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Actualités of Friday, 5 October 2018

Source: observers.france24.com

Etoudi 2018: le juteux business autour de Paul Biya

La campagne électorale s'est ouverte officiellement le 22 septembre dernier La campagne électorale s'est ouverte officiellement le 22 septembre dernier

Habits, parapluies, cartables, stylos… Outre les traditionnelles affiches électorales, les accessoires à l’effigie de Paul Biya, le président de la République du Cameroun, candidat à sa propre succession lors de l’élection du 7 octobre, sont visibles partout dans les rues du pays, ainsi que sur les réseaux sociaux. Cette omniprésence ne surprend guère, tant son parti domine la scène politique nationale depuis des années.

Neuf candidats sont en lice pour l’élection présidentielle camerounaise du 7 octobre, un scrutin majoritaire à un tour (contre 23 candidats lors de la dernière présidentielle, en 2011). Mais dans les rues du Cameroun, un candidat est particulièrement visible : Paul Biya, le président de la République actuel, du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Âgé de 85 ans, il est à la tête du pays depuis 1982, après avoir été Premier ministre de 1975 à 1982.

Outre les affiches, de nombreux accessoires à son effigie sont ainsi visibles dans les rues, avec son slogan de campagne : "La force de l’expérience." Plusieurs de nos Observateurs à Yaoundé et Douala ont raconté à notre rédaction avoir vu des tee-shirts, des casquettes, des pagnes, des parapluies, des montres, des sacs, des stylos, des porte-clés, des cravates, des chaussures ou encore des casseroles avec le visage de Paul Biya. "Ces gadgets pullulent", "ils sont partout dans les bureaux de service public", indiquent deux d'entre eux.

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Même son de cloche concernant les affiches : "La quasi-totalité des affiches dans les villes et villages sont à l’effigie de Paul Biya", "on les voit sur les panneaux publicitaires les plus stratégiques, situés sur les murs et les ronds-points", renchérissent deux autres.

On retrouve également ces accessoires sur les réseaux sociaux. Pour la première fois, un compte Twitter officiel "Paul Biya 2018" a par exemple été créé pour la campagne, où l’on peut découvrir le kit de campagne de son parti.
Tous nos Observateurs l’assurent : les huit autres candidats sont nettement moins visibles dans les rues. Outre les affiches, certains indiquent avoir seulement vu des autocollants, des tee-shirts et écharpes des autres formations politiques.

Mathias Eric Owona Nguini est professeur de sciences politiques à l’Université de Yaoundé II.

Le matériel de campagne du RDPC a été acheminé partout dans le pays. Les accessoires ne sont pas seulement distribués lors des meetings : les équipes du parti sillonnent les circonscriptions, en faisant du porte-à-porte, pour les donner.

Il y a trois catégories de personnes qui arborent ces accessoires : les cadres du parti – parmi eux, certains vont même jusqu'à porter des vestes et des chaussures à l’effigie de Paul Biya –, les sympathisants du parti, et d’autres qui ne soutiennent pas forcément le parti, mais qui sont ravis d’avoir un tricot supplémentaire.

Le fait de voir autant d’affiches et de gadgets du RDPC s’explique par le fait qu’il a beaucoup plus de moyens que les autres formations politiques. Le RDPC reste le parti dominant dans le pays, car c’est l’ancien parti unique. [Il a remplacé l’Union nationale camerounaise, le parti unique jusqu’au début des années 1990, lorsque le multipartisme a été autorisé, NDLR.] Du coup, il existe toujours des liens très forts entre ce parti et l’administration de l’État. De même, il y a des liens très importants entre ce parti et les principaux groupes d’intérêt économiques du pays, qui le financent. Or, s’il existe une loi relative au financement des campagnes électorales depuis 2000, elle ne concerne que les financements publics. Il y a un vide juridique concernant les financements privés, donc il n’y a aucun plafond, ce qui profite donc au RDPC.

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"Les autres partis politiques mettent plus l’accent sur les réseaux sociaux"
Concernant les autres partis politiques, ils ont moins d’argent, mais ils mettent plus l’accent sur les réseaux sociaux par exemple. Autre différence : ils organisent des tournées dans les pays avec leurs candidats, alors que le RDPC s’appuie uniquement sur ses relais locaux. Paul Biya n’est pas parti en tournée dans le pays.

Selon l’opposition, la visibilité du candidat au pouvoir dépasse également largement celle des autres candidats dans les médias publics camerounais. Le 18 septembre, cinq d’entre eux – Maurice Kamto (MRC), Cabral Libii (Univers), Akere Muna (Now! Movement), Joshua Osih (SDF) et Serge Espoir Matomba (PURS) – ont ainsi publié un communiqué dans lequel ils s’indignaient du "traitement biaisé et volontairement déséquilibré des informations" relatives aux candidats autres que Paul Biya dans les médias publics, évoquant "une véritable campagne de propagande pro-candidat du RDPC".

Paul Biya n’est pas le seul président au pouvoir dont le visage apparaît sur de nombreux accessoires, que ce soit à l’occasion d’une campagne électorale ou non.