Actualités of Friday, 9 May 2025

Source: www.camerounweb.com

Démocratie: la sortie incompréhensible de Paul Biya

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Le président camerounais défend une trajectoire politique propre à son pays, à contre-courant des transitions démocratiques observées dans la région
Yaoundé, le 9 mai 2025 - Dans une déclaration qui ne manquera pas de faire réagir les observateurs de la vie politique africaine, le président Paul Biya a réaffirmé vendredi sa vision singulière de l'évolution démocratique au Cameroun. Sur ses réseaux sociaux, devenue une plateforme privilégiée de communication quotidienne avec les Camerounais, le chef de l'État a déclaré que « chaque société, en fonction de son histoire, de sa culture et de ses technologies de gouvernement, a sa trajectoire de changement ».

Cette prise de position intervient dans un contexte régional marqué par des transitions politiques significatives, notamment au Sénégal et au Gabon, deux pays souvent cités comme exemples de démocratisation en Afrique centrale et de l'Ouest.


À 92 ans et après plus de quatre décennies au pouvoir, Paul Biya semble ainsi rejeter toute forme de pression extérieure concernant l'évolution politique du Cameroun. Sa déclaration peut être interprétée comme une réponse indirecte aux critiques de plus en plus vives émanant de la société civile camerounaise et des partenaires internationaux qui appellent à une alternance politique.
Le contraste est saisissant avec le Sénégal, où les transitions démocratiques pacifiques se sont imposées comme une norme politique, ou encore avec le Gabon voisin, où le général Oligui Nguema a organisé une élection présidentielle jugée transparente et consensuelle après une période de transition militaire.


Pour de nombreux analystes politiques, cette référence à une « trajectoire de changement » propre au Cameroun pourrait constituer une tentative de justification du statu quo politique. Alors que les rumeurs d'une nouvelle candidature du président Biya à la prochaine élection présidentielle se font de plus en plus persistantes, cette déclaration semble préparer l'opinion publique à la continuité du régime actuel.
« En suggérant que le Cameroun doit suivre sa propre voie démocratique, le président Biya cherche probablement à se prémunir contre les appels à une démocratisation accélérée », analyse un politologue de l'Université de Yaoundé qui a requis l'anonymat. « Cette rhétorique permet de présenter toute pression pour une alternance comme une ingérence extérieure incompatible avec les réalités camerounaises ».


Cette position présidentielle intervient dans un contexte où les populations africaines, particulièrement les jeunes générations, expriment des aspirations croissantes à la démocratie et à l'alternance politique. La société civile camerounaise, de plus en plus vocale, réclame un renouvellement de la classe politique et des réformes institutionnelles profondes.
Les exemples sénégalais et gabonais démontrent qu'une transition politique peut s'effectuer sans déstabilisation majeure. La récente élection présidentielle au Gabon, organisée après une période de transition militaire, a notamment permis l'émergence d'un nouveau leadership, tout en préservant la stabilité du pays.


En défendant une exception camerounaise en matière de gouvernance, Paul Biya semble vouloir s'affranchir des modèles démocratiques qui s'imposent progressivement comme normes dans la région. Cette posture risque d'accentuer l'isolement politique du Cameroun sur la scène régionale et internationale.
Pour les détracteurs du régime, cette rhétorique de la spécificité camerounaise n'est qu'un prétexte pour perpétuer un système de gouvernance de plus en plus contesté. Les organisations de défense des droits humains dénoncent régulièrement les restrictions aux libertés fondamentales et la répression des voix dissidentes dans le pays.