75 % des routes communales sont en mauvais état et au moins 488 ponts sont non fonctionnels ou altérés, dans un pays qui n’a que 8,7% de réseau routier bitumé.
La définition d’une route en mauvais état est donnée par le ministre des Travaux publics en personne. Emmanuel Nganou Djoumessi fait le distinguo entre le mauvais état d’une voie bitumée et le mauvais état d’une route en terre. « Pour une route bitumée, elle est en mauvais état si elle présente des points de rupture, avec des nids de poules récurrents ou profonds ; elle présente des déformations affectant la sécurité, le temps de parcours et le confort de l’usager. Les équipements de sécurité sont quasi-absents et la vitesse moyenne peut-être inférieure à 40 km/h. Elle nécessite des travaux de réhabilitation totale ou de reconstruction ».
Plus loin, le ministre parle du mauvais état d’une route en terre en ces termes : « elle présente des points de rupture et est circulable sur une trajectoire perturbée. La surface de la chaussée est irrégulière, entrainant une conduite inconfortable sujette à des vibrations importantes. La vitesse moyenne de circulation est inférieure à 20 km/h. Elle présente une végétation qui obstrue la visibilité du parcours. Elle nécessite des travaux de réhabilitation ».
Ces définitions viennent attester des expériences sur des tronçons en mauvais état que chaque usager peut identifier dans les villes ou dans les campagnes du Cameroun. Mais c’est davantage dans l’arrière-pays des centres urbains que se vit le mieux le calvaire sur les routes, comme en témoignent les chiffres du ministère des Travaux publics.
De manière générale, le pays est peu bitumé : seulement 10 576 km d’asphalte sur un linéaire total de 121 875 km, soit quelque 8,7% du réseau. Plus de la moitié de ce goudron se trouve sur les routes nationales (5945 km). Il s’agit des axes qui traversent le pays et en tracent les grandes lignes. À titre d’illustration, il y a la nationale Yaoundé-Douala-LimbéIdenau, ou encore les corridors Yaoundé-Bafoussam-Bamenda, Douala-Yaoundé-Bertoua-Garoua-Ngaoundéré-Garoua-Maroua-Kousseri ou encore le couloir Obala-Batchenga-NtuiYoko-Tibati-Ngaoundéré.
Pourtant, le piège se referme sur l’arrière-pays au fur et à mesure que l’on parcourt le réseau routier camerounais. D’abord, à peine 12,5% des routes régionales sont bitumées, elles qui totalisent 13 842 km de linéaire. Puis le mal s’accentue sur les routes communales qui constituent l’essentiel du réseau avec 98 535 km. Seulement 2 800 km sont construits, soit environ 2,9 %.
Enfin, le pire c’est ce chiffre avancé par le ministre des Travaux publics : seulement 24,2% des routes communales sont en bon ou moyen état. En d’autres termes, un peu plus de 75% de ces routes sont en mauvais état. Le trajet est donc difficile selon les définitions données par Emmanuel Djoumessi. Et lorsque le ministre annonce que selon un décompte non exhaustif, quelque 488 ponts sont non fonctionnels ou présentent une structure altérée, il apparaît que l’essentiel de ces ouvrages d’art se trouvent dans les localités enclavées.
Cet état des choses aurait été amélioré si le projet de construction de ponts métalliques Accrow, lancé depuis 2015, avait permis la construction des 55 ouvrages en acier attendus. À ce jour, moins de cinq ponts ont été livrés et le projet a été reconfiguré pour 45 ouvrages d’art.
Malgré leur mauvais état général, les routes communales structurent chacune des 360 communes d’arrondissement du Cameroun. Elles relient les villages, ainsi que les collectivités au sein d’un même département. Ces chemins, qui sont parfois des pistes, constituent le quotidien des populations même si, quelques fois, elles peuvent pratiquer une route nationale, une route régionale ou l’une des autoroutes nouvellement construites (109 km).
Les routes de campagne permettent au monde rural de vaguer à ses occupations, surtout à évacuer les produits agricoles vers les marchés. Ces voies déterminent les conditions de vie par l’accès aux services sociaux de base (école, hôpitaux, etc) et aux services administratifs de l’État.
Solutions innovantes
Le diagnostic de l’état du réseau routier national a été posé lors de la revue des projets sur le 3ème trimestre 2025. Les travaux, qui se sont déroulés du 2 au 4 septembre à Yaoundé, ont permis d’engager la discussion avec les conducteurs de travaux, les directeurs de projet, les chefs de mission de contrôle ainsi que les ingénieurs de marché qui sont tous des opérateurs de terrain.
Sur les 141 projets en cours d’exécution sur le territoire national, seuls quelques-uns font exception en respectant les délais impartis. Les autres accusent des retards qui courent parfois sur plusieurs années. Des chantiers ont été abandonnés par des entreprises défaillantes ou des entreprises qui se démobilisent faute d’être payées pour les travaux déjà effectués.
En reconnaissant que l’indisponibilité des fonds reste la principale contrainte, le ministre des Travaux publics a tout de même prescrit aux prestataires de rechercher des solutions innovantes afin de conduire les chantiers jusqu’à leur terme. En effet, si toutes les infrastructures attendues étaient enfin livrées, elles contribueraient à désenclaver plusieurs zones rurales.
Au cours de la conférence de presse qui a sanctionné la revue trimestrielle des projets routiers, le ministre Emmanuel Nganou Djoumessi a réitéré l’ambition du gouvernement, à savoir : assurer la traçabilité du réseau routier de manière continue toute l’année. Pourtant, la saison des pluies reste la plus pénible sur les routes.