Vous-êtes ici: AccueilActualités2021 11 20Article 629311

Actualités of Samedi, 20 Novembre 2021

Source: Le Jour

Surfacturation de 15 milliards au MINRESI: la ministre Tchuinte risque la prison de Kondengui

Au Minresi : des achats à l’étranger d’hydroxychloroquine et d’azithromycine avec un reconditionnement local

Par lettre n° 185/CF./SG7PR du 09 avril 2020, le ministre d’État, Secrétaire général de la présidence de la République, a approuvé une proposition faite par la ministre de la Recherche scientifique et de l’innovation par courrier en date du 6 avril 2020, visant à développer une production locale d’hydroxychloro-quine, d’azithromycine et de certains matériels de protection et des tests de dépistage.

A cet effet, l’institut de recherches médicales et d’études des plantes médicinales (Impm) a été chargé de fabriquer cinq millions de comprimés d’hydro-xychloroquine et cinq millions de comprimés d’azithromycine, pour un coût total estimé à l’époque par le ministre à 657 000 000 FCFA.

Ce montant a été mis à la disposition du Minresi afin de réaliser cette opération. Par la suite, le décret de répartition du 22 juillet 2020 du Premier ministre a attribué à cette activité, un financement de 4’054 000 000 FCFA, soit 6 fois supérieur à l’estimation initiale.

L’incapacité technique de l’Impm à se lancer dans la production industrielle de médicaments
De manière concomitante à la décision de mettre en œuvre une production locale, un rapport d’évaluation de la Direction de la pharmacie, des médicaments et du laboratoire (Dpml) du Minsante, en date du 28 avril 2020, soulignait que le site de fabrication de l’Impm n’était pas conforme aux exigences de la production industrielle de médicaments.

Ce rapport précisait notamment que : – « le personnel impliqué dans la fabrication ne dispose pas d’expertise avérée en matière de production industrielle donnant confiance en ce que les médicaments fabriqués ne présenteront aucun risque pour la santé humaine : – il est indispensable de définir les spécifications de tout le matériel, la pharmacopée de référence et de disposer des procédures détaillées de toutes les opérations pharmaceutiques réalisées dans le site de production afin d’avoir la preuve que les médicaments seront fabriqués et conditionnés en conformité avec les exigences requises ; – il est indispensable de doter le site de production des procédures détaillées de toutes les opérations relatives au contrôle qualité ; – le site n’est pas conforme aux normes en matière de production des produits pharmaceutiques ; – le site de production dispose d’un équipement adéquat.

Cependant, il est indispensable de procéder à leur qualification, à la validation des procédés de fabrication et des procédures de nettoyage ». Le rapport recommandait une mise à niveau du laboratoire de l’Impm et son accompagnement par les structures pharmaceutiques locales pour la production à long terme des médicaments.

Une livraison déjà conditionnée et un reconditionnement effectué localement
Le’29 juillet 2020, l’Impm a reçu par DHL une livraison de cinq millions de comprimés d’hydroxychloroquine, cinq cent mille comprimés d’azithromycine et des intrants d’azithromycine (12 fûts de 25 Kg chacun) pour un montant de 601 300 000 FCFA. Si la commande d’hydroxychloroquine et d’azithromycine portait sur des comprimés en vrac, la Chambre des Comptes a pu établir que ces médicaments ont été livrés déjà conditionnés.

L’Impm a décidé de reconditionner ces médicaments dans de nouveaux emballages. Cette opération a coûté 9 356 000 FCFA correspondant à la confection de 45 000 boîtes d’hy-droxychloroquine et 5000 boîtes d’azithromycine par la société ETS Pierre et les Anges. A la date du 31 décembre 2020 : – sur la dotation de l’Etat, 654 453 637 FCFA avaient été engagés et 610 710 250 FCFA avaient été payés ; – sur la dotation de l’Impm, des factures d’un montant de 51 419 195 F CF.A avaient été payées.

