Actualités of Saturday, 27 December 2025
Source: www.camerounweb.com
Dans un pays où la mort reste entourée de nombreux tabous et superstitions, une jeune Camerounaise de 20 ans brise les codes. Leslie Koko, étudiante en soins infirmiers spécialisée en thanatopraxie, assume pleinement son métier de "morguière" et nourrit l'ambition de créer sa propre morgue au Cameroun. Portrait d'une jeune femme déterminée qui a fait de la mort son domaine d'excellence.
"Je veux être la meilleure morguière. Je veux créer une morgue au Cameroun." Cette déclaration sans détour est celle de Leslie Koko, une jeune thanatopractrice camerounaise qui a confié son parcours atypique au micro de QuotientLife. Un témoignage rare qui lève le voile sur un métier méconnu et souvent stigmatisé.
Leslie Koko ne cache pas que la thanatopraxie n'était pas son premier choix. "C'était mon plan B", confie-t-elle. Après son retour au Cameroun, la jeune femme s'oriente vers la médecine et effectue un stage en pédiatrie. Mais très vite, elle comprend que ce n'est pas sa voie.
"Lors d'un stage en pédiatrie, j'ai compris que ce n'était pas mon domaine. Je suis donc descendue à la morgue et, sincèrement, j'y ai trouvé mon compte. C'était calme et le travail me semblait facile", raconte-t-elle avec une franchise désarmante.
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, le premier contact de Leslie avec un corps n'a pas été traumatisant. "Le premier contact avec un corps a été très simple, parce que je l'avais déjà vu mourir. La major m'a demandé si je voulais voir ce qui se passait. J'ai répondu qu'il n'y avait pas de problème, puis je suis entrée. J'ai nettoyé le corps, mis le formol", détaille-t-elle.
Cette expérience fondatrice a scellé son destin professionnel. "Ensuite, je suis allée voir le directeur et on a procédé à un changement : on m'a retirée de la médecine pour me placer définitivement à la morgue, où je suis restée."
Dans une société camerounaise où la mort reste entourée de mystères et de croyances, le choix de Leslie suscite incompréhension et jugements. "Beaucoup disent qu'une jeune fille, surtout une belle fille, ne devrait pas rester là-bas. Certains ont peur et disent que cela signifie faire de la sorcellerie", déplore-t-elle.
Mais la jeune thanatopractrice refuse de céder à l'obscurantisme. "Pourtant, tout le monde peut travailler à la morgue ; il suffit d'avoir un peu de courage. Ce métier est beaucoup mystifié. Or, la mort est un phénomène naturel : tout le monde va mourir. Je ne vois donc pas pourquoi travailler là-bas serait impressionnant."
Ce qui étonne le plus dans le témoignage de Leslie, c'est l'enthousiasme qu'elle manifeste pour son travail. "Quand les familles arrivent avec les corps, pour dire la vérité, je suis contente, parce que je me dis : au moins aujourd'hui, je vais travailler et rencontrer de nouvelles personnes", confie-t-elle sans détour.
Elle décrit avec précision les aspects techniques de son métier : "D'habitude, pour habiller un corps, on est souvent trois, parce qu'il faut tirer, mettre les gants, le corps est raide, etc."
Étonnamment, la jeune femme avoue même espérer vivre des situations "drastiques" pour enrichir son expérience. "C'est bizarre, mais j'espère bien en vivre, parce que quand j'écoute mes devanciers, surtout NDoumbe – il faut dire la vérité : c'est mon idole, je l'aime beaucoup – j'espère donc voir ce qu'il a décrit."
Leslie Koko ne manque pas d'ambition. Elle vise l'excellence académique dans son domaine : "Moi, je vise l'excellence en thanatopraxie, arrivée jusqu'au niveau du doctorat." Mais son rêve va encore plus loin.
"Ensuite, je veux créer une morgue au Cameroun. Je me considère comme quelqu'un qui deviendra la meilleure dans ce domaine", affirme-t-elle avec une assurance rare pour son âge.
En conclusion de son témoignage, Leslie lance un appel aux femmes de son pays : "J'aimerais dire aux femmes que le métier de thanatopracteur est un métier incroyable. Prendre soin d'un défunt est quelque chose d'incroyable, se dire que c'est pas moi qu'il passera pour aller sous terre."
Une phrase qui résume toute la philosophie de cette jeune femme déterminée à normaliser un métier essentiel mais stigmatisé, et à ouvrir la voie à d'autres femmes dans ce domaine traditionnellement masculin ou simplement évité.
Dans un Cameroun où les tabous autour de la mort restent tenaces, Leslie Koko incarne une nouvelle génération qui ose affronter ses peurs collectives et transformer un sujet de répulsion en vocation professionnelle. Son parcours atypique interroge sur la place des femmes dans les métiers "interdits" et sur la nécessité de démystifier la mort pour mieux accompagner les vivants dans leur deuil.