Actualités of Tuesday, 16 December 2025

Source: L'Indépendant n°988

Remaniement : identité de la personne qui tire les ficelles

L’attente d’un nouveau gouvernement donne du grain à moudre aux salles de rédaction. Dans les ménages et certains salons huppés de la capitale, chacun y va de son scoop. Entre supputations, grenouillages élitaires et appel à la rescousse d’un hebdomadaire panafricain pour cirer les pompes au tout puissant SGPR, l’attente se fait toujours longue et oppressante.

Dans un article de Jeune Afrique paru le 8 décembre et abondamment repris par la presse locale, l’auteur balade le lecteur dans les allées et les couloirs du pouvoir de Yaoundé. Une entrevue un jour plus tôt entre le chef de l’État et son SGPR, sert de fil d’ariane à ce tissu d’approximation sur fond de règlement de comptes. Pour couronner le tout, un activiste sur la toile présente comme un trophée de guerre, les soucis supposés de santé du ministre délégué à la présidence chargé de la Défense « de retour d’un check-up en France ». Le même ministre de la Défense, à moins de disposer d’un don d’ubiquité, a été aperçu aux côtés du ministre des Finances lors de la cérémonie de pose de la première pierre de l’immeuble futuriste de la direction générale des Douanes.

C’est un secret de polichinelle que certains collaborateurs du chef de l’État se vouent une cordiale inimitié. Paul Biya lui-même, écartèle pour mieux les tenir. Il dirige le Cameroun depuis plus de quatre décennies en contrôlant ses créatures par ces retours spectaculaires d’ascenseur et de bâton. Celui qui a fait du temps son principal allié, usant et abusant de la technique du pourrissement et de l’indifférence cynique, doit aujourd’hui, au regard des urgences multiformes et des attentes pressantes d’une jeunesse hyper connectée, se faire à ces nouvelles mutations sociales.

Dans une de ses récentes sorties, le très introduit Oswald Baboke, ci-devant directeur adjoint du Cabinet civil, confiait que : « Paul Biya est un logiciel qu’on ne programme pas ». Tout est dit ! A la clameur populaire, Paul Biya répond par ses silences assourdissants théorisés par le très sémillant François Marc Modiom. Aux chambardements, Paul Biya oppose des mesurettes. Annonce-t-on une opération main-propre à grande échelle, que le chef de l’État offre en holocauste une ou deux gros légumes pour calmer e peuple et restaurer le système du pillage consubstantiel et de la corruption échevelée.

Sclérose

Le discours d’investiture du chef de l’État le 06 novembre dernier, a fait la part belle à aux jeunes et aux femmes. Au passage, le chef de l’État évoquait d’un trait au rang des priorités, la lutte contre la corruption, et la nécessaire réforme des institutions. Celui qui vient d’achever tout un septennat sans procéder au moindre remaniement - le dernier remonte au 04 janvier 2019 - n’a jamais été enclin à des mouvements de grande amplitude. Les spécialistes en sciences politiques concèdent que si l’usure du pouvoir peut engendrer un sentiment de sclérose, les longs règnes sont également gage de stabilité.

L’appareil gouvernemental semble grippé. Entre rumeurs de remaniement et psychose de reprise des arrestations, chacun y va de son imagination. Des officines et des cabinets noirs sont à la manette, orchestrant des campagnes de démolition de certaines figures et tressant des couronnes à des ripoux honnis. Les résultats de la dernière présidentielle s’assimilent à un vote sanction. De 71 % en 2018, Paul Biya a dégringolé à 53 % en 2025. La faute à certains visages qui exaspèrent. L’accumulation des scandales n’est pas pour arranger les choses.

Branle-bas

Au rang de ces figures totémiques, il y a l’actuel SGOR. De sources concordantes, il peut se prévaloir du soutien de la Première dame dont il partage la même aire culturelle. Ce qui lui donnerait une longueur d’avance sur le clan Bulu tenu par l’actuel DCC, Samuel Mvondo Ayolo, Louis Paul Motaze, le Minfi, et autres. Il ne faut pas être grand clerc pour percevoir tous les ingrédients d’un article controversé de Jeune Afrique. Paul Biya depuis 1982, n’a pas souvent eu la main heureuse dans le choix de ses collaborateurs. Pour la seule année 1983, il procède à trois réaménagements ministériels.

Il a fait appel tour à tour à ses camarades de classe, à des universitaires, à des technocrates et à des politiques bon teint pour assoir son pouvoir. René Emmanuel Sadi, Laurent Esso, piliers du système en rupture de banc avec le SGPR, se considèrent comme les légitimistes. Face à la vague montante des opportunistes qui manœuvrent dans la perspective du scénario de la fin. Le sérail a connu un branle-bas la semaine dernière. Des domiciles de certains membres du gouvernement étaient bouclés par les services d’intelligence. Des ministres sont interdits de sortie. Leur départ annoncé du gouvernement pourrait les conduire directement du capitole à la roche tarpéienne. Au stade actuel des choses, un remaniement sans une profonde réforme techno-structurelle, reproduirait fatalement la même incurie.