Actualités of Thursday, 30 October 2025

Source: www.camerounweb.com

REVELATION: la jeune garde de Biya contre les barons historiques, autopsie d'une guerre de succession

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Comment les "fantassins zélés" ont évincé les dinosaures du pouvoir et déstabilisé le régime


Derrière la façade d'une victoire électorale se joue une bataille souterraine pour le contrôle réel du pouvoir au Cameroun. L'enquête exclusive de Jeune Afrique révèle comment Paul Biya a progressivement écarté ses compagnons historiques au profit d'une nouvelle génération de collaborateurs, créant les conditions d'une crise de légitimité sans précédent au sein même du régime.



L'une des révélations les plus stupéfiantes de Jeune Afrique concerne le traitement réservé au parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), pendant la campagne électorale. Selon les informations exclusives obtenues, "Paul Biya se détourne du parti pour donner les clés de sa campagne à un comité restreint" composé de membres de la nouvelle garde.
Jeune Afrique dévoile une humiliation encore plus grande : "Les collaborateurs du chef de l'État privent le parti de budget de campagne." Une décision qui témoigne du mépris dans lequel est tenue l'institution historique du régime, transformée en simple chambre d'enregistrement.


Face à cette mise à l'écart, Jean Nkueté, 81 ans, secrétaire général du RDPC, "courbe l'échine" et "n'en fait pas une affaire d'État", selon les révélations de Jeune Afrique. Cette passivité illustre l'impuissance de la vieille garde face à la montée en puissance des nouveaux barons.

Si un nom symbolise cette nouvelle garde, c'est bien celui de Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence. Jeune Afrique révèle que c'est lui qui, quelques semaines avant le scrutin, "avait tenu à recevoir au palais d'Etoudi les élites des différentes régions pour demander leur soutien à la candidature de Paul Biya".


Un rôle qui outrepasse largement ses fonctions officielles et qui empiète sur le territoire des barons historiques. Jeune Afrique dévoile d'ailleurs que Laurent Esso, ministre d'État et "poids lourd de la région du Littoral", a tout simplement snobé cette invitation, refusant de se plier aux injonctions de celui qui est décrit comme son "ennemi intime".


Cette guerre d'égos entre l'ancien et le nouveau pouvoir paralyse le régime. Selon Jeune Afrique, "entre le ministre et Etoudi, le courant ne passe plus", une formulation diplomatique pour décrire une rupture profonde.

Jeune Afrique révèle un élément crucial dans la marginalisation de Laurent Esso : le ministre d'État est "fragilisé par l'affaire Martinez Zogo, qui a vu en 2023 le placement en détention préventive de son poulain, Jean-Pierre Amougou Belinga". Cette affaire judiciaire, qui a ébranlé le Cameroun, semble avoir été instrumentalisée pour affaiblir l'un des piliers historiques du régime.
Les informations exclusives de Jeune Afrique indiquent que depuis cette affaire, le garde des Sceaux, en poste depuis des décennies (conseiller spécial de Paul Biya depuis le 4 février 1984), "n'apparaît quasiment plus en public". Un effacement qui n'est pas seulement lié à ses problèmes de santé, mais aussi à sa mise à l'écart politique.


Le cas de René Sadi, 76 ans, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, est tout aussi révélateur de cette guerre des générations. Jeune Afrique dévoile qu'il "a mené campagne en dépit d'un échange tendu avec le secrétaire général de la présidence, début juillet".


Cet "échange tendu" traduit les frictions entre les ministres historiques et les nouveaux maîtres du palais d'Etoudi. Jeune Afrique note que Sadi, ancien patron du RDPC et figure politique majeure de la région du Centre, "a paru faire le minimum syndical, finalement peu à son aise dans le costume du communicant". Un malaise qui en dit long sur sa relation détériorée avec le centre du pouvoir.

Jeune Afrique dresse un portrait sévère de la nouvelle équipe dirigeante : "Le président camerounais s'est coupé de ces proches qu'il lui arrivait de consulter pour ajuster ses décisions. Il s'est aujourd'hui entouré de collaborateurs plus jeunes, fantassins zélés, parvenus à de hautes fonctions grâce à des alliances aléatoires, sans autre objectif que de l'aider à se maintenir au pouvoir."
Cette description met en lumière le caractère opportuniste et cynique de la nouvelle garde, dont la loyauté envers le président n'est motivée que par l'accès au pouvoir, et non par une quelconque vision politique ou idéologique.
Jeune Afrique précise les bastions de cette jeune garde : "Au cabinet civil, au secrétariat général de la présidence, dans certains ministères régaliens à l'instar de l'Administration territoriale, il a positionné ces profils peu appréciés par la vieille garde."


