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Actualités of Mardi, 16 Octobre 2018

Source: SIGNATURE/ N°0100

Scrutin présidentiel: les défis qui attendent le prochain pésident

'Il faut aussi combattre la corruption et l’impunité qui semblent devenues la règle' 'Il faut aussi combattre la corruption et l’impunité qui semblent devenues la règle'

Les Camerounais sont allés aux urnes le 7 octobre 2018 pour choisir parmi neuf candidats (avant le désistement de M. AkereMuna), celui qui présidera aux destinées de notre pays, pour les sept prochaines années. Ce choix déterminera en grande partie l’avenir du Cameroun, en proie à BokoHaram dans le septentrion, au problème anglophone au Nord-Ouest et au SudOuest, à des menaces pour la stabilité à l’Est, et à une crise multidimensionnelle (aux plans politique, économique, social, etc.) depuis quelques années déjà. Il reviendra alors au nouveau chef de l’Etat, de relever l’ensemble des défis susmentionnés. Mais, il me semble que c’est au plan politique que tout va se jouer, car il faudra résoudre définitivement la question anglophone, et assurer la transition démocratique.

En effet, depuis près de deux ans, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont aux prises avec des revendications corporatistes qui se sont transformées depuis peu en rébellion armée. La situation est caractérisée par des tueries, des viols, des rackets, la destruction des biens publics et privés, mais aussi par le déni fait aux écoliers, aux élèves et aux étudiants d’aller à l’école pour se former et se préparer à assumer la relève de leurs parents d’une part, et aux autres concitoyens de vaquer librement à leurs occupations et de gagner leur pain en toute sérénité d’autre part. CertainsCamerounais ont mis à feu et à sang une partie du territoire national ; ils ont pris en otage nos enfants et nos concitoyens, en les empêchant de vivre paisiblement, en usant de violence aveugle et de terreur. Sur le terrain, il est loisible de constater les pertes en vies humaines, et la destruction du tissu économique et social. Cependant, ces évènements sont révélateurs du mal-être et du désenchantement de beaucoup de nos compatriotes, devant l’inertie de la classe politique et administrative, incapable d’apporter des solutions aux difficultés auxquelles nous sommes quotidiennement confrontés. On a pu le constater encore pendant cette élection, pour laquelle moins de 7 000 000 de Camerounais étaient inscrits (dont une majorité de femmes,soit près de 67 %), sur une population de plus de 25 000 000 d’habitants. Les services publics (administration, école, santé, justice, etc.) restent insensibles aux cris de nos concitoyens, face au manque de considération, au déni de leurs droits les plus fondamentaux, à leur pauvreté voire leur misère. Mais rien ne justifie que l’on prenne des armes contre ses concitoyens et les institutions, et que l’on détruise le patrimoine commun, pour faire entendre sa voix, exprimer son mécontentement, voire sa colère. C’est pour cela que les séparatistes doivent être combattus avec la dernière énergie ; ils devront aussi répondre de leurs actes délictueux devant la justice de la République, en attendant peut-être la clémence du chef de l’Etat.

Il faut aussi combattre la corruption et l’impunité qui semblent devenues la règle dans le pays tout entier ; des «bandits à col blanc» ont fait main basse sur la fortune publique, vivent dans un luxe ostentatoire, et affichent condescendance et mépris visà-vis de leurs compatriotes. Ces individus, qui ne peuvent justifier la provenance de leurs biens matériels, ont littéralement «tué» notre pays, par ce qu’ils nous ont privés de ressources qui auraient facilité l’accès aux infrastructures de base, à un logement, des soins et une école de qualité, un emploi, bref à une vie décente. Quand on regarde autour de nous, la pauvreté et la promiscuité dans lesquelles vivent certains de nos compatriotes sont tout simplement révoltantes. Le nouveau chef de l’Etat devra donc nettoyer les écuries d’Augias !

Les régions tourmentées, en particulier le NordOuest et le Sud-ouest, doivent retrouver la paix et la sérénité ; c’est le premier défi à relever. Le président élu, en dépit des chiffres peu satisfaisants de l’inscription sur les listes électorales, et de la participation au scrutin, devra engager le dialogue avec des personnalités représentatives de ces régions tourmentées, en particulier les tenants de l’autorité traditionnelle et les leaders du culte. Il conviendra également d’envoyer des signaux forts à la Nation.Y a-t-il plus grand symbole de l’unité, qui nous est si chère, que les dates du 11 février (référendum au Southern et au NorthernCameroons en 1961) et du 1er octobre (réunification des Cameroun anglophone et francophone en 1961) ? Ne devrait-on pas trouver à la tête (président et vice-président) de toutes les institutions du pays, des Camerounais anglophones et francophones ou alors des compatriotes parfaitement bilingues ? Il fautaussi que le caractère constitutionnel du bilinguisme soit respecté partout au Cameroun, du nord au sud, de l’est à l’ouest. Par ailleurs,la décentralisation doit être suivie d’effets concrets, qui se traduisent par la dévolution effective des compétences et la mise à disposition des moyens conséquents, ce qui semble plus réaliste que de revenir au système fédéral (02 Etats fédérés, l’un anglophone et l’autre francophone, ou alors dix Etats fédérés,représentant chacune de nos régions). Comment peut-on expliquer que plus de vingt ans après la promulgation de la Loi n° 96/06du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972,modifiée et complétée par la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008, toutes ses dispositions pertinentesn’aient pas été mises en œuvre ?

