Un message confidentiel qui circule dans les groupes WhatsApp de la classe politique camerounaise jette une lumière crue sur les véritables enjeux de la présidentielle d'octobre 2025. Rédigé par un proche du pouvoir s'exprimant sous couvert d'anonymat, ce texte révèle les coulisses de l'éviction de Maurice Kamto et dévoile une stratégie élaborée depuis des années par l'entourage présidentiel.
L'auteur de ce message, visiblement bien informé des arcanes du pouvoir, livre une analyse sans complaisance des manœuvres orchestrées par Paul Atanga Nji, ministre de l'Administration territoriale, et Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général à la présidence de la République (SGPR). Selon ses révélations, le rejet de la candidature de Kamto par Elecam ne serait que l'aboutissement d'un plan ourdi de longue date.
Plus troublant encore, ce témoignage anonyme expose les calculs politiques qui ont conduit à la "remise en selle" de Cabral Libii et révèle comment l'émergence du duo Bello Bouba Maïgari-Issa Tchiroma Bakary aurait pris de court les stratèges du régime. L'auteur prédit également une campagne d'une violence inouïe contre l'image du président sortant, âgé de 92 ans.
Ce document, dont l'authenticité n'a pu être vérifiée mais dont le contenu révèle une connaissance intime des rouages du pouvoir, offre un éclairage inédit sur les véritables enjeux de cette élection qui pourrait bien préfigurer l'ère post-Biya.
Opinion… MESSAGE EN CIRCULATION DANS LES GROUPES WHATSAPP
« Mon ami, depuis Bruxelles, tu peux certainement apprécier la situation politique avec un certain recul, et je reconnais que tes analyses ont toujours eu du bon sens. Mais sur ce coup du rejet de la candidature de Kamto par Elecam, j’ai quelques réserves sur ton approche.
Je continue de penser qu’il a été décidé depuis des années et non des mois qu’il ne serait pas candidat à cette élection, quel que soit le chemin juridique qu’il emprunterait. Atanga et le SGPR ont convaincu le chef de l’État qu’il demeurait son principal adversaire politique en vue de sa réélection, lui qui entendait être réélu sans difficulté, une fois la gestion du rejet de cette candidature passée. Le Président, qui est d’une douce rancune, ne lui pardonne non plus sa non participation aux élections locales de 2020 alors même qu’il l’avait expressément libérer pour cela.
Cabral a également été dans le viseur, longtemps. Mais qu’est-ce qui l’a ramené dans le jeu, lui qui était malmené depuis plusieurs mois par Atanga ? C’est le retour à la compétition présidentielle de Bello et Tchiroma.
Le Président a toujours redouté, c’est un homme d’une grande prudence, un affrontement politique direct avec un autre candidat capable de représenter largement son opposition. Il a le traumatisme de 1992. Voilà pourquoi en 2018, comme tu le sais si bien, ils ont accompagné la poussée de Cabral pour que Kamto n’apparaisse pas comme le seul véritable candidat de l’opposition, ou du moins comme son principal représentant. Ils lui ont, en plus de l’avoir arrosé de fonds via notre grand-frere au doigt coupé, envoyé des policiers et des militaires en civil pour grossir artificiellement ses meetings, et donner l’illusion d’une force politique qu’ils allaient ensuite confirmer lors des législatives et municipales de 2020 en sacrifiant au passage l’UPC, histoire d’aligner les résultats sur son score de la présidentielle.
Cabral a donc été remis en selle pour empêcher qu’un nouveau duel Bello Bouba et Tchiroma - Paul Biya ne s’affirme avec force et détermination. Seulement, le Cabral de 2025 n’est plus celui de 2018. Ils l’ont inutilement épuisé et affaibli, atteignant ainsi un premier objectif : sa neutralisation.
Aujourd’hui, c’est un boxeur groggy qu’ils essaient de ranimer tant bien que mal mais dont l’image a de plus en plus de la peine à mordre.
