Actualités of Monday, 1 December 2025
Source: www.camerounweb.com
Un document daté du 15 novembre 2025 révèle que l'avocat d'Anicet Ekane avait réclamé en urgence la restitution de l'extracteur d'oxygène de son client, détenu et malade. Cette demande adressée au commandant de la Légion de gendarmerie du Littoral à Douala est restée sans réponse pendant deux semaines. L'opposant est décédé le 1er décembre, soulevant de graves questions sur la responsabilité des autorités.
Un courrier révélé après le décès d'Anicet Ekane jette une lumière crue sur les conditions de sa détention et les alertes ignorées qui auraient pu lui sauver la vie. Le document, daté du 15 novembre 2025 et signé par Maître Hippolyte BT Meli, avocat du président du Manidem, constitue une réclamation urgente adressée au colonel commandant de la Légion de gendarmerie du Littoral à Douala.
"Nécessaires pour maintenir notre client en vie"
Dans ce courrier officiel envoyé par porteur, l'avocat demande avec insistance la restitution immédiate des "appareils pour soins médicaux (extracteur d'oxygène et accessoires)" de son client, alors hospitalisé au Centre médical de la gendarmerie nationale à Yaoundé.
Le ton du document est sans ambiguïté : "Les appareils pour soins médicaux, objet de notre présente réclamation, nécessaires pour maintenir notre client en vie, sont effectivement posés sur le siège arrière de son véhicule confisqué et conservé dans la cour de vos locaux tel que nous l'avons constaté nous-même."
L'avocat précise qu'Anicet Ekane était "malade, extra-oxygéno dépendant en détention à Yaoundé" et que ces équipements médicaux vitaux avaient été confisqués lors de son arrestation le 24 octobre, restant dans son véhicule séquestré à la gendarmerie de Douala.
Le document révèle également qu'un déplacement de l'avocat à Douala le 13 novembre 2025 pour récupérer ces équipements s'était soldé par un échec. Maître Meli écrit : "Nous n'avons pas pu vous rencontrer pour l'objet visé en marge malgré notre insistance et votre présence effective à votre bureau. Vous nous avez fait dire par votre secrétariat de revenir plus tard sans autres précisions."
Cette tentative infructueuse, deux jours avant l'envoi du courrier officiel, montre l'urgence de la situation et les obstacles rencontrés par la défense pour obtenir la restitution des appareils vitaux.
Dans son courrier, l'avocat sollicitait également l'acheminement des équipements "entre les mains de ses médecins soignants (connus de la Gendarmerie) pour les tests de vérification et de fonctionnalité nécessaires en vue de leur remise à notre client sur son lit de malade".
Cette précaution était justifiée par le fait que les appareils étaient restés confisqués pendant près d'un mois dans des conditions non contrôlées. L'avocat concluait sa requête en appelant à "une très haute considération" de la part des autorités militaires.
Selon les informations précédemment communiquées par Maître Meli, ce n'est que le 27 novembre 2025 – soit douze jours après l'envoi de ce courrier urgent – qu'une équipe de cinq gendarmes a finalement remis l'extracteur d'oxygène à Anicet Ekane sur son lit d'hôpital au Centre médical de la gendarmerie à Yaoundé.
À ce moment-là, l'état de santé de l'opposant s'était déjà considérablement détérioré après plus d'un mois de privation de son équipement respiratoire vital. Quatre jours plus tard, le 1er décembre à l'aube, Anicet Ekane décédait dans ce même centre médical militaire.
Dans son courrier du 15 novembre, l'avocat évoquait déjà son intention de poursuivre les responsables : "C'est dans cette attente qu'il sera clos à l'incident par une plainte en bonne et due forme à déposer contre le Colonel Commandant la Légion de Gendarmerie du Littoral et tous ses éléments qui ont participé à l'organisation des opérations militaires ayant créées ce fait criminel."
Cette qualification de "fait criminel" pour la confiscation des appareils médicaux vitaux prend aujourd'hui une dimension tragique avec le décès de l'opposant.
Ce document soulève de graves interrogations sur la chaîne de responsabilités ayant conduit à la mort d'Anicet Ekane :
Pourquoi les autorités ont-elles confisqué et retenu pendant plus d'un mois un équipement médical vital ?
Pourquoi la demande urgente de l'avocat du 15 novembre est-elle restée sans réponse pendant douze jours ?
Les appareils restitués tardivement le 27 novembre étaient-ils encore fonctionnels après un mois d'immobilisation ?
L'état de santé d'Ekane était-il déjà irréversible au moment de cette restitution ?
Le ministère de la Défense a annoncé l'ouverture d'une enquête "pour établir avec précision les circonstances du décès". Ce courrier du 15 novembre, tamponné et enregistré officiellement, constituera sans doute une pièce centrale de cette investigation, illustrant la connaissance par les autorités du danger mortel que représentait la privation de soins pour Anicet Ekane.
Pour l'opposition et la société civile camerounaise, ce document apporte la preuve que la mort de l'opposant était évitable et que les alertes lancées par ses avocats ont été délibérément ignorées par la chaîne de commandement militaire, dans un contexte de répression de la contestation postélectorale.