Actualités of Wednesday, 23 July 2025

Source: www.camerounweb.com

Cameroun : Après 43 ans de pouvoir, Paul Biya candidate à nouveau malgré un bilan économique controversé

Paul Biya Paul Biya

À 92 ans, le président camerounais brigue un nouveau mandat dans un contexte de dégradation des indicateurs économiques du pays
À l'approche de l'élection présidentielle de 2025, la candidature de Paul Biya, 92 ans et au pouvoir depuis 1982, suscite de vifs débats sur son bilan après plus de quatre décennies à la tête du Cameroun.

Les données économiques révèlent une évolution préoccupante de la situation du Cameroun depuis l'arrivée au pouvoir de Paul Biya. En 1982, le pays était classé parmi les économies émergentes à revenus intermédiaires, bénéficiant notamment des revenus pétroliers et d'une agriculture diversifiée. Le Cameroun était alors considéré comme l'une des économies les plus prometteuses d'Afrique centrale, avec des perspectives de développement encourageantes.

Quarante-trois ans plus tard, le Cameroun figure désormais dans la catégorie des pays à faible revenu selon les classifications internationales. Cette rétrogradation s'accompagne d'une situation budgétaire tendue, avec des caisses publiques largement vidées par des décennies de gestion controversée. Le contraste est saisissant : d'un pays émergent plein de potentiel, le Cameroun est devenu une nation confrontée à de sérieux défis de développement et de gouvernance économique.

Plusieurs facteurs expliquent cette dégradation économique progressive qui a marqué les décennies de gouvernance de Paul Biya. La chute des cours des matières premières, particulièrement le pétrole qui constituait l'une des principales sources de revenus du pays, a fortement impacté les finances publiques. Cette dépendance excessive aux ressources naturelles a révélé la fragilité du modèle économique camerounais.

La persistance de la corruption et des détournements de fonds publics constitue un autre facteur majeur de ce déclin. Les scandales financiers qui ont émaillé les différents gouvernements ont privé le pays de ressources considérables qui auraient pu être investies dans le développement. Les pratiques de népotisme dans la gestion des ressources ont également contribué à une allocation inefficace des fonds publics, privilégiant les réseaux clientélistes au détriment de l'intérêt général.

L'absence de diversification économique significative a maintenu le Cameroun dans une dépendance problématique aux matières premières, sans développement d'industries manufacturières ou de services à haute valeur ajoutée. Les coûts énormes des crises sécuritaires dans les régions anglophones et de l'Extrême-Nord ont par ailleurs grevé un budget déjà fragile, détournant des ressources précieuses des investissements productifs vers les dépenses militaires.
Une candidature malgré l'âge avancé
À 92 ans, Paul Biya affirme disposer "de l'énergie et de la force de continuer", une déclaration qui surprend dans un contexte où de nombreux Camerounais s'interrogent sur la capacité du doyen des dirigeants africains à redresser la situation économique du pays. Cette détermination à briguer un nouveau mandat témoigne d'une volonté de poursuivre un projet politique entamé il y a plus de quatre décennies.
La longévité exceptionnelle de son règne - 43 ans - en fait l'un des dirigeants ayant gouverné le plus longtemps en Afrique et dans le monde. Cette durée au pouvoir, qui dépasse celle de nombreuses démocraties occidentales, alimente les critiques sur la nécessité d'un renouvellement politique et pose la question de l'alternance démocratique au Cameroun. Pour ses partisans, cette expérience constitue un atout pour la stabilité du pays, tandis que ses détracteurs y voient un frein au changement nécessaire.

L'opposition et une partie importante de la société civile camerounaise dénoncent avec véhémence ce qu'elles considèrent comme un échec patent de gouvernance. La dégradation visible des infrastructures publiques, des routes aux hôpitaux en passant par les écoles, témoigne selon elles d'une gestion défaillante des ressources nationales. Cette situation contraste douloureusement avec les promesses de développement qui avaient accompagné l'arrivée au pouvoir de Paul Biya.

L'augmentation constante de la pauvreté malgré d'importantes ressources naturelles constitue un autre point de cristallisation des critiques. Le paradoxe d'un pays riche en pétrole, en minerais et en terres arables, mais où une majorité de la population vit dans la précarité, alimente la frustration populaire. La faiblesse chronique des investissements dans l'éducation et la santé, secteurs pourtant cruciaux pour le développement humain, est également pointée du doigt.

Le chômage massif des jeunes, qui représentent plus de 60% de la population, constitue une bombe à retardement sociale. Cette génération, mieux éduquée que les précédentes mais sans perspectives d'emploi, exprime de plus en plus ouvertement son mécontentement face à un système qu'elle perçoit comme sclérosé et incapable de répondre à ses aspirations légitimes.

L'élection présidentielle de 2025 pose ainsi la question fondamentale du renouvellement démocratique au Cameroun dans un contexte particulièrement critique. Le pays fait face simultanément à de multiples défis structurels qui semblent s'être aggravés au fil des décennies : la crise anglophone qui a déjà fait des milliers de victimes et déplacé des centaines de milliers de personnes, la menace terroriste persistante de Boko Haram dans l'Extrême-Nord, et les difficultés économiques chroniques qui plombent le quotidien des Camerounais.
Dans ce contexte tendu, les électeurs camerounais devront effectuer un choix déterminant entre la continuité d'un système en place depuis plus de quatre décennies et l'aspiration au changement portée par l'opposition. Cette décision revêt une importance cruciale pour l'avenir du pays, car elle déterminera si le Cameroun pourra sortir de l'impasse actuelle ou s'enfoncera davantage dans ses difficultés.