Jeune Afrique dévoile comment le banquier camerounais étend discrètement son influence continentale malgré son exil et les tensions avec les régulateurs
Absent du Cameroun depuis des années, Paul Kammogne Fokam continue pourtant de tisser sa toile à travers l'Afrique. Une enquête exclusive de Jeune Afrique révèle comment le fondateur d'Afriland First Group orchestre depuis la Suisse une stratégie d'expansion continentale audacieuse, défiant les autorités bancaires africaines.
Le 15 avril dernier, une scène révélatrice s'est déroulée à Bangui : Paul Fokam, 76 ans, se tenait aux côtés du président Faustin Archange Touadéra lors de la signature d'une convention d'investissement de 1,2 milliard de dollars. Selon les révélations exclusives de Jeune Afrique, cette présence n'était pas anodine : le projet entre le groupe indien Mahasakthi et la Société centrafricaine d'investissement stratégique (SCIS Group) est en réalité piloté par Albert Bengala, "l'un des collaborateurs du financier camerounais".
Plus surprenant encore, Jeune Afrique dévoile qu'Afriland First Holding (AFH), le nouveau véhicule d'investissement créé par Fokam à Lomé, "s'est chargé de l'étude du projet et de la mise en relation entre les deux parties". Une révélation qui illustre comment le banquier camerounais utilise ses nouvelles structures pour contourner les contraintes réglementaires.
L'enquête de Jeune Afrique révèle l'ampleur réelle de l'empire Fokam : au-delà des implantations connues en RDC, Guinée, Liberia, Soudan du Sud, Sao Tomé-et-Principe, Bénin et Ouganda, le groupe "dispose également de bureaux de représentation à Paris et à Pékin". Une présence internationale que le magazine dévoile pour la première fois.
Jeune Afrique révèle également les "velléités d'installation au Tchad, en Centrafrique et au Congo", profitant du sésame de l'agrément unique bancaire. Cette expansion s'appuie sur une stratégie méconnue : l'utilisation de collaborateurs locaux influents, à l'image d'Albert Bengala en Centrafrique.
L'installation du siège d'Afriland First Group en Suisse provoque, selon les révélations de Jeune Afrique, "des reproches récurrents de la part de la Banque des États de l'Afrique centrale (BEAC) et de la Commission bancaire d'Afrique centrale (Cobac)". Ces tensions expliquent en partie l'exil du fondateur, qui "n'a d'ailleurs même pas fait escale" au Cameroun lors de son récent déplacement à Bangui
Jeune Afrique dévoile que ces frictions ne sont pas seulement techniques : elles s'enracinent dans "la proximité" de Paul Fokam "avec l'opposant Maurice Kamto", tous deux originaires des Hauts-Plateaux. Une information exclusive qui éclaire d'un jour nouveau les difficultés du banquier avec les autorités camerounaises.
Des relais politiques stratégiques révélés par Jeune Afrique
Malgré ces tensions, l'enquête de Jeune Afrique révèle que Paul Fokam "dispose de solides relais au cœur du pouvoir, notamment via Jean Nkuété, le secrétaire général du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC)". Cette information exclusive montre comment le banquier maintient ses positions malgré son éloignement physique.
La création d'Afriland First Holding à Lomé en novembre dernier, révélée par Jeune Afrique, s'inscrit dans une stratégie plus large. Ce véhicule, "devant chapeauter les filiales bancaires du groupe en Afrique de l'Ouest et prendre des participations dans la région", permet à Fokam de contourner les contraintes centrafricaines tout en gardant un pied en zone franc.
Jeune Afrique révèle que cette structure, dirigée par Christian Fogaing Kammogne, le fils cadet, constitue un laboratoire pour tester de nouveaux modèles d'expansion, comme le montre l'affaire centrafricaine.
L'enquête de Jeune Afrique révèle un aspect troublant : le holding "n'a plus publié ses résultats depuis 2018", malgré les performances de sa filiale camerounaise qui affiche "un total bilan de 2 032 milliards de F CFA" en 2024. Cette opacité financière, couplée à l'installation suisse, soulève des questions sur la gouvernance du groupe.
Malgré les sollicitations de Jeune Afrique, "AFG n'a pas donné suite" aux demandes d'éclaircissements, renforçant le mystère autour des véritables ambitions continentales de Paul Fokam.