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Actualités of Tuesday, 19 July 2022

Source: Essingan N°628

Visite de Macron au Cameroun : les enjeux financiers de l’affaire Michel Atangana comme catalyseur

Paul Biya et Emmanuel Macron Paul Biya et Emmanuel Macron

Au moment où le président camerounais accélère le processus de règlement de cette créance, en phase avec son homologue français, les deux hommes d’Etat amorcent une nouvelle ère de coopération économique et non sans ouvrir le Cameroun à de nouveaux investissements.

D’après des sources dignes de foi, le président de France, Emmanuel Macron sera en visite officielle au Cameroun le 26 juillet 2022. Parmi les chantiers qui seront abordés avec le président Paul Biya du Cameroun, figure le règlement définitif du volet financier de l’affaire Michel Thierry Atangana. Une créance évaluée en 2016 au terme d’une enquête du délégué général à la Sûreté nationale (Dgsn), Martin Mbarga Nguele à 316,768 milliards de Fcfa. Mais dont le montant actualisé avoisine les 500 milliards de Fcfa. Dans les couloirs du Palais de l’Unité de Yaoundé comme de celui de l’Elysée en France, l’on reconnait que la résolution définitive de ce litige va tourner une longue brouille entre les milieux d’affaires français et l’Etat du Cameroun.

«Il faut en sortir définitivement. Cette créance a fait l’objet de nombreux va-et-vient. Au centre des discussions depuis l’époque où M. Atangana était incarcéré au Cameroun, certains des collaborateurs du président Paul Biya du Cameroun avaient plus d’une fois soutenu qu’elle n’a jamais existé.
Certainement parce qu’ils ne s’imaginaient pas M. Atangana sortant de prison. Puis des discussions sont allées dans le sens du règlement. Là encore, certains proches du président ont brouillé les pistes. Mais les entreprises tenaient à recouvrer leur argent. D’autant plus que leur mandataire était présenté tel un politique qui aurait donc abandonné ce pourquoi il était venu au Cameroun. Une confusion entretenue qui a poussé les investisseurs français à faire du Cameroun une impasse. Maintenant que la page va être tournée, nous envisageons notre retour»
, croit savoir Jean Marc Lebois du secteur du Btp en France.

De nombreux effets bénéfiques D’autant plus que «la résolution par le Cameroun, du volet financier de l’affaire Michel Thierry Atangana est génératrice de nombreux effets bénéfiques. En termes de retombées directes, il s’agit de permettre au Cameroun de bénéficier d’une enveloppe financière d’environ 316,768 milliards de Fcfa [selon une évaluation de 2016]. La France devant juste racheter la dette dès lors que le Cameroun s’engage à payer. L’argent ainsi prévu pour le règlement de cette dette devant faire l’objet d’un cantonnage dans un compte d’où il sera réinvesti au Cameroun, dans des projets bien identifiés. La venue du président Macron de ce point de vue, participe d’un nouveau départ pour les chantiers de la coopération» , explique l’expert financier Jude Magli.

Interrogé, le principal concerné, Michel Thierry Atangana se contente de dire qu’il «existe des mécanismes bénéfiques pour toutes les parties. Ils permettent de sortir de cette affaire sans causer de dommages. Il ne s’agit pas de mettre de l’argent à la disposition des gens qui vont se le partager. Nous n’avons jamais posé le moindre tort au Cameroun malgré des années de souffrance. Parce qu’il faut en toute chose rester légaliste et républicain. La sortie de cet épisode va réactiver de nombreux investissements en faveur du Cameroun.»

