tombent, froids et clairs : ouvrir le feu pour disperser les manifestants.
Ce jour-là, dans son bureau de commandement, le général Doualla Massango reçoit l’ordre de faire tirer sur les jeunes de Douala. Ces jeunes, il les appelle “ses enfants”. Et devant ses subordonnés, il prononce les mots qui feront de lui une figure à part dans l’histoire du pays : « Je ne peux pas tuer un seul de mes enfants. »
Ce refus, simple et ferme, fut un acte de bravoure. Il signifiait que l’obéissance a ses limites, que l’uniforme ne doit jamais effacer la conscience, et que la loyauté envers le peuple prime sur celle due au pouvoir. Ce jour-là, le général choisit l’humanité plutôt que la soumission.
Mais ce courage allait lui coûter cher. Tandis que d’autres unités, plus dociles, furent dépêchées pour réprimer les émeutes dans le sang notamment à Bonaberi, où plusieurs jeunes perdirent la vie ; le général Doualla Massango fut relevé de ses fonctions.
En mars 2008, il est débarqué de son poste de commandant de la 2ᵉ Région de gendarmerie et remplacé par le colonel Jean Calvin Leumani, alors en poste à Garoua. Officiellement, il est “mis pour emploi auprès du Secrétaire d’État à la Défense chargé de la gendarmerie nationale” une formule administrative pour dire qu’il est écarté, mis au garage, éloigné du terrain et de toute influence.
Ce fut le prix de la dignité : être puni pour avoir refusé de transformer ses armes en instruments de mort contre son propre peuple.
Le général Zacharie Doualla Massango, alors âgé de 69 ans, poursuit sa vie et la suite de sa carrière dans la discrétion. Derrière son calme et son charisme, il laisse l’image d’un homme resté fidèle à sa conscience jusqu’au bout. Il s’éteint le 15 mars 2016, à l’âge de 77 ans.
Pour les Camerounais et notamment les habitants de Bonaberi; son nom reste gravé comme celui d’un soldat du peuple, d’un officier qui a choisi la droiture là où d’autres ont choisi la peur. Il a rappelé, par son exemple, que le rôle du militaire n’est pas d’obéir aveuglément, mais de servir la justice et protéger les citoyens.
Son refus de tirer fut un acte de foi en la valeur de la vie humaine, un cri silencieux contre l’arbitraire et l’injustice.
Et longtemps encore, son souvenir rappelle aux hommes en uniforme qu’un ordre injuste ne mérite jamais d’être exécuté car la véritable force d’un soldat réside dans sa conscience. Le soldat est au service du peuple et non au supplice du peuple !
L’oubli est la ruse du diable!
La terre est sale ! Si è ne mvit ! Ngo Bagdeu !
Arol KETCH - 18.10.2025
Rat des archives