Le sort d’un ex-dignitaire du régime accusé de détournement de deniers publics, en cavale puis extradé du Nigeria, continue de passionner les journaux camerounais parus mercredi au même titre que l’attente des résultats des élections sénatoriales de dimanche.Ministre de l’Eau et de l’Énergie (MINEE) jusqu’au 2 mars dernier, le visage de Basile Atangana Kouna est en couverture de Mutations, Le Messager, Le Soir, Panels Info, The Guardian Post et Le Jour.
Ici et là, on rend certes compte de sa fuite vers le Nigeria alors qu’il était sous le coup de deux interdictions formelles de sortie du territoire national, de son arrestation puis de son retour forcé au bercail.
«Présenté devant le Tribunal criminel spécial (TCS) en fin de semaine dernière, pour se voir signifier des faits d’atteinte à la fortune publique du temps où il officiait comme directeur général de la Cameroon Water Utilities (Camwater), il va de nouveau faire parler de lui en mal. Après l’interpellation des officiers de l’armée, c’est au tour d’un religieux d’être dans les filets de la justice pour complicité avec l’ex-ministre», détaille le bihebdomadaire Repères.
Surtout, insiste Le Jour, il y a ce prêtre, l’abbé Alain Nkodo, vicaire à la paroisse de Mokolo à Yaoundé, la capitale du pays, qui aurait aidé le fuyard en organisant son départ du pays et en payant des passeurs.
Cet homme de Dieu, renchérit Le Messager, lui aussi désormais dans les filets de la police, est un proche du présumé détourneur de deniers publics.
Nanti de sacs d’argent à lui remis par l’épouse de son mentor, relate La Nouvelle qui avance une somme de 80 millions FCFA, l’abbé Alain Nkodo a tout organisé, profitant de sa soutane pour ne pas attirer l’attention des services de sécurité.
Et lors de son arrestation au Nigeria, appuie l’hebdomadaire, M. Atangana Kouna était en possession d’une mallette contenant 900 millions FCFA et 17 cartes de crédit.
Mokolo est désormais orphelin de son vicaire, constatent en chœur Mutations et Le Jour, cependant que The Guardian Post est formel : en dehors du prêtre, au moins trois membres du gouvernement, encore en fonctions, ont donné leur coup de pouce dans l’évasion foireuse de Basile Atangana Kouna.
Ce qui est davantage surprenant, appuie Repères, c’est l’implication de plus en plus forte du clergé dans les affaires politiques, les hommes en soutane jouant de plus en plus un rôle trouble dans les affaires de mœurs publiques et leurs positions sur le sujet étant de plus en plus controversées.
Le Tribunal criminel spécial (TCS), avise Le Soir, a procédé à la saisie de ses voitures de luxe et de ses costumes de grande valeur.
Au-delà de l’émoi qu’elle suscite et de l’épisode scabreux de la fuite de l’ancien MINEE, se désole Panels Info, les dégâts commis par les nouveaux pensionnaires de Kondengui, la prison centrale de Yaoundé, sont incommensurables aussi bien pour le contribuable que pour l’image du pays.
Sept barons du régime sont, selon The Guardian Post, cités comme complices de la sortie du pays d’Atangana Kouna dont un ex-Premier ministre, trois ministres en fonction et deux autres limogés le 2 mars, toute chose qui justifie le retour précipité au pays du président Biya, qui se trouvait en séjour privé en Europe après sa visite d’État en Chine.
«Paul Biya prépare un autre coup», acquiesce InfoMatin au sujet de ce retour inopiné : on savait que le réaménagement gouvernemental du 2 mars n’était qu’un réglage imposé par les nécessités de l’«Opération épervier» et que le meilleur restait à venir, un remaniement ministériel de plus grande envergure ne devant pas tarder, de même que les arrestations de présumés criminels économiques vont s’accentuer.
Ce qui est plus flou en ce moment, poursuit le même journal au sujet des élections sénatoriales de dimanche dernier, ce sont «les faux chiffres» d’Elections Cameroon (Elecam) concernant le taux de participation.
Ce qui fait désordre, étaye le quotidien à capitaux privés, ce sont les déclarations contradictoires du directeur général de cet organisme en charge de la gestion des scrutins et autres opération référendaires, Abdoulaye Babalé qui une première fois fait état d’un taux de participation de 92%, et quelques heures plus tard parle de 97,72%.
Après ce mea culpa, beaucoup, au sein de l’opinion, émettent déjà des craintes lorsqu’on sait que dans quelques mois, le même Elecam sera appelé à organiser des élections (présidentielle, législatives et municipales) avec un nombre d’inscrits se comptant à des millions d’individus.
Mais là ne s’arrête pas la polémique : Ouest-Echos, sur la base de constats de terrain, affirme que les opérations de votre ont été, dans certaines parties du pays, émaillées de monnayage de voix en faveur du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir).