Le ministre s'est rendu en pèlerinage à La Mecque alors que les pressions s'intensifient pour une rupture avec Paul Biya.
À trois jours du congrès extraordinaire de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) prévu le 28 juin 2025, le ministre Bello Bouba Maïgari a quitté le Cameroun pour un pèlerinage à La Mecque, en Arabie saoudite. Ce déplacement intervient dans un contexte de fortes tensions politiques, alors que sa base militante multiplie les pressions pour qu'il rompe définitivement avec le président Paul Biya.
Le timing de ce voyage religieux ne semble pas anodin. Alors que tout le septentrion camerounais attend de connaître les intentions réelles du leader de l'UNDP concernant la présidentielle de 2025, Bello Bouba Maïgari a choisi de s'éloigner temporairement du théâtre politique national.
Cette absence intervient également après la démission retentissante d'Issa Tchiroma Bakary, président du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC) et ministre de l'Emploi, qui a déjà déposé sa lettre de démission du gouvernement. Cette décision de Tchiroma Bakary, autre figure politique majeure du Grand Nord, illustre la crise de confiance qui traverse les rangs des alliés traditionnels du RDPC dans cette région.
Le Grand Nord camerounais traverse une période d'incertitude politique sans précédent. Longtemps fidèles à Paul Biya, les élites nordistes remettent aujourd'hui en question leurs alliances historiques avec le pouvoir central de Yaoundé.
La contestation ne se limite plus aux cercles dirigeants. Sur le terrain, la base militante de l'UNDP exprime ouvertement sa frustration face à ce qu'elle perçoit comme une marginalisation du septentrion. "Dans le Grand Nord, l'UNDP ne change rien", résument les critiques, pointant du doigt le manque d'infrastructures, les problèmes d'accès à l'eau potable et à l'électricité.
Le Comité central extraordinaire de l'UNDP, convoqué pour le 28 juin au Palais des Congrès de Yaoundé, s'annonce comme un tournant décisif. Élargi de manière inhabituelle au Conseil national et aux secrétariats régionaux, ce rassemblement pourrait officialiser la candidature de Bello Bouba Maïgari à la magistrature suprême.
Cette perspective divise : certains y voient une tentative de repositionnement tactique, d'autres un signal de rupture définitive avec le RDPC. "Si Bello Bouba reste allié de Paul Biya cette année, nous n'allons plus le soutenir", avait déclaré Célestin Yandal, maire UNDP de Touboro, devenant ainsi le porte-voix d'une jeunesse nordiste en quête de changement.
Pour Bello Bouba Maïgari, ancien Premier ministre resté dans l'ombre politique malgré sa loyauté au RDPC, l'âge pourrait jouer en sa faveur. À 77 ans, il peut désormais "décider librement, sans calcul de carrière", confient ses proches.
Une candidature de l'ancien Premier ministre bouleverserait l'échiquier politique camerounais. Elle pourrait soit servir de monnaie d'échange pour une meilleure intégration dans le système, soit marquer une rupture historique avec le parti au pouvoir.
En choisissant La Mecque pour ses dernières réflexions avant le congrès du 28 juin, Bello Bouba Maïgari semble chercher inspiration et sérénité dans ce moment crucial de sa carrière politique. Son retour sera scruté de près par l'ensemble de la classe politique camerounaise.
Le septentrion, longtemps acquis au RDPC, pourrait ainsi devenir le théâtre d'une recomposition politique majeure à l'approche de la présidentielle de 2025, avec des conséquences imprévisibles sur l'équilibre des forces en présence.