En lisant la lettre du président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) publiée sur la toile, on se demande si en toile de fond ce n’est pas l’attitude de Yaoundé vis-à-vis de ses citoyens en situation à l’étranger qui est au-devant de la scène.
Samuel Eto’o, président de la Fecafoot, agressé même verbalement par un individu, qui plus est, en pleine mission au Qatar au nom du Cameroun, peut-il être humilié ou mal se conduire sans que cela rejaillisse sur l’honorabilité du Cameroun ? « Je regrette profondément d’avoir perdu mon sang froid et d’avoir réagi d’une manière qui ne correspond pas à ma personnalité. Je présente mes excuses au public pour cet incident regrettable », lit-on dans sa lettre d’excuses en guise de reconnaissance de sa mauvaise conduite. Jusqu’à là, Yaoundé garde le silence, peut-être à l’œuvre dans le silence ! L’autre pan de la question que soulève la lettre est de savoir si en même temps que le patron du football camerounais s’est adressé à l’opinion il a pris la précaution de tenir les autorités camerounaises au courant, elles qui sont garantes du voyage au Qatar. S’il convient de supposer qu’il l’a effectivement fait en exposant la traque dont il victime depuis la victoire du Cameroun sur l’Algérie le 29 mars 2022 à Blida, privant pays de Abdelmadjid Tebboune d’aller au mondial qatari en cours, il y a lieu de s’étonner du silence du gouvernement alors que l’affaire est sur la place publique. Ce n’est plus Eto’o en tant qu’individu qui a gi, comme s’il était en vacances mais en mission pour le compte du Cameroun. Sur le coup, en communiquant, on se demande si ce n’est pas ce silence des autorités peut-être embarrassées devant la situation, qui fait problème. Quoiqu’il en soit, la lettre de Samuel Eto’o est en elle-même déjà un appel à l’action du gouvernement camerounais. Le problème lié à sa mauvaise conduite est du champ de compétence des gouvernants et non de la sienne. C’est donc en désespoir de cause qu’on lit ces lignes : « je demande aux autorités algériennes et à la Fédération sœur d’Algérie de prendre leurs responsabilités pour mettre pour mettre un terme à ce climat délétère avant qu’un drame plus grave ne se produise ». Cette intrusion de Samuel Eto’o dans un champ qui échappe à sa compétence devrait être perçu à Yaoundé comme un cri de détresse, en dépit de sa faute, par son plénipotentiaire au Qatar. En une telle situation, a-t-on encore besoin de discrétion ? Yaoundé a désormais l’obligation, au risque de perdre la face aux yeux du monde, de communiquer pour mettre les points sur les « i ». La lettre d’Eto’o dit en clair que l’animosité des Algériens vis-à-vis des Camerounais continue et s’amplifie depuis le 29 mars. Si rien n’est fait au niveau des autorités des deux Etats, « un drame plus grave » est vite arrivé. Il est d’ailleurs davantage explicite en indiquant qu’au Qatar, les supporters camerounais ont été harcelés et importunés par les Algériens. Yaoundé est interpellé, la conduite de Samuel Eto’o mise à part, d’appeler les autres Etats à respecter ses ressortissants comme il demande aux siens de le faire. A commencer par la Guinée Equatoriale qui rend la vie amère aux Camerounais, quand bien même les deux pays sont membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Cemac). De quelle Cemac parle-t-on, car jusqu’à présent, la frontière entre le Cameroun et le Gabon est officiellement toujours fermée pour cause de Covid-19 et le voyage par route dans l’un de ces deux pays est un calvaire pour les sujets camerounais, sur qui pèsent toutes les présomptions de malfaisance. On ne devrait pas jouer avec les sujets camerounais sous prétexte que Yaoundé est compréhensif et réservé. Ce qui est arrivé à Samuel Eto’o ou ce qu’a fait Samuel Eto’o est loin d’honorer le Cameroun. C’est à nos autorités de siffler la fin de récréation pour qu’on n’offense plus impunément ses sujets. Cette affaire Eto’o n’appelle-t-elle pas la diplomatie du pays de Paul Biya à resserrer deux ou trois notes sur son dispositif de dissuasion ? C’est connue de tous, la diplomatie camerounaise est avant tout discrète. Elle se refuse à toute sorte de flamboyance et d’euphorie, préférant agir sous la bannière du silence, du respect et de la compréhension mutuelle. On aura mesuré l’ampleur de cette attitude dans le conflit frontalier entre le Cameroun et le Nigeria au sujet de la presqu’île de Bakassi, aujourd’hui camerounaise. Le Nigeria a compris à ses dépens l’efficacité d’une telle démarche en signant le 12 juin 2006, l'Accord de Greentree qui a régi le transfert de l'autorité du Nigeria au Cameroun sur la Péninsule de Bakassi. Mais quand il s’agit des citoyens, des ressortissants camerounais, n’est-il pas urgent de changer de fusil d’épaule en agissant dans l’urgence en raison de la vulnérabilité de l’être humain ? Bien plus, comment le représentant du Cameroun peut-il se trouver facilement à la merci des gens de la rue ? Lui qui en plus est ambassadeur de cette compétition, comment cela se fait qu’il soit si exposé ? Ces questionnements peuvent froisser la susceptibilité de tout un pays.