Actualités of Monday, 24 November 2025
Source: www.camerounweb.com
Au Cameroun, un remaniement ministériel ne s’improvise pas. Selon les confidences de Jean Marie Atangana Mebara, ancien secrétaire général de la Présidence, Paul Biya orchestre chaque changement avec une précision d’horloger : listes secrètes, équilibre régional, et validation personnelle des noms. Même les ministères stratégiques, comme la Défense ou les Finances, échappent à toute improvisation. Derrière cette rigueur, une logique implacable : récompenser les fidèles, écarter les indésirables, et préserver un système où chaque pièce est soigneusement choisie. Plongée dans les coulisses d’un pouvoir qui, depuis plus de quarante ans, maîtrise l’art de la manipulation politique.
SÉRAIL - QUAND PAUL BIYA PRÉPARE UN REMANIEMENT LES COULISSES D’UNE MÉCANIQUE BIEN HUILÉE : LES RÉVÉLATIONS D’UN ANCIEN SGPR.
Le remaniement ministériel, au Cameroun, n’est jamais un acte improvisé. Encore moins un geste impulsif. Selon les confidences de Jean Marie Atangana Mebara, ancien ministre d'État et ex-secrétaire général de la Présidence de la République, Paul Biya suit une méthode rigoureuse, silencieuse mais précise, chaque fois qu’il souhaite redessiner l’architecture de son gouvernement. Tout commence par une liste. Le chef de l’État transmet d’abord au Secrétaire général de la Présidence (SGPR) les noms des ministres appelés à quitter le gouvernement. Ce sont les premiers informés de leur éviction, avant même que ne soient choisis leurs successeurs. Ensuite, viennent les ministères stratégiques : Défense, Relations extérieures, Justice, Administration territoriale, Finances… Des portefeuilles dits de souveraineté, pour lesquels le président communique directement ses choix au SGPR. Aucune improvisation. Ces ministères ne peuvent être confiés qu’à des hommes de confiance, expérimentés et loyaux.
Mais Paul Biya ne s’arrête pas là. Une fois les postes vacants identifiés, il enjoint son "scribe", comme l’appelle Mebara, à lui soumettre des propositions de remplacement. Un critère important s’impose : les remplaçants doivent provenir des mêmes départements que les ministres sortants. Une façon de préserver l’équilibre régional, pilier tacite du système Biya. Cependant, toutes les propositions du SGPR ne sont pas automatiquement validées. « Très souvent, elles sont rejetées », affirme Mebara. Le président conserve l’ultime mot. Rien ne passe sans son feu vert personnel. Une anecdote illustre bien cette rigueur. Lors d’un précédent remaniement, Atangana Mebara, alors SGPR, propose le nom d’Antoine Zanga pour remplacer Pierre Ismaël Bidoung Kpwatt au ministère des Sports. Mais des rumeurs sur l’état de santé du candidat suscitent des doutes. Paul Biya exige donc une rencontre préalable. Après avoir reçu Zanga, il demande à Mebara ses impressions.
Ce dernier le trouve "en forme", ce qui semble rassurer le président. Une procédure rare mais révélatrice du niveau de minutie qui entoure chaque nomination. Enfin, Jean Marie Atangana Mebara révèle un détail fondamental : les résultats électoraux pèsent lourd dans la balance. Après chaque élection présidentielle, le président analyse les scores par région et par département. Ceux qui ont "livré les voix" sont souvent récompensés. Il s’appuie sur les chiffres de l’organe en charge de l’organisation matérielle du scrutin pour identifier les fidèles et leur accorder, en retour, une place dans l’appareil gouvernemental. Ce témoignage de l’intérieur lève un coin du voile sur les rouages d’un pouvoir hypercentralisé, où le moindre mouvement est pesé, calculé, ordonné par un homme qui, depuis plus de quarante ans, façonne son gouvernement comme un jeu d’échecs, sans jamais laisser place au hasard.