Actualités of Wednesday, 9 July 2025

Source: Cameroon Tribune

Candidature de Paul Biya: deux voix, une réalité

Jaques Fame Ndongo et Rene Sadi Jaques Fame Ndongo et Rene Sadi

À quatre mois de l’élection présidentielle annoncée pour octobre prochain, l’arène politique camerounaise s’anime, et les prises de parole se multiplient. Tous les projecteurs sont braqués sur le président Paul Biya dont la candidature suscite des commentaires fantasmés au sein de l’opinion publique.

Sur les ondes de Radio France Internationale (Rfi), deux voix majeures de la République se sont exprimées, chacune dans son rôle et avec son style, évoquant notamment la très attendue candidature du président Paul Biya.

Invité au micro en sa qualité de ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, René Emmanuel Sadi a livré une analyse sereine et mesurée du climat politique actuel. Fidèle à son style posé et diplomatique, il a salué la sagesse et la lucidité du chef de l’État : « Il se prononcera en toute responsabilité, en son âme et conscience », a-t-il affirmé. Mais c'est sa réponse sur l'éventualité de cette candidature qui a le plus marqué les esprits: « 50-50 forcément, » a-t-il lancé, avant de conclure prudemment : « Il se prononcera le moment venu. » Ainsi, en bon porte-parole de l'exécutif, René Emmanuel Sadi a su entretenir (à dessein ?) le mystère tout en laissant toutes les portes ouvertes.

Quelques heures plus tard, sur la même antenne, le Pr. Jacques Fame Ndongo, secrétaire à la communication du Comité central du Rassemblement démocratique du Peuple camerounais (Rdpc), a offert une perspective a priori dissonante, mais en réalité convergente. L’intervention du ministre d’Etat ne constitue en rien une contradiction ou un recadrage. Elle s’inscrit dans la complémentarité, chaque acteur s’exprimant dans le registre qui est le sien. En sa qualité de communicant du parti, il s’est appuyé sur les statuts du parti pour lever toute équivoque : « L'article 27, alinéa 3 est clair : le président national du Rdpc est le candidat du parti à l'élection présidentielle, ». « Nos statuts sont clairs. Pour être candidat du Rdpc à l'élection présidentielle, il faut être président national de ce parti. Or, je ne sache pas qu'il y aurait un autre président national du Rdpc. C'est le président national du parti, son excellence Paul Biya qui est le candidat du parti. C'est dans les statuts. », a martelé le ministre d’Etat.

L'opinion publique, prompte à l'interprétation, n'a pas tardé à opposer les deux hauts responsables, voyant dans leurs propos une cacophonie gouvernementale. Pourtant, une analyse plus fine révèle non pas une discorde, mais une complémentarité. Loin de tout couac, les propos du porte-parole du gouvernement doivent être lus à la lumière de la posture républicaine qu’il incarne. Il évoque la liberté du chef de l’État de se prononcer « en toute responsabilité » sur sa candidature, dans la droite ligne de la déclaration faite par Paul Biya lui-même lors de la conférence de presse conjointe avec le président français, Emmanuel Macron en juillet 2022 lors de sa visite officielle au Cameroun. Ce jour-là, le président avait répondu, avec un humour teinté de malice : « Le Cameroun est dirigé conformément à sa constitution. Selon cette constitution, le mandat que je mène a une durée de sept ans. Alors, essayez de faire la soustraction et vous saurez combien de temps il me reste à diriger le pays. Mais autrement, quand ce mandat arrivera à expiration, vous serez informé sur le point de savoir si je reste ou si je m'en vais au village. »

Il faut donc voir en les deux discours, deux tonalités, sur une même ligne : celle d’un parti structuré autour de son leader, et d’un pouvoir exécutif aligné sur le calendrier constitutionnel. Ceux qui crient à la cacophonie gagneraient à y voir plutôt une partition qui se joue jusqu’ici bien. Les déclarations des deux personnalités, chacune dans son rôle, s'inscrivent donc parfaitement dans cette optique. Le premier s’aligne sur la marque de fabrique du chef de l'État, laissant volontiers planer le doute pour mieux contrôler le tempo de l'annonce. Le second, en tant que gardien des textes du parti, rappelle la logique implacable qui fait de Paul Biya le « candidat naturel ».