Actualités of Saturday, 4 October 2025

Source: www.camerounweb.com

Cameroun : Nyemb Popoli brise le silence sur la censure déguisée et les méthodes du CNC

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Dans une interview exclusive accordée à Jeune Afrique, le caricaturiste camerounais Nyemb Popoli lève le voile sur les nouvelles formes de censure qui gangrènent la presse au Cameroun et dénonce le fonctionnement du Conseil national de la communication.

Derrière les rires que provoquent ses caricatures se cache une réalité bien moins drôle. Paul Louis Nyemb Ntoogue, plus connu sous le nom de Nyemb Popoli, directeur de publication du journal satirique Le Popoli, a accepté de se confier à Jeune Afrique sur les pressions quotidiennes que subissent les médias indépendants au Cameroun.

Dans des révélations exclusives faites à Jeune Afrique, le caricaturiste accuse ouvertement le Conseil national de la communication d'être instrumentalisé par le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji. "Au Cameroun, le CNC est piloté par des personnalités proches du ministre", affirme-t-il sans détour.

Le patron du Popoli va plus loin dans ses accusations : "Dès qu'on critique Atanga Nji, le CNC s'autosaisit et punit". Une mécanique bien huilée qui transformerait l'organe de régulation en bras armé du pouvoir contre les voix dissidentes.

L'affaire de "l'enveloppe du Vatican" : une sanction disproportionnée
Interrogé par Jeune Afrique sur la suspension de six mois infligée à son journal le 23 juillet dernier, Nyemb Popoli détaille les faits. "Tout le monde avait vu l'image de l'enveloppe tendue au pape, les médias en avaient parlé, nous avons simplement fait un commentaire satirique", explique-t-il.

La caricature en question, publiée le 22 mai, mettait en scène le ministre Paul Atanga Nji tendant une enveloppe au pape Léon XIV, avec cette légende : "Sa Sainteté, juste cette enveloppe", suivie de la réponse du Saint-Père : "Mon fils, adieu tous les trésors du cosmos".

"Mais le CNC a jugé que c'était une insinuation offensante et nous a infligé six mois de suspension", déplore le caricaturiste qui y voit une décision "politique et non journalistique".


Dans ses confidences à Jeune Afrique, Nyemb Popoli décrit l'évolution des méthodes de répression contre la presse. "La censure existe toujours mais elle est masquée. Autrefois, elle se montrait ouvertement. Désormais, elle agit de façon plus subtile", révèle-t-il.

Cette mutation des techniques de contrôle rend la résistance encore plus difficile. Les cicatrices de l'interpellation musclée qu'il a subie dans la nuit du 8 au 9 juin 2011 – son visage tuméfié et sa bouche ensanglantée avaient marqué les esprits – témoignent de l'ancienne brutalité. Aujourd'hui, les sanctions administratives ont remplacé la violence physique, mais l'objectif reste le même : museler les voix critiques.

Malgré les brimades, le créateur du Popoli refuse de plier. "Nous continuons malgré tout : nous faisons de la résistance éditoriale. Nous sommes encore vivants et nous reviendrons", confie-t-il à Jeune Afrique avec détermination.
"Les brimades font partie de notre quotidien, et cela nous endurcit. Nous continuons à travailler, avec passion et conviction", ajoute celui qui a survécu à toutes les tempêtes depuis le lancement de son journal en 1993.

Jeune Afrique révèle également que Le Popoli mène un combat sur deux fronts. Nyemb Popoli confie que son journal continue d'exister "contre vents et marées, contre la censure, d'un côté, et les difficultés financières de la presse, de l'autre".

Cette double contrainte rend la survie du journal d'autant plus précaire. Entre les sanctions du CNC qui privent le journal de revenus pendant plusieurs mois et la crise économique qui frappe l'ensemble du secteur de la presse écrite, l'équilibre est difficile à maintenir.

Dans un aveu poignant recueilli par Jeune Afrique, le caricaturiste résume le quotidien des journalistes indépendants au Cameroun : "La peur, nous l'avons vécue hier et nous continuerons de la vivre, sans doute, jusqu'à ce qu'un autre régime arrive avec une autre manière de faire."

Cette phrase résonne comme un constat amer sur l'état de la liberté de la presse dans le pays. Pourtant, Nyemb Popoli n'envisage pas de baisser les armes. Son journal, dont la devise est "Rira bien qui lira le premier", continue de faire sourire les Camerounais tout en inquiétant les puissants.

Le combat de Nyemb Popoli dépasse le cadre de son seul journal. Il incarne la résistance d'une presse indépendante qui refuse de se soumettre, malgré un arsenal répressif de plus en plus sophistiqué.