Jeune Afrique dévoile les luttes de pouvoir entre Ferdinand Ngoh Ngoh, Laurent Esso et Samuel Mvondo Ayolo, mises en sourdine le temps de la campagne
Derrière la façade d'unité affichée par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) pour cette présidentielle, se cachent des luttes de pouvoir féroces au sommet de l'État. Jeune Afrique révèle en exclusivité les dessous d'une "ambiance de fin de règne" qui prévaut depuis plusieurs années dans les couloirs de la présidence camerounaise, où trois hommes se disputent l'accès privilégié à Paul Biya et préparent déjà l'après.
La première bataille qui agite le sommet de l'État oppose deux poids lourds du régime. D'un côté, Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence, considéré comme l'homme le plus puissant après Paul Biya. De l'autre, Laurent Esso, ministre de la Justice, garde des Sceaux, qui contrôle un appareil judiciaire souvent utilisé à des fins politiques.
Selon Jeune Afrique, ces deux barons "se livraient il y a encore quelques mois à une guerre quasi ouverte". Cette confrontation, qui opposait deux conceptions du pouvoir et deux ambitions concurrentes, a empoisonné l'atmosphère au sommet de l'État pendant des mois.
Le média panafricain révèle que depuis l'annonce de la candidature de Paul Biya en juillet dernier, cette guerre a été "mise en sourdine". Les deux hommes auraient accepté une trêve temporaire, le temps que le chef de l'État assure sa réélection. Mais cette accalmie n'est qu'apparente, et Jeune Afrique suggère que les hostilités pourraient reprendre dès le lendemain du scrutin.
Le duel Ngoh Ngoh - Mvondo Ayolo pour le contrôle de la présidence
Mais Ferdinand Ngoh Ngoh ne fait pas face qu'à Laurent Esso. Jeune Afrique révèle qu'un autre front s'est ouvert, cette fois avec Samuel Mvondo Ayolo, le directeur du cabinet civil de la présidence. "Le bras de fer qui se jouait entre le même Ferdinand Ngoh Ngoh et le directeur du cabinet civil de la présidence, Samuel Mvondo Ayolo, a, elle aussi, été mise entre parenthèses", affirme le média.
Ce conflit est particulièrement intéressant car il oppose deux hommes qui travaillent dans la même enceinte, à quelques mètres l'un de l'autre, et qui ont tous deux un accès quotidien au président. La fonction de directeur du cabinet civil, que détient Mvondo Ayolo, lui donne un contrôle sur l'agenda présidentiel et les dossiers qui parviennent jusqu'à Paul Biya.
Fin septembre, Jeune Afrique rapporte que c'est précisément Samuel Mvondo Ayolo qui "travaillait à l'organisation de trois événements hors de la capitale où Paul Biya serait présent". Un rôle central qui témoigne de l'influence croissante de cet homme souvent décrit comme discret mais redoutablement efficace.
Autre révélation de Jeune Afrique : l'existence d'un mouvement baptisé les "Frankistes", du nom de Franck Biya, le fils du chef de l'État. Le média révèle que le fils présidentiel avait "un temps – discrètement – affiché" des ambitions politiques, soutenu par un groupe de partisans au sein de l'appareil d'État.
Ces ambitions et ce mouvement ont été "mis en sommeil", selon Jeune Afrique, probablement sur instruction du père. La présence de Franck Biya dans le paysage politique camerounais reste cependant un sujet de spéculation constant. À 52 ans, le fils aîné du président représente-t-il une option de continuité dynastique ? Ou bien sa mise en retrait signifie-t-elle que Paul Biya a d'autres plans pour sa succession ?
Le média panafricain ne tranche pas, mais note simplement que les Frankistes ont accepté de mettre leurs ambitions en veille le temps de la présidentielle. Une formulation qui suggère qu'ils pourraient reprendre du service après le 12 octobre.
Jeune Afrique revient également sur le cas Samuel Eto'o, légende du football camerounais et président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Le média révèle que "beaucoup prêtaient des ambitions présidentielles" à l'ancien attaquant des Lions Indomptables, "qu'il a par la suite démenties".
Ces rumeurs n'étaient pas sans fondement. La popularité immense d'Eto'o auprès de la jeunesse camerounaise, ses prises de position parfois critiques envers le pouvoir, et sa stature internationale en faisaient un candidat potentiellement redoutable. Mais l'icône du football a finalement choisi le camp du pouvoir.