Elles correspondent à des travaux de rénovation des sites de production, qui n’ont en réalité pas été utilisés pour la production industrielle de médicaments. Au total, un montant de 705 900 000 FCFA avait été engagé pour ces achats à la fin de l’exercice 2020. La Chambre des Comptes estime qu’une telle activité n’a pas pu être menée par l’Impm à une telle échelle sans que le Minresi n’ait été au courant.

Le programme 972 de « résilience économique et financière » : une contribution à la relance de l’économie à hauteur de 75 080 000 000 FCFA
Le décret n” 2020/3221/PM du 22 juillet 2020 fixant la répartition de la dotation du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le coronavirus et ses répercussions économiques et sociales a, pour l’exercice 2020, alloué la somme de 50 000 000 000 FCFA au programme 972 « Résilience économique et financière ».

Cette somme se répartit ainsi : – apurement de la dette intérieure : 25 000 000 000 FCFA ; – apurement du stock de TVA : 25 000 000 000 FCFA. Au 31 décembre 2020, les paiements globaux effectués en application de cette mesure, qui n’était pas affectée à un département ministériel dans le décret de répartition du 22 juillet 2020, mais qui a été mise en oeuvre en pratique par le Minfi, se sont élevés à 75 085 000 000 FCFA, soit un excédent de 25 085 000 000 FCFA par rapport à l’enveloppe prévisionnelle, couvert par des appuis budgétaire.

15 000 000 000 FCFA en règlement de restes à payer
Le ministère des Finances a consacré 15 000 000 000 FCFA au règlement de restes à payer dans les postes comptables. Il indique que « ces dépenses ont bénéficié des appuis budgétaires (Covid) à hauteur de FCFA 15 000 000 000 », c’est-à-dire de financements des partenaires techniques et financiers (PTFs). Le caractère spécial de cette opération ne semble pas avoir été perçu par les postes comptables concernés.

Les comptables publics interrogés par la Chambre ont estimé que les ressources allouées étaient destinées au règlement ordinaire des dépenses de leur circonscription, et non pas inscrites dans la logique gouvernementale de mesures spéciales de lutte contre la Covid 19 et ses conséquences économiques, sociales et financières. Pour sa part, la Chambre des Comptes n’a pas été en mesure d’identifier une diminution du stock des restes à payer des postes comptables.

Autres départements ministériels : 9,8 milliards FCFA de dépenses payées en 2020
Les ministères autres que le Minsante, le Minresi et le Minfi ne font pas partie du périmètre du présent audit, mais la Chambre des comptes a souhaité recueillir une information minimale pour avoir une vision globale sur les dépenses 2020 du compte d’affectation spéciale, telles qu’elles sont recensées. Dans ses prochains travaux, la Chambre auditera en détail ces dépenses.

En dehors du Minsante et du Minresi, 21 départements ministériels ont été saisis par la Chambre des comptes afin de lui produire des documents permettant de dresser la situation générale de la gestion du Fonds spécial de solidarité nationale dans ces administrations au 31 décembre 2020. Dix-neuf (19) départements ministériels ont effectivement donné suite à la sollicitation de la juridiction financière, mais en fournissant des informations au 15 décembre 2020 ou antérieures à cette date.

L’indisponibilité des informations à jour à la fin de la période sous revue ne permet donc pas à la juridiction des comptes de dégager une situation exhaustive, non seulement sur le respect des obligations relatives à la désignation du point focal et du chargé des opérations de comptabilité-matières, ainsi qu’à la production des rapports d’activités, mais également sur la situation réelle des engagements de dépenses effectuées au 31 décembre 2020.

Si les montants engagés par les départements ministériels autres que le Minsante, le Minresi et le Minfi n’ont pu être établis, les montants payés s’élèvent à 9,805 milliards FCFA. Mais la Chambre des comptes souligne que le montant des engagements est supérieur à ce chiffre

(…) Au total, la qualité des informations recueillies est faible. La remontée d’informations vers le Minfi organisée par la circulaire du 22 juillet 2020 du ministre des Finances, a globalement été peu respectée, ce qui souligne encore la nécessité d’un pilotage stratégique interministériel du Fonds Spécial qui s’appuierait sur un compte rendu régulier de l’exécution des dépenses engagées par les départements ministériels dans le cadre du compte d’affectation Covid-19.

