Portrait d'un agent de l'ombre, revenu sur le devant de la scène au cœur d'un complot visant le Cameroun.

Son nom ne figure dans aucun annuaire officiel, mais il est une légende dans les coulisses troubles de la Françafrique. Roger Sebbagh, Français d'origine tunisienne, est ce que les services secrets appellent un « agent non officiel ». Un homme de l'ombre, spécialiste des opérations délicates où la diplomatie s'arrête et où les intérêts, souvent économiques, commencent.

L'enquête de Thomas Dietrich le replace au centre d'un nouveau scandale : la tentative de putsch au Cameroun. Dans des enregistrements, on l'entend coordonner, avec un calme déconcertant, les mouvements de mercenaires tchadiens. Ce n'est pas sa première apparition sur une scène putschiste. En 2015, il était déjà impliqué, via des enregistrements similaires, dans la tentative de coup d'État du général Gilbert Diendéré au Burkina Faso. À l'époque, la justice française n'avait pas donné suite, alimentant les spéculations sur sa protection par certains cercles étatiques.

« Sebbagh est un rouage ancien et fidèle du système », analyse un ancien du SDECE (l'ancêtre de la DGSE) qui a requis l'anonymat. « Il n'agit jamais pour son propre compte. Il est le visage d'un réseau qui lie certains milieux d'affaires, des politiques et des services parallèles. Son rôle est de s'assurer que les changements de régime en Afrique francophone se fassent dans le sens des intérêts qu'il représente. »

Agé de plus de 70 ans aujourd'hui, Sebbagh incarne la permanence des méthodes de la Françafrique, malgré les dénégations officielles de Paris. Son retour dans la danse au Cameroun montre que, pour certains, la succession de Paul Biya est une affaire trop importante pour être laissée aux seuls Camerounais.