Ne te fais plus d’illusions : ils ne repêcheront pas Kamto. Mais cet aveuglement montre surtout qu’ils sont des piètres stratèges politiques, qu’ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, je parle ici d’Atanga et du SGPR. D’un bout à l’autre, ils courent sans vision, les yeux rivés sur le bout de leurs chaussures. Ils en voulaient à Kamto et à Cabral, et voilà que, vrouppp, Bello et Tchiroma, qu’ils côtoyaient tous les jours, leur ont damé le pion, révélant ainsi leur médiocrité politique. Certainement que le Président saura apprécier leurs errements le moment venu.
À ce stade, alors que circulent des rumeurs sur une possible coalition Bello Bouba - Kamto - Tchiroma, ils ricanent, simplement parce qu’ils pensent que Kamto n’est pas capable d’élévation. Or, on ne peut fonder une analyse politique sur une perception aussi étroite et légère. Et si Kamto franchissait le pas, acculé par ce qu’ils lui font depuis des années ?
Il est difficile de s’acharner à ce point sur une formation politique et de croire qu’elle ne saura pas dépasser ses ambitions propres pour, en fonction des circonstances, s’aligner derrière d’autres forces.
Contrairement à l’hypothèse de notre ami Mathias, qui pense que l’idée de coalition viendrait du MRC pour faire pression afin que la candidature de Kamto soit validée par le Conseil Constitutionnel, il me semble que cette opération est menée par les nordistes, qui veulent préparer les esprits à une possible alliance, en déléguant la partie Sud du pays à Kamto aussi bien pour la mobilisation populaire que pour le contrôle des bureaux de vote dans les grandes villes. Le MRC y est bien implanté.
Sur Mathias, oui, tu as raison. Il est indéniable que Mathias influence, par son discours, aussi bien Atanga que le SGPR et de nombreux autres qui se retrouvent parfois aux extrêmes sans qu’ils ne s’en rendent même compte. Et bien qu’il soit indéniablement intelligent, Mathias n’est pas toujours de bon conseil. Stratégiquement, avec l’émergence du duo Tchiroma-Bello, la candidature de Kamto ne profiterait qu’à Paul Biya, en contribuant à émietter les voix. Une alliance politique serait bien plus difficile à construire avec Kamto candidat, que sans lui. Je me demande encore comment ils peuvent être d’une si grande myopie, lui qui a parfois des éclairs de génie.
Tu m’as demandé la suite ? La suite, ce n’est pas l’élection d’octobre. La suite, c’est dans deux ou trois ans : une élection sans Paul Biya, avec des coalitions déjà rodées, entraînées, un retour d’expérience électorale bien affiné. Observe bien cette élection, et si tu le peux, viens la vivre sur place. Elle préfigurera la vraie élection. Tu verras que la grande coalition des adversaires du Président ne s’en prendra pas directement à lui et cela n’est effectivement pas nécessaire. Il n’existe plus pour eux, ne gouverne plus véritablement, a délégué une grande partie de son pouvoir et laisse faire ce qu’un enfant de 15 ans n’oserait pas. Se adversaires viseront là où ça va faire mal. Ils diront dans des audios, dans les langues locales, des choses imaginables et inimaginables et on en a déjà un aperçu des effets avec les productions de la dame qu’on appelle Hadja Awa, ils feront circuler des messages comme : « élire Paul Biya, c’est élire Ngoh Ngoh, Chantal Biya, Atanga et Natalie Moudiki pour 7 ans » ou « Douala - Yaoundé : voyageons en toute sécurité avec un chauffeur de 93 ans au volant ». On assistera à un délitement de l’image du Président, il faudra boucher ses oreilles et fermer ses yeux.
Atanga et le SGPR ont cru pouvoir redessiner la carte politique du pays, mais leur inconsistance nous a conduits là où nous sommes aujourd’hui : réduits à bricoler, à colmater les brèches, à se lever chaque matin pour improviser dans l’urgence. Ils ont plongé tout le monde dans la merde.»
Ainsi va la République