Bonne gouvernance

Au-delà de la classe administrative et des «élites» politiquesqui n’ontni fait leur devoir,ni rempli leurs missions,cette faillite de l’Etat qui n’a pas assuré ses fonctions régaliennes, est la preuve que notre pays doit résolumentse doter «d’institutions fortes» et pérennes, qui dépassent les individus et résistent au temps ; il s’agit aussi pour le Cameroun d’assurer enfin la transition démocratique, pour nous permettre de vivre dans un pays apaisé, réconcilié avec lui-même, le pays que «nous voulons laisser à nos enfants». Il faut définitivement trancher entre régimes présidentiel et semi-présidentiel ; avons-nous vraiment besoin d’un Parlement bicaméral, quand l’on pourrait se satisfaire d’un Conseil des Sages (représentation du commandement traditionnel), en lieu et place d’un Sénat qui ne représente pas véritablement les collectivités territorialement décentralisées ? Faut-il encore conserver une institution comme le Conseil économique et social, qui n’a pas plus tenu de session depuis bien longtemps ?

Par ailleurs, le Code électoral garantit-il un scrutin équitable pour tous ? C’est le lieu d’interpeller ici les candidats à l’élection présidentielle, qui connaissaient les insuffisances de ce Code, et ne se sont pas privés de le critiquer, mais sont allés malgré tout en course pour le palais de l’Unité. Ils devront faire montre de fair-play le moment venu, et accepter le verdict des urnes, quand le Conseil constitutionnel proclamera les résultats de l’élection présidentielle au plus tard le 22 octobre 2018 (conformément à la Loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral, modifiée et complétée par la Loi n°2012/017 du 21 décembre 2012), au lieu de crier à la fraude et à la victoire volée, quand l’on sait que le parti au pouvoir et certains partis d’opposition ont souvent eu recours aux charters et au bourrage d’urnes lors des scrutins précédents, entachés d’irrégularités. D’ailleurs, puisqu’il semble plus simple de gérer les élections à un tour (sauf la présidentielle), pourquoi ne retiendrait-t-on pas le principe de la liste gagnant tous les sièges en cas de majorité absolue, et de représentation proportionnelle intégrale en cas de majorité relative ?

Ces questions et d’autres doivent trouver des réponses adéquates dans le cadre des nouvelles institutions de notre pays, «la société politique nouvelle» que le président BIYA appelle de ses vœux. Le Cameroun a besoin de bonne gouvernance et doit devenir un Etat de droit, un pays démocratique, qui garantit l’indépendance des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, et promeut pour tous ses enfants, le droit à une vie décente (école, santé, logement, emploi, etc.) et un égal accès devant la justice. C’est, me semble-t-il, uneréponse à «l’appel sincère et patriotique du président Biya pour poursuivre la lutte de toujours contre le néo-colonialisme en vue de la libéralisation de l’homme camerounais et africain». Pour avoir été embastillé entre juillet 1976 et juin 1980 (Bmm deYaoundé, puisprison deYoko)sans inculpation ni jugement, en raison de revendications politiques, dont l’instauration de la démocratie dans notre pays, je mesure ce que représente le déni des droits de l’Homme (arbitraire, privation de liberté, torture, etc.).

Notre pays a aussi besoin de voir sa classe politique se renouveler, d’où le reniement dans toutes les régions du Cameroun, de ceuxqui n’ont plus aucune légitimité, et dont on a l’impressionqu’ils n’ont jamais cessé d’être aux affaires; il faudra donc envisager la limitation de tous les mandats électifs. Notre pays a besoin d’hommes et de femmes qui croient en l’avenir du Cameroun, qui ont à cœur l’intérêt supérieur de la Nation et mettent en avant l’intérêt général, bref de véritables patriotes, qui veulent laisser en héritage aux générations futures un pays sain. C’est avec ceux-là que le Cameroun pourra affronter les défis du futur, en particulier le prochain septennat. C’est de ceux-là que va dépendre l’avenir du Cameroun pour plusieurs générations. C’est cela le véritable enjeu politique, car n’oublions pas que «le Cameroun sera uni ou ne sera pas», avec tous ses enfants, des minorités et des majorités ethniques, les autochtones et les allochtones, les anglophones et les francophones ! C’est à nous, filles et fils de ce pays, qu’il incombe la tâche et le devoir de construire le Cameroun sur une fondation solide et durable. Et puis rappelons-nous toujours le conseil de SogolonDiata à son fils Soundiata Keita, empereur du Mali : «Un royaume ne peut marcher sans lacoopération des vieux. Les jeunes donnent au royaume le pouvoir de leurs muscles, les vieux, le fruit de leur expérience. Ils se complètent les uns les autres.»