Une surfacturation de 15 374 000 000 FCFA au profit de la société Mediline Medical Cameroon SA, importatrice des tests de dépistage
Au regard de la gravité de la situation sanitaire, le Président dé la République a autorisé le ministre de la Santé publique dès le 7 avril 2020 à passer des commandes de tests de dépistage de la COVID-19 par voie de marchés spéciaux. Au total, les dépenses engagées pour l’achat de tests en 2020 se sont élevées à 25 800 000 000 FCFA. Un premier marché du 15 avril 2020, d’un montant de 300 000 000 FCFA, a été attribué à la société MEDICAL PLUS SARL, pour la fourniture de 50 000 tests anticorps (biolinelgG/lgM) de référence ICO-T40203, soit 6 000 FCFA le test.

Après que le gouvernement eut sollicité l’accompagnement de la République de Corée, il a décidé de s’approvisionner auprès du laboratoire sud coréen SD BIOSENSOR, un des leaders mondiaux dans la fabrication des tests rapides de dépistage. Cependant, le montage de l’opération d’importation qui fait intervenir 02 sociétés intermédiaires, ainsi que les prix finaux obtenus suscitent de fortes interrogations

Un quasi-monopole de la fourniture des tests offert à une société sans expérience
Le Directeur du cabinet du premier ministre a adressé le 11 juin 2020 au ministre de la Santé publique, un courrier ayant pour objet la « commande de trois millions de kits de dépistage rapide du COVID-19 par antigènes par la société Me-diline Medical Cameroon SA auprès de SD Biosensor Korea ».

Par cette lettre et comme suite à l’audience accordée le 27 mai 2020 à l’ambassadrice de Corée du Sud, le Premier ministre autorisait le ministre de la Santé publique à conduire des négociations avec « le partenaire coréen identifié, afin d’obtenir l’accord officiel du gouvernement de la République de Corée, pour la production et l’exportation au Cameroun, de trois millions (3 000 000) de tests de dépistage de la COVID-19 d’ici décembre 2020 ». Il lui recommandait toutefois de s’assurer « de l’application effective de la mercuriale des prix en vigueur au Cameroun ».

Au 31 décembre 2020, sur 1 503 000 tests achetés (tous types confondus), 1 400 000 avaient été fournis par Mediline Medical Cameroon SA30 pour un total de 24 500 000 000 FCFA, le reste étant partagé entre Medical Plus Sari et Sat Pharma, qui sont deux opérateurs nationaux dont l’expcrience dans la vente de médicaments et dispositifs médicaux est avérée.

Bien que Mediline Medical Cameroon SA, principal attributaire des marchés des tests soit immatriculé au RCCM du greffe du Tribunal de première instance de Yaoundé-Centre administratif depuis le 13 septembre 2017, cette société n’avait justifié d’aucune activité jusqu’en janvier 2020.

Le solde de son relevé bancaire était égal à 0 FCFA au 1er janvier 2020, et les premiers mouvements sur son compte bancaire n’ont été enregistrés qu’à partir du 2 juin 2020, soit quelques jours avant la conclusion des premiers contrats avec le Minsante.

Le choix de cette entreprise inexpérimentée, au détriment de sociétés locales qualifiées, est d’autant plus étonnant que les prix finaux auxquels l’opération a été traitée apparaissent déconnectés des prix du fournisseur et de ceux disponibles sur le marché.

1 400 000 tests achetés à 17 500F CFA l’unité
La même société Mediline Medical Cameroon SA a été en outre attributaire de 3 marchés de fournitures médicales pour 198,7 millions FCFA, d’un marché d’acquisition d’ambulances médicalisées pour440 millions FCFAet d’un marché de tests de dépistage attribué par le ministère de la Recherche scientifique et de l’innovation pour 300 millions FCFA.

