Baba Danpullo, le "conseiller en risques" du régime Biya face aux opposants
Jeune Afrique dévoile le rôle méconnu de l'homme d'affaires dans la gestion des dissidences politiques
L'influent homme d'affaires Baba Ahmadou Danpullo serait bien plus qu'un simple patron prospère du Nord-Ouest camerounais. Selon des révélations exclusives de Jeune Afrique, le milliardaire jouerait un rôle discret mais crucial dans la gestion des velléités d'opposition au régime de Paul Biya, comme l'illustre sa rencontre avec Issa Tchiroma Bakary avant la présidentielle d'octobre dernier.
Un intermédiaire entre le pouvoir et les contestataires potentiels
Jeune Afrique révèle que Baba Danpullo occupe une position unique dans l'architecture du pouvoir camerounais. Proche du président Paul Biya, l'homme d'affaires dispose d'une crédibilité auprès des élites régionales, particulièrement dans le Septentrion et les régions anglophones, qui en fait un interlocuteur privilégié pour les figures tentées par l'opposition.
Dans le cas de Tchiroma Bakary, les informations exclusives recueillies par Jeune Afrique montrent que Danpullo n'a pas agi en simple observateur. Lors de leur rencontre, il a déployé une argumentation structurée autour des "risques sécuritaires, économiques et politiques" d'un affrontement avec Paul Biya, particulièrement pour le Septentrion.
Jeune Afrique rapporte que l'approche de Danpullo auprès de Tchiroma Bakary était finement calibrée. Plutôt que de défendre frontalement le régime, l'homme d'affaires a insisté sur les conséquences potentiellement dévastatrices d'un conflit politique pour les régions du Nord. Un angle d'attaque qui vise à transformer une question de loyauté politique en calcul rationnel d'intérêt régional.
Cette stratégie de dissuasion, révélée par Jeune Afrique, s'appuie sur la crainte de "fractures régionales" et de "fortes tensions avec Yaoundé". En d'autres termes, Danpullo a mis en avant le risque d'une marginalisation économique et politique du Septentrion en cas d'opposition frontale au pouvoir central.
Un élément crucial révélé par Jeune Afrique éclaire les motivations de Danpullo dans cette démarche : l'homme d'affaires serait engagé dans un "bras de fer judiciaire dans lequel le soutien de Yaoundé est important". Cette information capitale explique pourquoi Danpullo avait tout intérêt à préserver ses bonnes relations avec le pouvoir et à démontrer son utilité au régime.
Selon Jeune Afrique, cette situation place Danpullo dans une position de dépendance vis-à-vis du pouvoir central, faisant de lui un allié particulièrement motivé pour dissuader toute velléité de contestation susceptible de compliquer ses propres affaires.
L'enquête de Jeune Afrique révèle un mécanisme plus large de gestion de l'opposition au Cameroun. En s'appuyant sur des figures économiquement influentes comme Danpullo, le régime de Paul Biya dispose d'un réseau de "conseillers informels" capables d'intervenir en amont auprès des opposants potentiels.
Cette stratégie présente plusieurs avantages pour le pouvoir : elle permet d'identifier précocement les menaces politiques, de les neutraliser par la persuasion plutôt que par la répression, et de maintenir l'illusion d'un dialogue entre élites. Jeune Afrique souligne que ce système repose sur l'interconnexion entre pouvoir politique et réseaux économiques.
Malgré les efforts de Danpullo, Jeune Afrique rapporte que Tchiroma Bakary n'a pas renoncé à sa candidature. Cet échec de la mission de dissuasion pourrait avoir des conséquences pour l'homme d'affaires lui-même, dont l'influence auprès du pouvoir dépend de sa capacité à "gérer" les dissidences régionales.
Plus largement, les révélations de Jeune Afrique sur cette rencontre illustrent les limites de cette stratégie de cooptation. Face à des opposants déterminés, prêts à sacrifier leurs intérêts économiques pour leurs convictions politiques, même les intermédiaires les plus influents peinent à infléchir les trajectoires de contestation.
L'enquête exclusive de Jeune Afrique sur le rôle de Baba Danpullo ouvre une fenêtre sur les mécanismes informels du pouvoir camerounais. Elle révèle un système où les frontières entre économie et politique sont poreuses, où les hommes d'affaires jouent des rôles politiques officieux, et où la loyauté au régime se négocie en fonction d'intérêts personnels et régionaux.
Cette réalité, mise en lumière par Jeune Afrique, soulève des questions fondamentales sur la gouvernance au Cameroun et sur les véritables leviers du pouvoir dans un système où les réseaux d'influence comptent souvent plus que les institutions formelles.









