Dans un message cryptique, le leader du MRC évoque "les vomissures" révélées par le reflux politique
À cinq jours du scrutin présidentiel camerounais, Maurice Kamto brise le silence avec une réflexion philosophique qui en dit long sur l'état d'esprit du leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC). Dans sa "Pensée n° 087-2025" publiée ce lundi, l'opposant historique livre une méditation amère sur les désillusions de l'engagement politique, comparant l'univers partisan à une mer qui, en se retirant, "laisse derrière elle déchets et immondices".
"C'est quand la mer se retire de la plage qu'on a une petite idée de ce qu'elle a dans le ventre", écrit Maurice Kamto en préambule de son message. Une image puissante qui trouve tout son sens dans le contexte actuel de recompositions et de ralliements au sein de l'opposition camerounaise, marqué notamment par le retrait controversé d'Akere Muna au profit de Bello Bouba Maïgari.
Le président du MRC poursuit avec des mots plus crus encore, évoquant "tant de vomissures que les Hommes candides ne peuvent soupçonner". Une référence à peine voilée aux tractations, aux promesses de postes ministériels et aux retournements d'alliance qui agitent la scène politique à l'approche du 12 octobre.
Sans citer de nom, Maurice Kamto semble adresser un avertissement solennel à ceux qui s'engagent en politique sans préparation ni convictions profondes. "On ne doit aborder l'univers politique qu'avec prudence et la conscience qu'on est toujours en sursis; et surtout sans en espérer aucune reconnaissance", écrit-il, dans ce qui ressemble à une leçon tirée de sa propre expérience.
Le leader du MRC, qui conteste depuis 2018 les résultats de la présidentielle qu'il affirme avoir remportée, sait de quoi il parle. Emprisonné pendant neuf mois après l'élection, confronté à la répression de ses partisans et témoin de défections successives dans ses rangs, Kamto livre ici une réflexion nourrie par sept années de combat politique acharné.
Le passage le plus saisissant de cette pensée concerne ceux qui s'engagent en politique sans convictions réelles. "Si tu agis sans avoir des convictions, assure-toi de la victoire pour échapper à la double mort: celle de ton âme et celle prononcée par le jugement des Hommes", prévient Maurice Kamto. Une sentence implacable qui pourrait viser certains candidats ou soutiens de l'opposition, soupçonnés de monnayer leur ralliement contre des promesses de postes.
Cette référence à la "double mort" – celle de l'âme et celle du jugement public – résonne particulièrement dans le contexte des critiques essuyées par Akere Muna, accusé par ses anciens alliés d'avoir trahi la cause anglophone pour un hypothétique poste de Premier ministre.
Ce qui frappe dans ce message de Maurice Kamto, c'est qu'il n'y fait aucune mention directe de la présidentielle du 12 octobre. Aucun appel à voter, aucun mot d'ordre, aucune consigne. Juste cette méditation philosophique sur la nature corrompue du jeu politique et la nécessité de rester fidèle à ses convictions.
Cette posture pourrait traduire le positionnement complexe du MRC face à ce scrutin. Après avoir boycotté plusieurs élections et maintenu sa contestation des résultats de 2018, le parti de Kamto semble observer à distance cette présidentielle où s'affrontent Paul Biya, Issa Tchiroma Bakary, Bello Bouba Maïgari, Joshua Osih et d'autres candidats.
Au-delà de la critique politique, le texte de Maurice Kamto propose aussi une philosophie de résilience. "Ta joie ne viendra pas avant tout des Hommes, mais de ton for intérieur, lorsque ton action épouse tes convictions", écrit-il, suggérant qu'il a trouvé une forme de paix intérieure malgré les déceptions et les trahisons.
Cette référence à la "joie" intérieure contraste avec l'amertume qui transparaît dans le reste du message. Elle révèle peut-être la stratégie de survie psychologique d'un leader politique qui a payé cher son engagement, mais refuse de renoncer à ses idéaux.
Le message se conclut par trois hashtags: #Cameroun #renaissance #changement_dans_la_paix. Si les deux premiers rappellent le nom et la devise du MRC, le dernier – "changement dans la paix" – pourrait être interprété comme une pique aux accords passés entre certains candidats et les groupes séparatistes armés dans les régions anglophones.
À quelques jours d'un scrutin qui s'annonce décisif, cette "Pensée n° 087-2025" de Maurice Kamto résonne comme le témoignage d'un homme qui a traversé les tempêtes politiques et en est sorti convaincu que seule l'intégrité personnelle peut servir de boussole dans un univers où les alliances se font et se défont au gré des intérêts.