Quatre marchés ont été passés avec Mediline Medical Cameroon SA les 19 juin (100 000 et 300 000 tests), 15 juillet (500 000 tests) et 16 décembre 2020 (500 000 tests) au prix de 17 500 F CF.A le test antigène « Standard Q covid-19 AG Test ».

Or, le prix pratiqué par le laboratoire SD Biosensor à partir de la mi-mai 2020 et disponible sur son site internet était nettement inférieur. Il s’établissait à 10,80 € le test antigène « Standard Q Covid-19 AG Test », soit 7 084 FCFA pour toute commande supérieure ou égale à 3 cartons de 25 kits de tests antigènes.

Deux documents de validation du prix du Mincommerce produits à 06 mois d’intervalle
Le ministre du Commerce a mis en place une commission spéciale de validation des prix et tarifs de référence des équipements, travaux et services destinés aux administrations publiques, et parapubliques dans le, cadre de la lutte contre la pandémie, la procédure de validation du prix des tests par le Mincommerce, qui constitue une étape indispensable pour sécuriser le prix de la commande publique, a donné lieu à deux fiches de validation signées du président de la commission spéciale de validation des prix et des tarifs, établies à 6 mois d’intervalle, le 1er juin 2020 et le 12 janvier 2021. La fiche de validation du 1er juin 2020 mentionne un prix unitaire de 17 500 FCFA qui s’applique au «kit de 25 tests par carton ».

Le ministre de la Santé publique a demandé par courrier du 15 juillet 2020 qu’il soit précisé si le prix unitaire s’appliquait au kit de 25 tests, ou à un seul test. La Chambre souligne que cette démarche tardive est surprenante, puisqu’au moment de rédiger cette demande de précision, pourtant capitale, l’ordonnateur du Minsante avait déjà signé 3 marchés les 19 juin et 15 juillet 2020 portant sur 900 000 tests au prix de 17 500 FCFA le test.

Il en signera un quatrième, au même prix le 16 décembre 2020, portant sur 500 000 tests, sans avoir reçu de réponse à sa demande de précision. Ce n’est que le 12 janvier 2021 que le président de la commission adressera au ministre de la Santé publique une deuxième fiche de validation qui remplace la mention « kit de 25 tests par carton » par la mention « kit tests », sans apporter de précision utile. En conclusion, l’homologation du prix d’achat par le président de la commission spéciale de validation des prix et tarifs du Mincommerce n’apparaît pas comme un modèle de transparence.

Un manque de rigueur de la commission spéciale de validation des prix du Mincommerce dans la détermination du juste prix
Le président de la commission spéciale de validation des prix et de tarifs a fait valoir que la validation du prix du test a suivi une procédure arrêtée par ladite commission. Selon lui et eu égard à l’absence de ce test sur le marché local, la commission a mené des enquêtes sur les sites internet de l’Unicef, de Labmark, un prestataire basé en République Tchèque et de SD-Biosensor, le fabriquant desdits tests basé en Corée du Sud.

Elle a décidé de retenir le kit comme unité de mesure, parce que tous ces organismes proposaient ces tests sous conditionnement de kits de 25 tests. Compte tenu de ces éléments, la Chambre des Comptes constate que le président de la commission a manqué de rigueur et n’a pas respecté les règles d’éthique dans la détermination du juste prix.

Un prix calculé à 6 518 FCFA le test, mais valide à 700 FCFA
Le président de la commission spéciale de validation des prix et des tarifs du Mincommerce a indiqué que l’Unicef vendait le kit de 25 tests à 113,400FCFA,^tandis que Labmark le vendrredi à 212 520 FCFA. Sur cette base, la commission a déterminé le prix moyen de ces deux offres, auquel elle a appliqué un coefficient de pondération qui prend en compte les charges et la marge du prestataire. Le prix moyen obtenu à la suite de ces calculs était alors de 162 960 FCFA.