Le ministère de l'Administration territoriale, dirigé par Paul Atanga Nji, incarne parfaitement cette nouvelle génération. C'est lui qui a menacé de poursuites judiciaires Issa Tchiroma Bakary et qui a orchestré les arrestations massives (200 interpellations à Douala selon ses propres déclarations).

L'enquête de Jeune Afrique révèle une stratégie de campagne qui a délibérément marginalisé les structures traditionnelles du régime. Le RDPC, censé être la machine électorale du président, a été court-circuité au profit d'un "comité restreint" contrôlé par les jeunes loups du palais.


Cette mise à l'écart explique pourquoi, selon les révélations de Jeune Afrique, Jean Nkueté, bien que présent le 27 octobre lors de l'annonce des résultats, "n'a pas caché à certains de ses proches son insatisfaction quant au déroulé de la séquence électorale". Un rare moment de franchise de la part d'un homme décrit comme étant "le machiniste d'un train à grande vitesse fonçant droit dans le mur et qui se contente de faire sonner son klaxon".

L'incident survenu lors du meeting de Maroua le 7 octobre, révélé par Jeune Afrique, cristallise le crépuscule des dinosaures. Cavayé Yeguié Djibril, 85 ans, président de l'Assemblée nationale et député depuis 1971, "a semblé perdre le fil du discours qu'il était en train de prononcer et a été prématurément interrompu par le protocole d'État".


Cette interruption par "le protocole d'État" – donc par la nouvelle garde – symbolise la brutalité avec laquelle la génération historique est écartée. Jeune Afrique note que "certains élus ont voulu y voir une preuve de l'habileté de ce politicien", mais l'image d'un patriarche du régime interrompu en plein discours restera comme le signe d'une époque révolue.


L'enquête de Jeune Afrique rappelle également un autre camouflet infligé à Cavayé : Paul Biya s'est laissé convaincre d'interdire en février 2024 le "Forum de haut niveau d'actions de lutte contre la famine dans les régions septentrionales" que le président de l'Assemblée voulait organiser à Maroua. Une humiliation publique pour l'un des plus anciens serviteurs du régime.

Les conséquences de cette guerre des générations sont catastrophiques pour le régime. Jeune Afrique pose la question centrale : "Faut-il en déduire qu'il y a bel et bien un malaise des 'dinosaures' ? Ou que le mal est plus profond, et qu'il s'enracine dans le lent déclin de la relation qu'entretient Paul Biya, depuis des décennies, avec ses collaborateurs de longue date ?"
La réponse semble être un mélange des deux. D'un côté, les barons historiques sont effectivement affaiblis par l'âge et les maladies. De l'autre, ils sont systématiquement écartés et humiliés par une nouvelle génération qui n'a ni leur expérience ni leur légitimité historique.


Cette double fragilité – vieillesse biologique et marginalisation politique – explique pourquoi, selon les révélations de Jeune Afrique, lors de la proclamation des résultats le 27 octobre, Marcel Niat Njifenji (91 ans, président du Sénat), Daniel Mekobe Sone (président de la Cour suprême) et le général René Claude Meka (chef d'état-major des armées) brillaient également par leur absence.

En privant le RDPC de son rôle, en humiliant les barons historiques, en plaçant des "fantassins zélés" aux postes clés, la nouvelle garde a peut-être gagné la bataille pour le contrôle immédiat du pouvoir. Mais elle a perdu la guerre de la légitimité.


Car ces dinosaures, malgré leurs défauts, incarnaient une forme de continuité historique et de profondeur institutionnelle. Leur mise à l'écart laisse le régime sans racines, réduit à un système de clientélisme opportuniste où chacun ne pense qu'à son intérêt immédiat.

Le résultat de cette stratégie ? Une victoire électorale à 53,66% seulement (contre plus de 70% habituellement), contestée dans la rue, dénoncée par l'opposition, et même mise en doute en privé par certains piliers du régime eux-mêmes.

Jeune Afrique ne le dit pas explicitement, mais les révélations sur cette guerre des générations posent une question taboue : cette marginalisation des barons historiques ne serait-elle pas aussi une manière pour la jeune garde de se positionner pour l'après-Biya ?


En affaiblissant les figures qui auraient pu prétendre à une succession naturelle (Laurent Esso, René Sadi, Cavayé Yeguié Djibril), les "fantassins zélés" du palais d'Etoudi s'assurent que personne n'aura la stature nécessaire pour prendre le relais le moment venu. Une stratégie qui garantit peut-être leur survie politique à court terme, mais qui condamne le Cameroun à une transition chaotique quand viendra inévitablement le moment du changement.


Pour l'heure, les dinosaures continuent de porter leurs titres – président de l'Assemblée, président du Sénat, ministre d'État – mais le pouvoir réel leur a échappé. Et avec lui, peut-être, la dernière chance d'une transition maîtrisée vers l'après-Biya.