Actualités of Wednesday, 10 December 2025
Source: www.camerounweb.com
Jeune Afrique dévoile les circonstances troubles de l'arrestation de Georges Anicet Ekane qui ont conduit à sa mort en détention. Selon l'enquête exclusive du média panafricain, l'opposant aurait été attiré dans un piège au secrétariat d'État à la Défense sous prétexte d'obtenir des explications sur l'interpellation de son chauffeur. Plus troublant encore, le taxi qui l'y a conduit aurait été piloté par un gendarme en civil, selon les proches d'Ekane cités par Jeune Afrique. Une fois arrêté, son extracteur d'oxygène, pourtant vital pour sa survie, lui aurait été retiré dès les premières heures de garde à vue. Entre manipulation, négligence criminelle et bataille juridique autour d'une autopsie contestée, cette affaire révèle les méthodes employées contre les opposants "stratégiques" dans le Cameroun post-électoral.
Comment un opposant politique en fin de vie se retrouve-t-il mort en détention moins d'un mois après son arrestation ? L'enquête exclusive de Jeune Afrique reconstitue les zones d'ombre d'une affaire qui ébranle le Cameroun.
Jeune Afrique révèle les dessous de l'arrestation de Georges Anicet Ekane, président du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem). Selon le récit de plusieurs cadres du Manidem rapporté par le média panafricain, "l'arrestation elle-même alimente ces soupçons" de mort préméditée.
Les faits, tels que reconstitués par Jeune Afrique, sont accablants. "Lorsque Georges Anicet Ekane se présente au secrétariat d'État à la Défense (SED) pour s'enquérir des raisons de l'interpellation de son chauffeur, les gendarmes se réjouissent de voir devant eux la personne qu'ils visaient en premier lieu."
Cette scène, digne d'un mauvais thriller, soulève une question cruciale que pose Jeune Afrique : "Ont-ils manœuvré pour éviter d'avoir à arrêter Ekane en public ?" La réponse des proches de l'opposant est sans ambiguïté : ils en sont convaincus.
Mais la révélation la plus stupéfiante de Jeune Afrique concerne le moyen de transport utilisé par Ekane pour se rendre au SED. "L'un d'eux affirme même que le taxi l'ayant mené au SED était en réalité conduit par un gendarme en civil", rapporte le média panafricain.
Si cette information se confirme, elle transforme radicalement la nature de l'affaire. Il ne s'agirait plus d'une simple arrestation d'opportunité, mais d'une opération planifiée impliquant :
• L'arrestation préventive du chauffeur d'Ekane pour le priver de son moyen de transport habituel
• L'infiltration d'un gendarme déguisé en chauffeur de taxi
• Un piège tendu au SED où les forces de sécurité attendaient leur cible
Cette mise en scène sophistiquée suggère une préméditation et une coordination qui vont bien au-delà d'une simple interpellation de routine.
Une fois Ekane arrêté, Jeune Afrique dévoile un détail glaçant sur les premières heures de sa détention. "Les mêmes cadres du Manidem soutiennent qu'au cours des premières heures de sa garde à vue, l'extracteur d'oxygène d'Ekane lui aurait été retiré 'par le colonel Jean Pierre Otoulou, commandant de la Légion de gendarmerie du Littoral'."
L'extracteur d'oxygène était vital pour la survie d'Ekane, souffrant de pathologies chroniques graves. Le lui retirer revenait à le condamner à une mort lente par asphyxie progressive. Si cette accusation est avérée, elle transformerait l'affaire en homicide volontaire avec préméditation.
Face à ces accusations gravissimes, le colonel Otoulou nie catégoriquement. Jeune Afrique rapporte qu'il "affirme, selon plusieurs sources, n'avoir appris l'existence de l'appareil qu'un mois après l'interpellation."
Mais cette défense apparaît fragile. Jeune Afrique précise immédiatement : "Une explication que la famille et les avocats jugent intenable : dès les premières 48 heures de détention, les proches avaient exigé la restitution de l'extracteur. Deux semaines plus tard encore, une lettre officielle rappelait aussi son caractère vital."