Il a soutenu enfin qu’il est de règle que si le prix moyen obtenu par la commission est supérieur à celui proposé par l’ordonnateur, c’est le prix de l’ordonnateur qui est retenu) Dès lors, puisque le prix de 437 500 FCFA le kit de 25 tests proposé par le Minsante était supérieur à celui obtenu par la commission, le kit de 25 tests de marque Standard Q Covid-19 AG Test SD Biosensor devait être validé à 162 960 FCFA, soit 6 518 FCFA le test.

Enfin, il a indiqué par correspondance du 25 mai 2021, que la société Moda Holding Hong Kong, intermédiaire de Mediline Medical Cameroon SA avait proposé le prix de 25 USD le kit (soit 14 580 FCFA) qui, pondéré suivant-la méthode de la commission, aboutit à un prix de vente de 29 160 FCFA le kit de 25 tests rendu au Cameroun.

Au vu de ces explications, la Chambre constate que la Commission avait trois prix de référence émanant de trois sources différentes : 162 960 FCFA le prix moyen pondéré calculé sur la base des prix pratiqués sur le marché international ; 29 160 FCFA le prix pondéré calculé sur la basé du prix d’origine de Moda Holding Hong Kong ; 437 000 FCFA, le prix proposé par le fournisseur Mediline Medical Cameroon SA. La Chambre observe que les trois prix de référence étaient divergents et qu’en particulier ceux de Mediline Medical Cameroon SA et de son intermédiaire Moda Holding Hong Kong n’étaient pas crédibles, l’un étant quinze fois supérieur à l’autre.

Le seul prix apparaissant en lien avec le marché international’ était 162 960 FCFA, prix moyen pondéré tel que calculé par la commission. Et logiquement, c’est celui-là qui aurait dû faire l’objet de validation. C’est pourtant un quatrième prix qui, contre toute attente, a été validé par le président de la commission du Mincommerce à savoir 17 500 FCFA le kit de 25 tests, soit 700 FCFA le test, incohérent au regard du mode de calcul de la commission.

Une surfacturation de 15 374 000 000 FCFA par l’importateur
La Chambre des Comptes retient toutefois que le prix de 162 960 FCFA le kit de 25 tests, calculé par la Commission de validation des prix et des tarifs, peut servir de base au calcul de la surfacturation du prestataire. L’achat des tests à Mediline medical Cameroon SA a été facturé à 24 500 000 000 FCFA au Minsante.

Si le prix de 162 960 FCFA pour le kit de 25 tests calculé par le Mincommerce, soit 6 518 FCFA le test, avait été logiquement retenu, le prix payé aurait dû être de 9 125 000 000 FCFA31. La surfacturation supportée par les finances de l’État s’est donc élevée à 15 374 000 000′ FCFA pour le seul exercice 2020, sans prendre en compte les prestations facturées par cette même entreprise en 2021.

La juridiction financière relève que ces sommes ont bénéficié aux 2 entités, Mediline medical Cameroon SA et l’intermédiaire Moda holding Hong Kong, les quelles apparaissent étroitement liés. En effet, Moda holding Hong Kong utilise un compte bancaire appartenant à Mediline medical Cameroon SA32 qui est une filiale de Mediline medical SA dont le siège social est à Hong Kong, ce qui pouvait donner la possibilité d’exporter l’essentiel du bénéfice considérable réalisé par ces sociétés.

L’absence de recours aux facilités offertes par le Fonds mondial de lutte contre le VIH, la Tuberculose et le Paludisme
Le Fonds mondiale de lutte contre le VIH, la Tuberculose et le Paludisme, dont le Cameroun est un pays donateur, vise à favoriser l’accès rapide et équitable des pays à revenu faible ou intermédiaire aux produits de santé et de diagnostic, y compris ceux qui sont liés à la lutte contre la COVID-19.

