Selon une enquête exclusive de Jeune Afrique, le chauffeur du bus impliqué dans l'enlèvement des enfants à Zigagué est suspecté par les services de renseignement d'appartenir à un vaste réseau criminel qui infiltre le secteur des transports. Alors que les quatre enfants survivants ont été libérés sains et saufs, l'enquête judiciaire s'oriente vers une piste bien plus complexe que le simple fait terroriste.
Alors que le soulagement prévaut après la libération des quatre enfants par les forces spéciales camerounaises le 21 août dernier, l'enquête sur leur enlèvement à Zigagué prend une tournure qui pourrait secouer le secteur des transports dans l'Extrême-Nord. Selon des sources haut placées au sein de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) et de la Délégation générale de la sûreté nationale (DGSN) jointes par Jeune Afrique, le chauffeur du bus de l'agence Touristique Express, rapidement relâché par les ravisseurs, n'est pas un inconnu des services de sécurité.
Contrairement à la version initiale qui pourrait laisser croire à un acte isolé de Boko Haram, Jeune Afrique peut révéler que ce chauffeur est activement recherché pour son implication présumée dans au moins deux autres dossiers d'enlèvements non résolus sur l'axe Kousséri-Maroua en 2024. « Son mode opératoire est toujours le même : une panne mécanique suspecte ou un arrêt forcé dans un secteur précis de Zigagué, classé zone rouge, suivi de l'intervention des kidnappeurs », explique un officier du renseignement sous couvert d'anonymat.
La rapidité avec laquelle lui et son apprenti ont été libérés, contrairement aux enfants retenus pour une rançon, avait immédiatement alerté les familles. Nos informations confirment que cette libération était négociée, faisant du chauffeur un maillon actif et non une victime. « Il continue de travailler, libre, comme si de rien n’était », confirme une source sécuritaire à Maroua, soulignant l'existence de « complicités profondes au sein même des compagnies de transport ».
Les révélations de Jeune Afrique pointent vers une réalité plus complexe : l'utilisation tactique de la franchise « Boko Haram » par des réseaux criminels locaux. Selon nos informations, ce réseau paierait une redevance à une faction dissidente de Boko Haram pour utiliser son nom, afin d'effrayer les populations et de brouiller les pistes, transformant l'idéologie terroriste en simple label criminel.
L'enquête menée suite à la libération des enfants cherche maintenant à identifier les commanditaires et les intermédiaires chargés de collecter les rançons. Les témoignages des jeunes libérés, actuellement pris en charge psychologiquement dans un camp du BIR, seront déterminants pour démanteler l'ensemble de ce réseau qui profite de l'insécurité chronique de la région.
La libération des jeunes otages est une victoire tactique, mais la guerre contre les enlèvements, business lucratif alimenté par des complicités locales, est loin d'être gagnée.