Dans une enquête exclusive, Jeune Afrique révèle les profondes divisions qui minent les obédiences maçonniques du Cameroun à quelques mois d'une élection présidentielle cruciale.
Alors que le Cameroun s'apprête à organiser une élection présidentielle en octobre prochain, la communauté maçonnique du pays traverse une période de turbulences sans précédent. Une enquête exclusive de Jeune Afrique met en lumière les fractures profondes qui traversent les différentes obédiences maçonniques camerounaises.
Au cœur de ces divisions, comme le révèle Jeune Afrique, se trouve notamment la question de la mixité. Des frères de la loge numéro 5 de la Grande Loge unie du Cameroun (Gluc) sont accusés d'avoir enfreint le principe de non-mixité en vigueur au sein de leur obédience en participant à la création de la Grande Loge féminine du Cameroun en décembre 2017.
D'après les informations recueillies par Jeune Afrique, cette loge féminine compte parmi ses membres des personnalités influentes comme Marie Rose Dibong, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Habitat et du Développement urbain, la députée Élise Pokossy Doumbé ou l'entrepreneure Mariette Moulongo. Une participation qui a valu aux frères impliqués d'être radiés de la Gluc, qui pratique le Rite écossais ancien proscrivant la mixité en loge.
Les révélations de Jeune Afrique mettent également en évidence la rivalité persistante entre la Grande Loge unie du Cameroun (affiliée au Grand Orient de France) et la Grande Loge nationale du Cameroun (affiliée à la Grande Loge nationale de France). Cette rivalité s'inscrit dans un contexte international de divisions entre obédiences maçonniques "libérales" et "traditionnelles".
L'enquête de Jeune Afrique souligne que la Grande Loge nationale du Cameroun n'est pas épargnée non plus par les querelles internes. Des batailles judiciaires s'y jouent autour de la longévité exceptionnelle – deux décennies – du grand maître Pierre Moukoko Mbonjo, ancien ministre des Relations extérieures du pays.
Selon les sources de Jeune Afrique, c'est dans ce contexte de divisions que serait né le projet du "Grand Orient du Cameroun", porté par ce que certains qualifient de "dissidents" de la Gluc. Les membres de cette nouvelle structure, dirigée par Richard Ndjock, secrétaire général du ministère de la Santé, sont notamment adeptes du Rite écossais rectifié (aussi appelé Rite français), qui se distingue du Rite écossais ancien pratiqué par la Gluc.
Jeune Afrique rapporte que cette nouvelle initiative est perçue différemment selon les acteurs. Pour ses promoteurs, il s'agit de redynamiser une franc-maçonnerie camerounaise "plombée par une attraction en reflux, des querelles internes et une déconnexion avec les affaires de la cité". Pour ses détracteurs, il s'agit simplement d'une manœuvre de francs-maçons exclus cherchant à créer leur propre structure.
L'enquête exclusive de Jeune Afrique révèle que ces divisions maçonniques pourraient avoir des répercussions politiques significatives à l'approche de l'élection présidentielle. Traditionnellement, les réseaux maçonniques jouent un rôle important mais discret dans la vie politique camerounaise, servant parfois de lieux de dialogue entre personnalités de bords opposés.
La création potentielle d'une nouvelle obédience revendiquant des membres tant dans l'opposition que dans le pouvoir pourrait, selon certaines sources citées par Jeune Afrique, offrir un espace de dialogue précieux en cas de tensions post-électorales. D'autres y voient au contraire un facteur supplémentaire de division dans un paysage maçonnique déjà fragmenté.
En attendant la décision du Grand Orient de France en juin prochain, c'est une franc-maçonnerie camerounaise plus divisée que jamais qui observe avec inquiétude l'approche de l'échéance électorale d'octobre.