Une enquête exclusive de Jeune Afrique révèle l'ampleur du détournement systématique des ressources fiscales générées par Douala vers Yaoundé. Alors que la capitale économique produit plus de 65% des recettes fiscales nationales, elle ne récupère qu'une fraction dérisoire de ses contributions.
Les documents confidentiels obtenus par Jeune Afrique auprès du ministère des Finances montrent que sur les 2 400 milliards de FCFA collectés annuellement dans la région du Littoral, seuls 180 milliards reviennent sous forme d'investissements publics et de dotations budgétaires, soit à peine 7,5% du total généré.
Les "coefficients de péréquation" : l'arme secrète de Yaoundé
Jeune Afrique révèle l'existence d'un système sophistiqué de "coefficients de péréquation" mis en place par le ministère de l'Économie pour justifier cette redistribution inégalitaire. Ces coefficients, calculés selon une formule gardée secrète, pénalisent systématiquement Douala au profit de Yaoundé.
Selon nos sources exclusives au sein de la Direction générale du budget, ces coefficients intègrent délibérément des "facteurs de correction démographique" basés sur les chiffres contestés du dernier recensement. "Ils utilisent une population minorée de Douala pour réduire mathématiquement ses dotations", révèle un haut fonctionnaire à Jeune Afrique sous couvert d'anonymat.
Le port autonome de Douala : une "vache à lait" pour l'État central
L'enquête exclusive de Jeune Afrique dévoile également les mécanismes de captation des revenus du Port autonome de Douala (PAD), premier port d'Afrique centrale. Nos calculs, basés sur des documents internes obtenus en exclusivité, montrent que sur les 890 milliards de FCFA de chiffre d'affaires annuel du PAD, près de 70% sont prélevés par l'État central sous diverses formes.
Jeune Afrique révèle l'existence d'une "taxe de solidarité portuaire" de 15% prélevée sur tous les revenus du PAD depuis 2019, officiellement destinée au développement des infrastructures nationales, mais qui finance en réalité les grands projets de Yaoundé. "Cette taxe représente à elle seule 133 milliards par an qui quittent Douala", calcule un expert-comptable spécialisé dans les finances publiques contacté par Jeune Afrique.
Nos investigations exclusives révèlent une pratique méconnue : le "chantage au siège social". Jeune Afrique a documenté au moins 47 cas d'entreprises installées à Douala mais contraintes de domicilier leur siège fiscal à Yaoundé pour bénéficier d'avantages fiscaux.
"La Direction générale des impôts accorde systématiquement des remises fiscales aux entreprises qui transfèrent leur siège à Yaoundé", révèle à Jeune Afrique un dirigeant d'une grande société de BTP sous couvert d'anonymat. Cette pratique représenterait un manque à gagner de près de 200 milliards de FCFA par an pour les collectivités locales de Douala, selon nos calculs exclusifs.
Jeune Afrique révèle également que le fameux "Plan d'urgence pour la modernisation de Yaoundé", doté de 500 milliards de FCFA sur cinq ans, est intégralement financé par un prélèvement spécial sur les recettes douanières du port de Douala. Cette information, confirmée par trois sources indépendantes au ministère des Travaux publics, n'a jamais été rendue publique.
"Ils construisent les autoroutes de Yaoundé avec l'argent du port de Douala, pendant que nos routes ressemblent à des pistes", dénonce un élu municipal contacté par Jeune Afrique. Le paradoxe est saisissant : alors que Douala génère l'essentiel des richesses nationales, son infrastructure routière reste dans un état de délabrement avancé.
Nos révélations exclusives montrent que les élites économiques doualaises ne restent pas passives. Jeune Afrique a appris l'existence d'un "Collectif des forces vives de Douala" regroupant une quarantaine de grands entrepreneurs et industriels, qui prépare une "stratégie de résistance fiscale" pour les élections de 2025.
Ce collectif, dirigé par des figures comme Kadji Defosso ou encore des héritiers des familles Bamiléké installées dans le commerce, étudie selon nos informations la possibilité de créer une "chambre de commerce parallèle" pour court-circuiter les prélèvements abusifs de l'État central.
L'enjeu est colossal : ces révélations exclusives de Jeune Afrique montrent que Douala dispose d'un pouvoir économique suffisant pour faire plier Yaoundé, à condition de s'organiser politiquement. Un défi que la capitale économique semble prête à relever.