Dans une lettre ouverte empreinte d'émotion et de solidarité, l'avocat Me Emmanuel Simh s'adresse à Maurice Kamto au lendemain de la décision du Conseil Constitutionnel du 5 août. Témoin privilégié des épreuves traversées par le leader du MRC depuis 2012, l'homme de droit dresse un réquisitoire poignant contre ce qu'il qualifie de "boucherie politico-judiciaire" et retrace les humiliations successives infligées à celui qu'il considère comme un homme intègre dont "le seul crime est d'avoir rêvé de changer l'avenir de son pays". Une missive qui témoigne de la loyauté d'un militant face aux "sinistres" machinations du pouvoir.
L' avocat #MeEmmanuelSimh une lettre à Maurice Kamto...
"Monsieur le Président,Il y a exactement deux semaines, j'étais là, debout derrière vous au moment où le Conseil Constitutionnel prononçait cette décision inique, au bout de ce que quelqu'un a justement qualifié de boucherie politico-judiciaire. Ce fut un déni de justice, un crime contre la Loi et contre la démocratie.Le but de cette honteuse machination n'était pas seulement de vous éliminer d'une course qu'ils savaient que vous aviez toutes les chances de gagner, mais une fois encore, une fois de trop, de vous humilier.Humilier Maurice Kamto semble avoir été, depuis 2012, leur seul programme politique.Ce sinistre 5 Août, j'étais là debout, groggy, retenant presque mes larmes devant cette sauvagerie d'une rare violence contre un homme dont le seul crime est d'avoir rêvé de changer l'avenir de son pays et de son peuple dans la paix. Deux jours plus tard, je vous ai écouté, je vous ai regardé parlant tête haute et nous demandant de rester debout. Quel panache!Mais j'avoue que moi, de nature et d'ordinaire flegmatique et imperturbable, je me suis senti cassé, presque brisé par cette énième épreuve à vos côtés. Oui, comme militant et comme Avocat, je vous voyais là debout, dans cette tenue immaculée, recevoir en face ce crachant juridique en guise de verdict de droit. C'en était trop pour moi. Je vous ai vu être expulsé d'un hôtel de Yaoundé en 2012 alors que nous étions simplement venus lancer le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun. J'ai vu un ministre essayer de vous touner en ridicule en Octobre 2018, après que vous ayiez fait le plus brillant réquisitoire contre le tribalisme, devant une foule captivée et admiratrice au Conseil Constitutionnel, expliquant qu'on ne choisit pas où l'on naît, et que seule notre appartenance à une même nation devait être notre leitmotiv.Je me souviens comme hier de cette pièce infecte, peuplée de rats et de cafards, dans laquelle on vous avait jeté dans les locaux du GSO après un kidnapping digne des boko-haram à Douala en 2019, de ce matelas miteux jeté au sol, de cet interrogatoire devant une caméra fixée sur vous: on traiterait mieux le pire terroriste.J'étais là cette horrible nuit, au Tribunal Militaire de Yaoundé, dans ce bureau lugubre de ce juge( je ne sais pas s'il faut l'appeler juge) d'instruction militaire, qui, malgré l'exception d'incompétence matérielle soulevée, à savoir qu'un civil n'est pas justiciable devant cette cour martiale, vous a signifié, l'air narquois, votre mise en détention provisoire à la prison principale de Yaoundé.Qui n'a pas été témoin du dispositif militaire souvent déployé quand vous et vos camarades d'infortune deviez comparaître devant ce même Tribunal? Yaoundé était alors en véritable état de siège.Je n'ose même pas parler de vos conditions d'incarcération, avec cette quasi privation de visites, lesquelles étaient réduites à leur plus simple expression!J'ai vécu votre séquestration pendant trois mois en septembre 2020, sans aucun mandat judiciaire ni acte administratif, ainsi que l'embastillement sauvage de centaines de nos militants, comme en 2019, dans le dessein de vous anesthésier. Et là, ce n'est que quelques fesques d'une longue série d'humiliations.Oui monsieur le Président, j'en ai vu. Et ce 5 Août, j'ai presque craqué.Ils ont infligé toutes ces humiliations à un homme qui a tout donné pour son pays, sans jamais détourner le moindre centime.Ils ont fait ça, - laissons les autres casquettes -, au coagent, conseil et avovat de la République du Cameroun devant la Cour Internationale de Justice (j'ai là sous mes yeux l'arrêt du 10 octobre 2002) et artisan des accords subséquents. Je vous admire, monsieur le Président, homme stoïque. Comme vous, je me suis remis dans le sens de la marche. Et j'ai pensé vous écrire pour vous le dire.Vous avez votre conscience en paix. Je doute fort que ce soit le cas pour eux."
Source: romaric tenda