C’est peut-être le coup de gueule le plus épique de la journée. Le jeune compatriote en a marre du régime actuel et est découragé de voir qu’il a encore gagné l’élection présidentielle selon le Conseil constitutionnel. Il fait alors une sortie relayée par l’activiste Zang.
Il est temps qu’on se parle avec honnêteté. Le Cameroun traverse une période où beaucoup ont fini par confondre la résignation avec la paix. Le fait même que ce régime ait encore été réélu par certaines personnes en dit long sur l’état de notre société.
Ce pourcentage si triomphal, loin de refléter une adhésion sincère, montre plutôt que les Camerounais ne sont plus aussi dupes qu’avant. Beaucoup ont voté « pour le bien », croyant faire le bon choix. Mais après quarante ans, où est ce bien dont on nous parle ? Qu’avons-nous réellement gagné ?
Personnellement, je ne vois rien dont j’ai bénéficié. Rien. Et je ne suis pas le seul. Ceux qui se réjouissent de cette continuité, ce sont ceux qui profitent depuis toujours de la fortune publique. Les mêmes visages, les mêmes familles, les mêmes réseaux. Ils se partagent les marchés, les postes, les privilèges. On les voit ouvrir des stations-service, créer des sociétés avec l’argent du peuple, pendant que la majorité peine à joindre les deux bouts.
Prenons un symbole fort : le 20 mai, cette journée censée célébrer l’unité nationale. En théorie, c’est la fête de tous les Camerounais. Pourtant en pratique, c’est la fête d’un cercle fermé. Les mêmes invités, les mêmes noms, chaque année au palais de l’unité. Comme si être Camerounais se mesurait au privilège d’y être convié.
Pendant ce temps, la jeunesse, pourtant censée incarner l’avenir du pays, reste à l’écart, sans reconnaissance ni espace pour s’exprimer. Cette réalité ne s’arrête pas là, mais elle se prolonge dans tous les domaines.
Le chômage des jeunes atteint des niveaux alarmants. Des diplômés compétents, formés localement, enchaînent les concours et les candidatures sans jamais être retenus, non pas faute de mérite, mais parce que tout est verrouillé d’avance.
Les écoles d’ingénieurs et les écoles minières forment des talents, mais à quoi bon, si les entreprises du pays préfèrent toujours recruter ceux venus de l’étranger ? Moi-même, j’ai vécu cette injustice, bradé de diplômes que je suis, j’ai écrit un courrier à la présidence pour une recommandation liée à un emploi. Le courrier a bien été reçu, mais n’a jamais été lu. Parce que là-bas, il existe deux piles : celle des courriers « importants » qu’on présente au chef de l’État, et celle des autres, qu’on enterre dans le silence.
Mon dossier, comme celui de tant de jeunes Camerounais, a fini dans la mauvaise pile. Et pendant ce temps, certains continuent de se réjouir de la victoire du régime. C’est normal. Ce sont ceux qui bénéficient directement du système. Ces belles filles qu’on voit dans les avions, à Paris, à Dubaï, dépensant sans compter de l’argent public ; ces amis proches du pouvoir, toujours entre deux cérémonies et deux privilèges. Bien sûr qu’ils se réjouissent, ils n’ont aucune raison de vouloir le changement.
Mais pour le peuple réel celui qui se bat, qui espère, qui n’a rien c’est un énième cycle d’illusions. Ces sept années supplémentaires ne seront pas synonymes de progrès. Elles seront, au contraire, sept années de plus pour que les mêmes continuent de s’enrichir pendant que la pauvreté s’étend.









