Le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Issa Tchiroma Bakary, a été longuement reçu jeudi à Yaoundé par l'ambassadeur de France au Cameroun, Boris Bertolt. Cette rencontre diplomatique intervient dans un contexte particulièrement tendu, quelques jours seulement après les sorties fracassantes du président du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC) contre les "43 ans de pouvoir" de Paul Biya. La durée inhabituellement longue de l'entretien et son timing soulèvent des interrogations sur la nature des échanges entre le ministre contestataire et la représentation française.
Cette audience diplomatique prend une résonance particulière alors qu'Issa Tchiroma vient de franchir un point de non-retour politique. Devant ses militants à Garoua, l'ancien porte-parole du gouvernement a ouvertement dénoncé celui qui "est responsable de vos malheurs depuis 40 ans", sans nommer Paul Biya mais en ciblant clairement le président camerounais. Cette rupture publique avec le régime qu'il a longtemps défendu place désormais le ministre dans une position délicate, d'autant que les cadres du RDPC estiment qu'il a déjà "fait le choix de la rupture".

L'implication de l'ambassade de France dans ce moment charnière de la vie politique camerounaise interroge sur les enjeux géopolitiques à l'approche de la présidentielle. Alors que le grand Nord, représentant près de 40% de l'électorat, voit ses alliances traditionnelles vaciller avec les remous également à l'UNDP de Bello Bouba, la France semble suivre de près ces recompositions politiques. La rencontre entre Tchiroma et l'ambassadeur Bertolt pourrait ainsi s'inscrire dans une logique de prise de température diplomatique, la France cherchant à évaluer les nouvelles dynamiques politiques camerounaises avant l'échéance électorale cruciale.