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Actualités of Wednesday, 19 January 2022

Source: Mutations n° 5502

Prison de Kribi: par manque de véhicule les détenus marchent menottés pour aller au tribunal

Des détenus escortés par des militaires dans les rues Des détenus escortés par des militaires dans les rues

Sur le chemin du tribunal, faute de véhicule, ils essuient des moqueries. Des violations de droits de l’Homme que l’organisme DDH-International nouvellement installé s’engage à combattre.

Scène d’humiliation ce lundi 17 janvier dans le chef-lieu du département de l’Océan (région du Sud). Des prévenus sont escortés à pied depuis la prison principale de Kribi par des gardiens armés.
Menottés, ils traversent le lieudit carrefour de la poste, en direction du quartier administratif siège des institutions où ils devront rencontrer pour les uns le juge d’instruction, pour les autres, le procureur de la République.

Pendant le trajet, certains, visiblement chétifs et affamés, demandent comme une aumône aux passants. Mais la plupart reçoivent à la place, des railleries.

« C’est moi qui t’ai envoyé voler ? Stp continue ta route, braqueur » ? lance un monsieur.

« Regarde un violeur comme ça. Au lieu de chercher à travailler vous avez préféré agresser et violer les enfants d’autrui. On doit te donner 20 ans de prison », lance une femme.

Un peu plus loin, alors même que les prisonniers continuent leur route sans ne plus rien demander à personne, une femme s’écrie: «Donc depuis qu’on ne te voit pas au quartier là tu es en prison hein ! Tu as eu ! J’avais bien dit que tu es suspect. C’est sûr que tu as encore volé les millions », hurle-t-elle en indexant l’un des prévenus.

La scène se passe sous le regard indifférent des gardiens qui n’osent dire un seul mot. Et pourtant, des faits pareils constituent une violation grave des droits de ces personnes qui bénéficient encore avant leur condamnation, de la présomption d’innocence. «Le ministre de la Justice doit voir ce qu’il se passe à Kribi. Comment peut-on trainer des gens menottés le long de la route alors qu’on doit les emmener en voiture. Et si demain certains sont innocentés que se passera-t-il alors que leur image est ternie ? C’est la raison pour laquelle notre organisation désormais présente à Kribi s’engage à lutter contre tous ces abus et violations des droits de toutes sortes », fait savoir Stéphane Mengong, secrétaire général de l’Organisation pour la Défense des Droits de l’Homme (DDHInternational) dont le bureau départemental de l’Océan a été installé samedi 8 janvier à Kribi.

En effet, DDH-International est un organisme qui agit sous l’égide du Haut-Commissariat des Nations-Unies et travaille en partenariat avec la Commission nationale anti-corruption (Conac). Il a pour missions de vulgariser le droit dans les milieux sociaux, de défendre les droits de l’Homme et des peuples et préserver la paix sociale sur le territoire national et international ; de lutter contre la corruption, les détournements des deniers publics et toutes autres fraudes, de mener des enquêtes, de dénoncer et de saisir les autorités nationales et internationales le cas échéant.

Le bureau départemental qui a été auréolé de légitimité le 8 janvier par son président national Luc Claude Heuke en présence des autorités administratives, des responsables de forces de sécurité, et des magistrats de la ville est constitué d’une vingtaine de membres. Son rôle sera de se déployer à travers les neuf arrondissements du département de l’Océan en application des missions citées plus haut.

«Il y a beaucoup de problèmes dans l’Océan : Les garde-à-vue abusives, la torture pour l’obtention des aveux, les intimidations et des abus multiformes juste parce que les citoyens ne connaissent pas leurs droits. Nous allons commencer par un travail de sensibilisation des populations et même des forces de sécurité et des magistrats qui parfois enfreignent la loi quand ils savent que vous ne maitrisez rien ou que vous ne pouvez pas vous payer les services d’un avocat. Le fait qu’on traîne les prisonniers le long de la route est une préoccupation particulière. On va s’y mettre », promet Yanick Zenke, délégué départemental DDH-International Océan.