Actualités of Monday, 18 March 2024

Source: Le Messager n°8234 du 14 mars 2024

Affrontement violent entre le gouverneur et le maire de Ngaoundéré

Affrontement entre autorités Affrontement entre autorités

Kildadi Taguieke Boukar s’agace des meetings de célébration des projets réalisés par le premier magistrat municipal. L’inimitié entre le gouverneur de la région de l’Adamaoua, Kildadi Taguieke Boukar, et Bobo Saliou, le maire de Ngaoundéré, capitale régionale, a atteint un pic avec une mise en garde de l’autorité administrative. Le 6 mars dernier en effet, le gouverneur fait publier un communiqué avec la mention « large diffusion », où il tance la « fourberie politique et une tendance malicieuse » des élus locaux de « certains partis politiques » qui organisent des meetings politiques à l’endroit des populations après la réalisation d’infrastructures socioéconomiques de base.

Ces projets, tient à rappeler le patron de la région, sont réalisés « sous financements publics », et ne devraient dès lors faire l’objet d’appropriation afin de susciter des « remerciements » et des « motions de soutien » à l’endroit des exécutifs municipaux. Le gouverneur Kildadi Taguieke Boukar cite l’exemple du projet d’entretien et de revêtement en pavés de certaines artères tertiaires de la ville de Ngaoundéré, initié par la mairie et « dont l’exécutif de cet organe s’évertue insidieusement à leur donner une coloration partisane avec pour finalité de semer le doute dans l’esprit des populations bénéficiaires et subrepticement orienter leur choix politique vers sa bannière lors des échéances électorales prochaines ».

Ici visé par cette mise en garde, le maire Bobo Saliou de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP). « La pomme de discorde dans cette affaire vient de ce que le maire conduit la pose des pavés sur les routes avec les financements de l'État, notamment au niveau du quartier Bali. Sur les réseaux sociaux, il met en avant son parti l'UNDP dans ce projet. Ce qui agace le gouverneur qui a rendu public ce communiqué », commente un enseignant de l’Université de Ngaoundéré. Ce dernier ajoute : « Nous sommes à la veille des élections de 2025, donc c'est de bonne guerre ».

L’UNDP a en effet remporté la mairie de la ville de Ngaoundéré, au terme des municipales de 2020, et de l’avis de certains dans la région, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) au pouvoir rêve renverser l’UNDP à Ngaoundéré. La sortie du gouverneur ne serait alors qu’une tentative de voler au secours du RDPC et de brider les succès de l’UNDP dans la gestion de la ville. « Le gouverneur voudrait que l’on mette ces projets à l’actif du chef de l’État pour un retour d’ascenseur lors des prochaines élections. Mais le maire compromet ce vœu en montrant que c'est l’UNDP qu'il faudra voter parce que ce parti investit pour améliorer le quotidien des populations », poursuit notre interlocuteur.

Le BIP qui divise

Réagissant dans les colonnes du trihebdomadaire régional L’œil du Sahel, le maire Bobo Saliou lance à l’endroit du gouverneur, « qu’il écrive ce qu’il a à écrire. Nous continuons de faire notre travail ». Pour cet édile, il n’y a pas à chicaner sur la réalisation des projets inscrits dans le Budget d’investissement public (BIP). « De toute façon, que ce soit l’argent du Bip, c’est l’argent d’investissement public, ce n’est pas l’argent de quelqu’un, ce n’est pas l’argent du président Paul Biya, ni l’argent d’un ministre, encore moins l’argent d’un gouverneur », tacle-t-il. Il ajoute « ce n’est pas aujourd’hui que le Bip a commencé dans ce pays. Je ne sais pas pourquoi les gens deviennent fous parce que nous avons exécuté un Bip dans un quartier de Ngaoundéré ».

Le maire Saliou ironise d’ailleurs sur la sortie du gouverneur Kildadi Taguieke Boukar. « Il m’a d’ailleurs aidé en faisant ce large communiqué, qui pour moi est une publicité », se félicite-t-il. Il est à noter que le RDPC et l’UNDP sont des partis alliés liés par une convention politique, la seule que le parti au pouvoir a avec une autre formation politique. L’UNDP fait ainsi partie de la majorité présidentielle et son leader, Bello Bouba Maïgari, est ministre d’État. L’UNDP soutient le RDPC lors des élections présidentielles, mais les deux partis s’opposent, souvent violemment, dans les élections locales.