Actualités of Thursday, 20 November 2025

Source: www.camerounweb.com

Tourer la page Biya et Tchiroma: les nouveaux visages de l'opposition qui préparent 2030

Derrière les scores modestes de la présidentielle se cachent les futurs challengers du régime. Patricia Tomaïno Ndam Njoya, Samuel Hiram Iyodi et Pierre Kwemo misent sur la visibilité acquise pour structurer leur base militante.



Alors que l'attention médiatique se concentre sur la contestation d'Issa Tchiroma Bakary et la débâcle des figures établies de l'opposition, une nouvelle génération de leaders politiques émerge discrètement des décombres de la présidentielle du 12 octobre. Dans une enquête exclusive, Jeune Afrique révèle comment six candidats méconnus transforment leurs scores modestes en tremplin pour les échéances futures, avec une stratégie de long terme qui pourrait rebattre les cartes en 2030.

« On peut dire qu'ils n'ont ni gagné ni perdu, explique un observateur chevronné de la politique camerounaise interrogé par Jeune Afrique. Car si leurs scores n'étaient pas très différents de leurs attentes, leur participation leur a donné l'opportunité de se faire connaître de l'électorat en vue des prochaines échéances. »


Parmi ces nouveaux visages, celui de Samuel Hiram Iyodi, candidat du Front des Démocrates Camerounais (FDC), retient particulièrement l'attention des analystes. Selon les informations exclusives recueillies par Jeune Afrique, ce dernier bénéficie désormais d'« une écoute positive » auprès d'une frange croissante de l'électorat, notamment dans les zones urbaines où le rejet du système Biya s'affirme.


« On observe que des candidats comme Iyodi commencent à avoir une écoute positive. Reste à voir comment il s'en servira pour la suite », confie à Jeune Afrique notre source proche des milieux de l'opposition. Cette dynamique contraste avec les difficultés rencontrées par les figures historiques de la contestation, sanctionnées par les électeurs pour leur proximité supposée avec le pouvoir.

Le parcours d'Iyodi illustre les défis auxquels sont confrontés les nouveaux entrants. Jeune Afrique révèle qu'il a dû composer avec un différend ouvert avec Denis Emilien Atangana, fondateur du FDC, ce qui a limité ses moyens de campagne mais lui a paradoxalement conféré une image d'indépendance appréciée par une partie de l'électorat jeune.


Avec 1,66 % des suffrages, Patricia Tomaïno Ndam Njoya fait également partie de cette nouvelle garde qui ne se décourage pas. Issue d'une famille politique influente, elle mise sur un ancrage local solide et une proximité avec les préoccupations quotidiennes des Camerounais.

Les sources de Jeune Afrique indiquent qu'elle aurait déjà entamé une tournée discrète dans plusieurs régions pour structurer un réseau militant en vue des élections locales. Son objectif : transformer sa faible notoriété nationale en une implantation territoriale durable, susceptible de lui offrir une base solide pour les scrutins futurs.

« Ces nouveaux candidats n'ont pas les mêmes ambitions que leurs aînés, analyse un politologue contacté par notre rédaction. Ils ne visent pas forcément la présidence à court terme, mais plutôt la construction patiente d'une alternative crédible pour 2030 ou au-delà. »


Jacques Bouhga Hagbe (MPCN) et Seta Caxton Ateki (PAL) partagent un destin similaire. Jeune Afrique révèle que tous trois – avec Iyodi – ont pâti d'une « défaillance majeure : l'image et la réputation des leaders des partis qui les ont investis », selon l'analyse d'un observateur aguerri de la scène politique camerounaise.

Bouhga Hagbe a dû affronter Jean Monthé Nkouobité, figure controversée du MPCN, tandis qu'Ateki s'est heurté à Célestin Bedzigui au sein du PAL. Ces querelles internes, loin de les affaiblir définitivement, leur ont paradoxalement permis de se positionner comme des voix nouvelles, débarrassées des compromissions de leurs mentors.

Avec seulement 0,28 % des voix, Pierre Kwemo affiche le score le plus modeste de cette nouvelle génération. Pourtant, Jeune Afrique a appris qu'il ne se décourage nullement et compte miser sur la constance pour s'imposer progressivement dans le paysage politique.

« La visibilité acquise lors d'une présidentielle est inestimable, même avec un score faible, explique un de ses proches. Cela ouvre des portes, permet de rencontrer des financeurs potentiels et de structurer une organisation politique. Dans cinq ans, personne ne se souviendra des pourcentages, mais tout le monde se rappellera qui était candidat. »

Cette stratégie de long terme s'inscrit dans une lecture lucide du système politique camerounais, où la longévité et la persévérance comptent souvent plus que les performances ponctuelles.

Pour tous ces nouveaux venus, les prochaines élections locales constitueront le véritable test de leur capacité à transformer l'essai. Contrairement aux figures établies de l'opposition – Libii, Osih, Matomba – qui risquent de perdre leurs sièges de députés ou de conseillers, ces candidats n'ont rien à perdre et tout à construire.
Les révélations de Jeune Afrique montrent que plusieurs d'entre eux travaillent déjà à nouer des alliances locales, loin des projecteurs médiatiques, pour s'implanter dans des circonscriptions stratégiques. L'objectif est clair : obtenir des élus locaux qui constitueront la base d'une montée en puissance progressive vers les scrutins nationaux.

Au-delà des parcours individuels, l'émergence de ces nouveaux visages traduit une recomposition profonde de l'opposition camerounaise. Face à l'usure des figures historiques et à la répression qui frappe les contestataires radicaux comme Tchiroma Bakary, cette nouvelle génération mise sur une approche différente : la patience, l'enracinement local et la construction méthodique d'une alternative.

« Le système Biya a montré ses limites lors de cette élection, avec son pire score depuis 1992, rappelle l'analyste Moussa Njoya dans les colonnes de Jeune Afrique. Ces jeunes candidats l'ont compris : le changement viendra, mais il faudra être prêt le moment venu. »

En attendant ce moment, Patricia Tomaïno Ndam Njoya, Samuel Hiram Iyodi, Pierre Kwemo et les autres continuent leur travail de fourmi, loin des caméras, pour préparer l'après-Biya. Une stratégie de long terme qui pourrait s'avérer payante dans un pays où la jeunesse représente plus de 60 % de la population et où l'aspiration au changement ne cesse de croître.