Actualités of Monday, 7 July 2025

Source: www.camerounweb.com

Salmana Amadou Ali, l'arme du régime contre Issa Tchiroma

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Face à la défection d'Issa Tchiroma Bakary, le pouvoir active ses relais internes pour provoquer une scission au sein du FSNC. Le député Salmana Amadou Ali, promis à un poste ministériel, mène la fronde contre l'ancien ministre. Décryptage d'une opération de déstabilisation.



La rupture d'Issa Tchiroma Bakary avec le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) et sa démission de ses fonctions gouvernementales ont visiblement secoué l'appareil du pouvoir. Face à cette défection majeure qui fragilise le parti au pouvoir à quelques mois de la présidentielle, le régime Biya-RDPC a activé ses relais internes pour limiter les dégâts.
Le député Salmana Amadou Ali, militant du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC), le parti de Tchiroma, a été choisi comme l'instrument de cette opération de déstabilisation. Sa mission : s'opposer frontalement à son président de parti et provoquer une scission au sein du FSNC pour limiter l'impact de la défection de l'ancien ministre de l'Emploi.

Cette instrumentalisation ne relève pas de la simple spéculation. Salmana Amadou Ali a récemment été reçu à la Présidence de la République, où un poste ministériel lui a été explicitement promis en guise de récompense pour ses futurs services. En contrepartie, il devrait faire campagne en faveur de Paul Biya, officiellement âgé de 92 ans et désormais le plus vieux président en exercice à travers le monde.

Cette promesse de nomination ministérielle illustre parfaitement les méthodes employées par le régime pour maintenir sa base de soutien et neutraliser ses opposants. Elle révèle également l'ampleur de l'inquiétude suscitée par la défection de Tchiroma au sein des cercles du pouvoir.

Avant-hier, Salmana Amadou Ali est passé à l'action. Il a réuni certains cadres du FSNC pour leur annoncer officiellement qu'il ne suivrait pas Issa Tchiroma dans sa démission ni dans son opposition au régime. Pour justifier cette position et manipuler ses interlocuteurs, il a expliqué que Tchiroma avait pris cette décision sans le consulter, tentant ainsi de présenter sa dissidence comme une réaction légitime à un manque de concertation interne.
Cette stratégie de communication vise manifestement à légitimer sa trahison en la présentant comme une question de forme plutôt que de fond. Elle témoigne également de la préparation minutieuse de cette opération de déstabilisation orchestrée depuis la Présidence.

Salmana Amadou Ali n'en est pas à son premier fait d'armes au service du régime. Il est d'ailleurs connu pour être l'un des députés qui perçoivent des émoluments directs de la Présidence de la République, dans le but explicite de soutenir le maintien du régime en place. Cette pratique, qui transforme certains élus en agents stipendiés du pouvoir exécutif, soulève de graves questions sur l'indépendance du pouvoir législatif camerounais.
Cette révélation éclaire d'un jour nouveau l'attitude du député et explique en partie sa promptitude à servir les intérêts présidentiels au détriment de la cohésion de son propre parti politique.


Déstabiliser les négociations d'opposition : Cette crise interne au FSNC complique les efforts de Tchiroma pour négocier une alliance avec Maurice Kamto et Bello Bouba Maïgari.

Envoyer un message dissuasif : Cette opération vise à décourager d'autres défections en montrant que le régime dispose de moyens pour riposter.

Paradoxalement, cette opération de déstabilisation révèle autant la capacité de nuisance du régime que sa fragilité. Le fait que la Présidence soit contrainte de recourir à de telles méthodes pour contrer la défection de Tchiroma témoigne de l'ampleur de l'inquiétude suscitée par cette rupture.
La promesse d'un poste ministériel à Salmana Amadou Ali illustre également la dépendance du régime aux logiques clientélistes pour maintenir sa base de soutien. Cette pratique, loin d'être nouvelle, prend une dimension particulière dans le contexte pré-électoral actuel.

Au-delà de l'anecdote politique, cette affaire soulève des questions fondamentales sur l'état de la démocratie camerounaise. L'utilisation de fonds publics pour corrompre des élus, la promesse de postes ministériels en échange de services politiques, et l'instrumentalisation d'un député contre son propre parti constituent autant de violations des principes démocratiques élémentaires.
Cette affaire révèle également les difficultés auxquelles font face les formations politiques d'opposition dans un environnement où le pouvoir dispose de moyens considérables pour corrompre et diviser ses adversaires.

Pour Issa Tchiroma Bakary, cette crise interne constitue un test majeur. Sa capacité à maintenir l'unité de son parti malgré les manœuvres du pouvoir déterminera en grande partie sa crédibilité comme leader d'opposition et son poids dans les négociations pour une candidature unique.