Il a homologué les tests de dépistage de la Covid-19 en 2020. La liste des tarifs de référence du mécanisme d’achat groupé pour les produits de diagnostic de la COVID-19 publiée par le Fonds Mondial au 4ème trimestre 2020 faisait ressortir les informations ci-après. Au vu de ces éléments, la Chambre des Comptes observe que l’Ordonnateur Délégué du Minsante a signé le 16 décembre 2020 un marché spécial avec Mediline Medical Cameroon SA portant sur 500 000 tests au prix de 17 500 FCFA le test, alors que la même commande aurait pu être passée auprès du Fonds Mondial à 2 932 FCFA le test. Sur ce seul marché, le Minsante a supporté un coût d’opportunité injustifié de 7 284 000 000 FCFA.

En conclusion sur ce point, la société chargée des opérations d’importation de 1 400 000 tests était inexpérimentée et a surfacturé à hauteur de 15 374 000 000 FCFA en 2020, avec l’aval des responsables du Minsante. Si l’on prend en considération la possibilité de se fournir à prix réduit pour 500 000 tests auprès du Fonds Mondial en décembre 2020, le surcoût pour le Minsante par rapport à des achats au meilleur prix en 2020 est de 17 167 000 000 FCFA35. Bien qu’il ne soit pas signataire des marchés d’acquisition des tests de dépistage et eu égard aux montants en jeu, il est peu vraisemblable que le Ministre de la Santé Publique ait pu être tenu dans l’ignorance et à l’écart des manœuvres tendant à facturer les tests de dépistage à un prix déconnecté de la réalité du marché.

La vente controversée de 15 000 tests de dépistage rapide Covidl9 par le ministre de l’Administration territoriale au ministre de la Santé publique

Par ordre de virement n’ 038/20/L/Minsante/Covid-19 du 11 mai 2020, l’ordonnateur du compte BGFI Minsante-Riposte Covid-19 a réglé la somme de 288 000 000 FCFA36 au profit du ministère de l’Administration-territoriale sur un compte ad hoc, dont la Chambre des Comptes ignore l’identité du titulaire, pour]’achat de 15 000 tests de dépistage rapide Covid-19.

Le compte BGFI a été effectivement débité de cette somme le 14 mai 2020. Le ministre de l’Administration territoriale a reversé cette somme dans le compte BGFI du Minsante le 02 juin 2020 « sur instruction du Premier ministre, chef du gouvernement », selon le point focal Covid-19 du Minsante, co-signaiaire dudit compte. Cependant, dans le livre journal-banque du Minsante, cette opération de paiement n’a p?s été annulée.

Cette opération appelle quatre observations ; – la vente des tests de dépistage rapide, Covid-19 n’est ni une mission, ni une attribution du ministère de l’Administration territoriale. En tout état de cause, la règlementation n’autorise pas une administration à vendre des biens à une autre ; – l’origine de ces tests est incertaine, mais la Chambre observe qu’il n’est pas inhabituel que le Minât reçoive des dons de cette nature dans les situations de crise ; -le ministre de l’Administration territoriale n’a pas communiqué à la juridiction des comptes la situation des contributions reçues dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 pourtant réclamée par lettre n’ 013/CAB/PCDC/CSC du 29 octobre 2020 ; – en l’absence de prisé en compte du reversement dans le livre journal banque du Minsante, il subsiste un risque que la somme de 288 000 000 FCFA fasse l’objet d’une appropriation privée.

Au vu de ces constatations, la Chambre des Comptes souligne l’opacité entretenue par le ministre de l’Administration territoriale et te ministre de la Santé publique dans la gestion de cette transaction controversée, alors que subsiste un risque de distraction de cette somme.

Un stock de médicaments introuvable, d’une valeur de 536 400 000 FCFA
Le ministère de la Santé publique disposait au titre du Fonds Spécial d’une enveloppe de 1 000 000 000 FCFA destinée à l’acquisition des médicaments de prise en charge de la COVID-19, en dehors de l’hydro-xychloroquine et l’azithromycine, qui devaient être produits localement sous la responsabilité du ministère de la Recherche scientifique et de l’innovation.