Habitué du règlement des litiges financiers interétatiques, et entre les Etats et les multinationales, l’avocat d’origine camerounaise Gervais Mbous du barreau de Paris, souligne que le plus important c’est que l’Etat du Cameroun reconnaisse la créance et la paie. «J’ai cru comprendre en lisant différents écrits, qu’une enquête a conclu à l’effectivité de la créance. Qui certainement culmine à des centaines de milliards de Fcfa aujourd’hui. Pour y trouver une solution, les parties peuvent négocier et réinvestir au Cameroun» , se dit Me Mbous.
Quoiqu’il en soit, la résolution de ce volet de l’affaire tire un trait définitif sur un épisode tourmenté et très long pour certains acteurs. Notamment Michel Thierry Atangana qui, aux yeux de nombre de ses partenaires, «a bradé les intérêts français au profit de ses ambitions politiciennes». Et pourtant, il n’a cessé de marteler ses distances d’avec la classe politique. Revendiquant son statut de représentant des entreprises françaises et d’administrateur financier ayant exercé comme président du Comité de pilotage et de suivi des projets de construction des travaux routiers (Copisur).
Commission des arriérés de l’Etat
Ce qui semble aujourd’hui mettre en phase les présidents Biya et Macron dont la convergence va reléguer aux oubliettes une tache noire dans la coopération entre le Cameroun et la France. En tout cas, le consortium d’entreprises: Dumez, Socamat, Ejl, Etpg, Jean Lefebvre, France Telecom, etc.) Qui a mandaté Michel Thierry Atangana pour conduire au Cameroun les projets des études et la construction des axes routiers de Yaoundé-Kribi et Ayos-Bertoua par Bonis, se frotte les mains. Et avec lui, M. Atangana devrait être réhabilité dans les milieux de la finance où il ne pouvait jusqu’ici, trouver du travail. Les mécanismes de règlement possiblement explorés pour en sortir de manière définitive, permettent grâce aux «décrets du 02 août 1988 créant la Commission des arriérés de l’Etat du 26 août 1998», d’aller dans la bonne direction.
Lesdits textes fixent «les critères e rémunération et de budgétisation du Fonds de développement routier issu des délibérations de l’Assemblée nationale sur le projet de loi du 03 décembre 1995». Des instruments actuellement exploités, selon différentes sources.
D’autant plus que «la taxe spéciale sur les produits pétroliers (Tspp) que les sociétés pétrolières versaient dans les caisses du Comité de pilotage et de suivi des projets de construction des travaux routiers (Copisur), aurait pu permettre facilement la collecte des fonds alloués à l’Etat du Cameroun par le consortium d’entreprises: Dumez, Socamat, Ejl, Etpg, Jean Lefebvre, France Telecom, etc.» Que non! Les activités du Comité s’étaient arrêtées avec l’arrestation en 1997 de Michel Thierry Atangana qui représentait les intérêts de ces sociétés françaises au Cameroun.
«L’Etat a décidé, au travers des décrets pris par le chef de l’Etat de fixer les modalités de paiement de ces créances devenues réelles» , fait savoir le Dgsn dans sa note d’information, servant de rapport sur l’audit commandé par le chef de l’Etat sur cette question. Dans ce processus, il a fallu prolonger un travail déjà entamé mettant en cohésion les parties française et camerounaise. Car dans une phase antérieure de ce travail, «l’Etat du Cameroun représenté par le ministre des Finances et le président de la Commission des arriérés de l’Etat et les entreprises françaises sus citées, qui fixe à 10,5% l’an, à compter du constat de la date d’échéance non respectée par l’une des parties jusqu’au jour effectif du paiement».
Cette convention précise que clairement qu’en «cas de retard, imputable à l’administration, du paiement de l’une ou plusieurs des semestrialités, le montant de celle(s)-ci sera majoré en capital et en intérêt de retard de 10,2% l’an calculé au prorata temporis à compter de la date d’échéance non respectée jusqu’au jour effectif de règlement». Sous l’impulsion de Paul Biya, l’Etat du Cameroun compte venir à bout d’un épisode qui n’a que trop empoisonné les relations bilatérales avec la France. La sérénité retrouvée devant consolider l’image du Cameroun dont la diplomatie économique expose un pays où l’on peut faire efficacement les affaires.