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Actualités of Lundi, 18 Octobre 2021

Source: La Nouvelle Expression

Crimes et impunités au Cameroun: voici les péchés de l’armée

Le ministre Beti Assomo et ses hommes Le ministre Beti Assomo et ses hommes

Depuis le déclenchement de la crise anglophone il y a déjà 5 ans, le ministère de la défense n’a pas donné des preuves qui rassurent les populations que ses éléments qui commettent des exactions contre les populations civiles sont sanctionnés. Ce qui peut désormais encourager de malheureuses justices populaires. Revue des crimes non élucidés !

Au terme d’une audience que lui avait accordée le chef de l’État en juin 2020 au Palais de l’unité à Etoudi, l’ambassadeur de France d’alors au Cameroun avait laissé entendre que le président de la République avait promis qu’une enquête serait ouverte pour faire la lumière sur le décès du journaliste, Samuel Wazizi dont la dépouille n’a toujours pas été remise à sa famille.

Dans un communiqué rendu public le 5 juin 2020 par le responsable de la division de la communication du ministère délégué à la présidence de la République chargé de la défense, le capitaine de frégate, Serge Cyrille Atonfack Guemo, l’hypothèse d’un acte de torture ou de sévices corporels avait été balayée d’un revers de la main. Seul le décès qui avait été annoncé en exclusivité par Équinoxe télévision avait été confirmé par le communiqué du Mindef.

Ce communiqué indiquait que le journaliste Samuel Ebuwe Ajiekia alias Samuel Wazizi était décédé le 17 août 2019 à l’Hôpital militaire de la Région N°1 à Yaoundé. D’après la division de la communication du ministère de la défense, «ce dernier (Samuel Wazizi, ndlr) était resté en contact étroit avec sa famille de Buea et de Yaoundé».

Une version des faits rejetée par l’Association camerounaise des journalistes d’expression anglaise et le Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc). D’après le communiqué du Mindef, le journaliste avait été arrêté le 3 août 2019 à Ekona, dans la région du Sud-ouest, par les forces de défense parce que « soupçonné d’intelligence avec les terroristes ou de complicité d’actes de terrorisme ». On est toujours sans nouvelle de ses bourreaux et de sa dépouille.

Autre scène. «Elle se déroule à Ayaba Street, la rue qui passe devant l’Hôtel Ayaba de Bamenda, sous notre regard et celui de certaines hautes personnalité sécuritaire de la région», rapporte le reporter de La Nouvelle Expression. Shomsang Macubell Tinshub aujourd’hui de regretté mémoire, avait été pris manu militari en compagnie de quatre autres garçons par une patrouille de militaire venant de Bafut, leur base. Ces jeunes avaient été d’abord conduits à l’intérieur de la clôture de l’hôtel. Après leurs interrogations musclées par ces militaires, quatre autres avaient été relaxés, sauf le défunt, que l’on soupçonnait d’être un séparatiste.

Nous allions apprendre plus tard ‘que l’interpellation de Shomsang Macubell Tinshuh avait été faite après une information venant d’un ex-séparatiste. D’après cet ex-combattant, Shomsang Macubell Tinshuh allias «Small Peper» (en français Petit Piment), «c’est un combattant avec qui on a travaillé et mené des opérations contre le gouvernement et l’armée», a-t-il raconté aux militaires.

Cependant, quelques minutes après son interpellation, un groupe de trois individus se présentent devant l’hôtel Ayaba pour avoir les nouvelles du garçon interpelé puis emmené par les soldats. Ces personnes venues aux nouvelles de ce garçon étaient des gens connus dans la ville de Bamenda. L’un, nommé Sinclair, originaire de l’Ouest, disait qu’il était le parton du garçon emmené par les militaires et même de ceux relaxés. «Je suis avec ce garçon depuis quatre ans», avait-il déclaré».

Avant d’ajouter: «j’ai envoyé ces enfants au chantier chez Severin qui est ici avec moi, je ne pense pas que c’est un amba, raconte-t-il au vigile et à un soldat placé à l’entrée de l’hôtel et à nous qui étions sur place». Quelques heures après un autre proche de ce dernier arrive devant Ayaba où nous étions, et dit que «c’est sûrement une erreur, ce garçon n’a jamais été un combattant».

Mais hélas, les militaires qui ont pris le petit étaient déjà partis avec lui. Un observateur de la scène aurait même dit à ces proches du garçon que c’était pour les enquêtes: «j’ai même dit à ces proches-là de ne pas s’inquiéter, car l’enquête va sûrement établir si c’est un combattant où pas», raconte ce dernier.

«À ma grande surprise, les membres de sa famille m’appellent, ce jeudi matin, pour, me dire qu’ils ont vu le corps de cet enfant ce matin à mile 7, sur la route qui mène vers le camp des militaires qui ont interpellé l’enfant. C’est très triste l’exécution de cet enfant, ce dernier a été tués par les balles, sans enquête comme je pensais», racontait-il.

Dans un autre communiqué signé le 11 janvier 2021, le capitaine de vaisseau, Cyrille Serge Atonfack Guémo, chef de la division de la communication du ministère de la défense, informe que dans la journée du 10 janvier 2021, l’armée a mené une opération «préventive» sur les positions des terroristes anglophones dans la localité de Mautu dans l’arrondissement de Muyuka, région du Sud-ouest du Cameroun.

«À la vue des véhicules des militaires, ces individus armés, surpris en plein rassemblement, ont immédiatement ouvert le feu sur les forces de défense qui leur ont infligé une réponse appropriée. Le bilan de cet accrochage fait état de quelques terroristes neutralisés, d’autres blessés en fuite, des armes et des minutions récupérés».

Le communiqué indiquait par la suite que «dans la soirée de dette opération, conduite dans le strict respect des règles d’engagement, des leaders terroristes à la solde de la sécession et manifestement dépassés par les évènements, ont conçu dans leurs officines occultes, un fatras d’images macabres pour essayer de faire endosser à nos forces de défense un aveugle massacre perpétré à Mautu». Cyrille Serge Atonfack Guemo concluait en indiquant qu’une enquête était ouverte.

En face, des images abondamment publiées sur des réseaux sociaux exposaient des corps de femmes et d’enfants manifestement décédés, qu’ils mettaient sur le dos de l’armée camerounaise. Dans le commentaire de celui qui diffusait ces images, c’étaient des éléments de l’armée camerounaise qui avaient perpétré le massacre dont avait d’ailleurs parlé le communiqué du ministère de la défense.

Me Agbor Balla, l’un des leaders anglophones bien connu depuis le début de la crise anglophone, avait condamné le massacre de huit civils, sans pour autant préciser quels étaient les responsables de ce massacre. Si le communiqué du ministère de la défense était muet sur le nombre des victimes, ce leader anglophone s’était risqué à avancer un chiffre, et précisément le statut des victimes.

Ces événements rappellent la polémique qui est née lorsque plus d’une vingtaine de femmes et d’enfants avaient été massacrés dans la localité de Ngarbuh dans la région du Nord-ouest. Alors que des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme indexaient les forces de défense et de sécurité, l’armée et le gouvernement dénonçaient une manipulation des «ennemis» du Cameroun. Et pointaient du doigt les terroristes de l’État virtuel de «l’Ambazonie».

C’est finalement une enquête instruite par le président de la République qui avait permis d’établir la responsabilité des forces de défense et de sécurité du Cameroun, dans un rapport publié par le secrétariat général de la présidence de la république. L’enquête avait identifié quelques soldats comme auteurs de ces atrocités. Mais des observateurs avertis continuent de réclamer que les vrais commanditaires de ces tueries soient poursuivis.

Pour la première fois, en février 2021, une autorité administrative a le courage de condamner des dérives de nos forces de défense. La s cène qui avait fait le tour de la toile rappelait les séances de tortures racontées par les militants de l’Union des populations du Cameroun, opposants au régime d’Ahidjo, anciens rescapés des chambres de torture du très tristement célèbre Jean Fochivé.

Un homme, torse nu,, était soumis à un traitement inhumain par des hommes qui arboraient l’uniforme de nos forces de défense. À son anglais, on devinait que la scène se déroulait dans l’une des régions anglophones du Cameroun.

Les précisions sur l’homme qui était ainsi martyrisé, le lieu de la torture, la date de l’événement et l’identité des tortionnaires étaient venues d’Adamu Shuaibu Ibrahim, sous-préfet de Ndu, dans le département de Donga Mantung, région du Nord-ouest. À travers un message radio, il révélait que l’homme à qui on infligeait ce supplice s’appelait Jean Fai Bongong, habitant la ville de Ndu.

Ses bourreaux, révélait-il, étaient des éléments de nos forces de défense et de sécurité. Il précisait que la scène s’était déroulée le 11 février 2021 après la célébration réussie de la fête de la jeunesse dans son arrondissement. En donnant le nom de l’homme qui subissait ces atrocités, on pouvait présumer qu’il vivait au moins au sein de la population. Autrement dit, il ne serait pas un terroriste.

Les hommes qui lui administraient ce « traitement de cheval» à l’aide d’une machette avec laquelle ils le frappaient partout, voulait lui arracher des révélations sur la position de ses supposés complices. Ils s’échappaient même de leurs conversations qu’ils ne sont pas certains que leur victime est un sécessionniste. Mais l’homme qui le frappaient de toutes ses forces ne voulait” pas savoir s’il était «Ambaboys» ou non.

Pour la première fois depuis le début de cette guerre dans les deux régions anglophones du Cameroun, une autorité administrative dénonce les exactions de l’armée camerounaise. Et demande que les auteurs de cette barbarie soient sévèrement sanctionnés. Et cela se passe le jour de la célébration de la fête de la jeunesse alors que le président est en train de saluer les prouesses de la jeunesse dans cette année et magnifie la jeunesse, fer de lance de la nation.

Alors que le ministère de la défense a pris l’heureuse initiative de toujours donner sa version des faits lorsque l’arc se est impliquée dans une opération, il est tout aussi important de communiquer sur les sanctions infligées aux brebis galeuse. D’abord pour rassurer les populations qui doivent continuer de croire en la justice et en leurs forces de défense. Ensuite pour mettre en garde d’autres brebis galeuses.