Comment le commandant de la Légion de gendarmerie peut-il prétendre avoir ignoré pendant un mois l'existence d'un appareil médical dont la restitution a été réclamée dès les premières 48 heures et confirmée par courrier officiel deux semaines plus tard ? Cette version ne tient pas debout.
Jeune Afrique analyse la position du colonel Otoulou dans cette affaire : "Pour beaucoup, le colonel Otoulou apparaît comme un fusible idéal, qui protégerait une chaîne de commandement plus politique."
Le média panafricain soulève ainsi la question essentielle : qui, au-dessus du colonel, a donné l'ordre de retirer l'extracteur d'oxygène ? Ou du moins, qui a créé les conditions permettant qu'un opposant politique gravement malade soit privé de son appareil de survie ?
Cette stratégie du fusible est classique dans les affaires impliquant les services de sécurité. On laisse porter la responsabilité à un officier de terrain, protégeant ainsi les décideurs politiques qui ont ordonné ou couvert l'opération.
Jeune Afrique pose la question qui fâche : "Qui a donné l'ordre d'arrêter Georges Anicet Ekane ?" Les réponses révélées par le média panafricain dessinent une chaîne de commandement troublante.
"Le ministre délégué à la Défense, Joseph Beti Assomo, a très vite écarté toute responsabilité", rapporte Jeune Afrique. Cette désolidarisation rapide suggère que le ministre savait que l'affaire était explosive et a préféré prendre ses distances avant qu'elle n'éclate.
Le média panafricain révèle ensuite l'identité du véritable donneur d'ordre présumé : "Plusieurs sources affirment en revanche que l'ordre serait venu du secrétaire d'État à la Défense, Galax Yves Landry Etoga, qui aurait activé une directive émanant d'un comité ad hoc placé sous l'autorité du secrétaire général de la présidence, dont il est proche."
Cette information établit une ligne hiérarchique claire : Secrétaire général de la présidence (Ferdinand Ngoh Ngoh) → Comité ad hoc → Secrétaire d'État à la Défense (Galax Etoga) → Colonel Otoulou → Exécution de l'arrestation et confiscation de l'extracteur.
Jeune Afrique titre l'une de ses sections "Une autopsie de la discorde", révélant les conditions contestables dans lesquelles cet examen médico-légal crucial a été réalisé.
"Une autopsie est réalisée le 3 décembre, en dépit de l'opposition catégorique des avocats — Hippolyte Meli, Emmanuel Simh, William Bourdon et Julie Jukic", rapporte le média panafricain. La présence de William Bourdon, avocat français de renom spécialisé dans les affaires de violations des droits humains, souligne la dimension internationale de l'affaire.
Jeune Afrique cite la réaction indignée d'un proche : "'Une autopsie sans la présence des avocats de la famille de Georges Anicet Ekane ? Que veulent-ils cacher ?' fulmine un proche."
Cette autopsie réalisée sans les avocats de la défense prive l'examen de toute crédibilité juridique. Dans toute affaire de mort suspecte en détention, la présence des avocats de la famille est une garantie élémentaire de transparence.
Jeune Afrique analyse finement la stratégie de communication gouvernementale. Le média rapporte qu'un communiqué "laconique mais très calibré" a été publié par le ministère de la Défense "via son chef de la communication, le capitaine de vaisseau Cyrille Serge Atonfack Nguemo".
Ce communiqué, selon Jeune Afrique, insiste sur deux éléments : d'une part, Georges Anicet Ekane était "poursuivi pour 'diverses infractions graves relevant de la compétence du Tribunal militaire'", justifiant ainsi sa détention. D'autre part, il "souffrait déjà de 'pathologies chroniques'", suggérant que sa mort serait naturelle.
Le communiqué affirme également qu'Ekane "faisait l'objet d'une surveillance médicale constante et avait été régulièrement orienté vers des hôpitaux de Yaoundé". Une version que contestent formellement la famille et les avocats.