Au 31 décembre 2020, le ministère de la. Santé publique avait engagé les dépenses suivantes : • 536 440 000 FCFA pour l’acquisition des médicaments, sous forme de 04 marchés ; • 300 000 000 FCFA mis à la disposition des fonds régionaux pour la promotion de la santé, pour qu’ils procèdent eux-mêmes à l’achat de médicaments. La gestion des marchés de médicaments par le ministère de la Santé publique est apparue particulièrement opaque.

Des achats en partie non conformes au protocole du Conseil scientifique des urgences de santé publique. Alors que les quatre marchés de médicaments devraient correspondre aux besoins identifiés des hôpitaux pour juguler la pandémie, la Chambre des Comptes souligne que le groupe de travail qui a validé ces achats ne comprenait ni médecin, ni pharmacien.

Les trois marchés n°142, 151 et 156 ont concerné l’achat dé matériel et produits pharmaceutiques à usage hospitalier correspondant à des besoins habituels pour des-malades lourds hospitalisés. Pour autant, ces achats ne sont pas conformes au protocole du Conseil scientifique .. des urgences de santé publique (Csups) validé le 09 avril 2020 et ré-visé le 14 mai 2020.

Le bon de commande n°123 est relatif à l’achat de Zithromax (nom commercial de l’azithromycine), utilisé pour le traitement des infections pulmonaires, notamment chez les patients atteints de la Covid-19. Selon le ministre de la Santé publique, ces commandes étaient destinées au centre ORCA et les besoins ont été déterminés par les pharmaciens de cet établissement. Pour autant, la Chambre observe que le Ministre n’a pas été en mesure de dire où ces médicaments étaient stockés.

Des marchés livrés et réceptionnés : des pièces non conformes
La Chambre des Comptes relève que la composition des liasses des pièces justificatives.des marchés n° 141,151 et 156,ainsi que du bonde commande administratif n” 123 est irrégulière au regard des lettres circulaires n° 62/LC/Minsante/Cab du 03 mars 2020, et n“-00000220/C/Minfi du 22 juillet 2020 relative aux modalités d’organisation, de fonctionnement et de suivi-évaluation du Fonds Spécial de Solidarité Nationale.

Les marchés n° 142, 151 et 156 passés pour l’acquisition des médicaments ont fait l’objet de livraison et de réception comme l’attestent les procès-verbaux de réception signés par les membres de la commission de réception des équipements et autres prestations, mais non datés, ainsi que les bordereaux de livraison signés le 3 septembre 2020 par le prestataire et l’ordonnateur délégué.

Des stocks de médicaments introuvables, une forte probabilité de détournement
Aucune information sur la gestion des stocks de ces médicaments n’a été mise à la disposition de la Chambre des Comptes. Ces médicaments n’ont pas été pris en charge par le comptable-matières et personne au Minsante n’a été en mesure de dire où ils sont stockés aujourd’hui.

En outre, aucune information relative aux paiements de ces trois marchés, pour 536 443 636 FCFA, n’est retracée dans la comptabilité du payeur spécialisé auprès du Minsante,’ ni dans le compte d’emploi des paiements en numéraire du Minsante pour 2020. Compte tenu de ces éléments, et en particulier de l’incapacité des responsables du Minsante à identifier leur lieu de stockage, la Chambre estime que ces médicaments soit sont détournés au profit de personnes privées, soit qu’ils ont fait l’objet d’une livraison fictive.

La gestion des dons de médicaments
Les médicaments reçus à titre de don et stockés au Minsante ont été confiés au chef de la section administration et finances de la riposte. Ce choix est surprenant, puisque l’intéressé n’est ni comptable-matières, ni pharmacien. Il s’agit pour l’essentiel de dons d’azithromycine et de chloroquine, qui ont été envoyés aux délégations régionales de la santé publique (DRSP) des dix régions, sachant par ailleurs que ces mêmes médicaments ont été achetés par le ministère de la Recherche Scientifique et de l’innovation mais n’avaient pas été distribués au 31 décembre 2020.