Jeune Afrique révèle qu'Eto'o "a rejoint très officiellement l'équipe de campagne de Paul Biya, en tant que vice-président de l'équipe de campagne du chef de l'État à Ngambé (Littoral), village natal de l'icône du foot camerounais". Un ralliement stratégique qui lui permet de conserver sa position à la tête de la Fecafoot tout en affichant sa loyauté au régime.
Justement, à propos de Samuel Eto'o, Jeune Afrique dévoile l'existence d'un "conflit qui faisait rage entre le ministre des Sports, Narcisse Mouelle Kombi, et le président de la Fédération camerounaise de football, Samuel Eto'o, autour de la désignation du sélectionneur belge, Marc Brys".
Cette guerre, qui a empoisonné le football camerounais pendant des mois, a également fait l'objet d'une trêve. Jeune Afrique rapporte que "si la polémique a un temps rebondi, avec la vraie fausse annonce de la démission du sélectionneur, qui se plaignait de salaires impayés, un accord a été trouvé et le calme – au moins apparent – est revenu".
L'expression "calme apparent" utilisée par Jeune Afrique est révélatrice : personne ne croit vraiment à la fin des hostilités entre le ministre et le président de la Fecafoot. La trêve n'est que temporaire, dictée par les impératifs de la campagne présidentielle.
Toutes ces luttes de pouvoir s'inscrivent dans ce que Jeune Afrique qualifie de "secret de polichinelle" : "une ambiance de fin de règne prévaut depuis plusieurs années dans les couloirs de la présidence camerounaise, où les différents clans se disputent prérogatives et accès privilégiés au chef de l'État".
Cette formulation est particulièrement intéressante. En parlant de "fin de règne", Jeune Afrique suggère que même au sein du pouvoir, beaucoup anticipent déjà l'après-Biya. Les guerres de clans actuelles sont en réalité des batailles de positionnement pour la succession.
Le média note que "les différents clans se disputent prérogatives et accès privilégiés au chef de l'État". Dans un système hyper-personnalisé comme celui du Cameroun, où tout le pouvoir émane du président, contrôler l'accès à Paul Biya revient à contrôler le pays. D'où l'acharnement de Ferdinand Ngoh Ngoh, Laurent Esso et Samuel Mvondo Ayolo à défendre leurs zones d'influence respectives.
La révélation la plus importante de Jeune Afrique concerne la nature temporaire de ces trêves. Le média affirme que depuis l'annonce de la candidature de Paul Biya en juillet, "les haches de guerre semblent avoir été, au moins pour un temps, enterrées".
L'expression "au moins pour un temps" est capitale. Elle signifie que ces conflits ne sont pas résolus, mais simplement suspendus. Les protagonistes ont accepté de mettre leurs différends de côté le temps de la campagne et du scrutin, mais Jeune Afrique laisse clairement entendre que les hostilités reprendront dès que l'élection sera passée.
Ces révélations exclusives de Jeune Afrique posent une question cruciale : que se passera-t-il au lendemain du scrutin ? Si Paul Biya est réélu, comme le prédisent la plupart des observateurs, ces guerres de clans reprendront-elles de plus belle ?
À 92 ans, le président camerounais peut-il encore arbitrer efficacement ces luttes intestines ? Ou bien ces différents clans vont-ils profiter d'un éventuel affaiblissement du chef de l'État pour intensifier leurs batailles de positionnement en vue de la succession ?
Jeune Afrique ne donne pas de réponse définitive, mais les éléments qu'il révèle dessinent le portrait d'un sommet de l'État camerounais profondément divisé, où la loyauté à Paul Biya n'empêche pas les rivalités féroces entre ses principaux lieutenants.
Au-delà des personnalités en jeu, ces révélations de Jeune Afrique interrogent sur la viabilité du système politique camerounais. Un pouvoir où les principaux responsables se livrent des guerres ouvertes, où le fils du président doit mettre ses ambitions "en sommeil", où même le président de la fédération de football devient un enjeu de luttes de pouvoir – tout cela suggère un système à bout de souffle, où la seule figure capable de maintenir une apparence d'unité est Paul Biya lui-même.
Mais que se passera-t-il lorsque cette figure tutélaire ne sera plus là ? Les trêves actuelles, révélées par Jeune Afrique, ne sont que des parenthèses. Les vraies batailles pour le pouvoir au Cameroun n'ont pas encore commencé. Elles attendent juste leur heure, dans les couloirs feutrés de la présidence à Yaoundé.