Actualités of Wednesday, 7 May 2025
Source: www.camerounweb.com
Dans cette analyse juridique rigoureuse, Alain-Roch Ngantcha décortique la controverse entourant la protection de la marque "14 FOURTEEN" des maillots des Lions Indomptables. Face aux débats sur la légitimité de la FECAFOOT à combattre la contrefaçon, l'auteur rappelle les principes fondamentaux du droit des marques et démontre le caractère exclusif et privé de cette propriété intellectuelle. Détaillant les mécanismes juridiques internationaux qui protègent les titulaires de marques, cette contribution éclaire les limites de l'intervention étatique et souligne les risques juridiques d'une ingérence gouvernementale dans ce domaine. Un plaidoyer documenté pour le respect des droits de propriété intellectuelle au Cameroun.
Une lecture parfaite du compatriote Alain-Roch
LA PROTECTION DE LA MARQUE «14 FOURTEEN » : UN DROIT EXCLUSIF AU-DELA DES INJONCTIONS ÉTATIQUES
Dans les débats récents sur la légitimité de la Fédération Camerounaise de Football (FECAFOOT) à lutter contre la contrefaçon des maillots des Lions Indomptables sponsorisé par la marque ‘14 FOURTEEN’, certains intervenants s'érigent en gardiens de principes juridiques qu’ils méconnaissent manifestement. Il est dès lors impératif de rappeler certains fondements essentiels du droit des marques, universellement reconnus.
I. LE DROIT DES MARQUES : UNE PROPRIETE PRIVEE ET EXCLUSIVE
Le droit des marques, régi notamment par l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), la Convention de Paris, ainsi que les législations nationales des États membres de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), consacre un principe fondamental : le droit exclusif du titulaire de la marque.
Une marque déposée, comme « 14 FOURTEEN », confère à son propriétaire des droits privatifs absolus, notamment le droit de :
• contrôler l’usage de la marque sur les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée,
• s’opposer à tout usage non autorisé, y compris par des entités étatiques,
• déléguer ou transférer ses droits d’exploitation à toute personne physique ou morale jugée compétente,
• et surtout, de poursuivre civilement et pénalement les auteurs de contrefaçon ou de piraterie.
En clair, le titulaire d'une marque exerce un pouvoir discrétionnaire et souverain sur son usage, sans obligation de partage ou de cogestion avec un État, à moins d’un accord contractuel exprès. La marque « 14 FOURTEEN », bien que liée aux équipements sportifs des Lions Indomptables, n’est pas une marque publique camerounaise. Elle appartient à une entité privée qui seule détient la prérogative de défendre sa marque.
II. L’ÉTAT CAMEROUNAIS N’EST PAS LEGITIME A S’IMMISCER
Contrairement à certaines affirmations sur les réseaux sociaux, l’État du Cameroun ne détient aucun droit sur la marque “14 FOURTEEN”. Son éventuelle ingérence dans la gestion, la protection ou l’exploitation commerciale de cette marque constitue une violation manifeste du droit international de la propriété intellectuelle.
Il convient ici de rappeler l’article 16 de l’Accord ADPIC, qui dispose :
“Le titulaire d’une marque enregistrée aura le droit d’empêcher tout tiers non autorisé de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire…”
En conséquence, toute intervention ou tentative d’obstruction de l’État ou de ses démembrements dans les efforts de la FECAFOOT ou du titulaire de la marque pour lutter contre la contrebande de maillots s’apparente à une complicité de contrefaçon.
III. LE PRECEDENT DE L’ABANDON DES ARTISTES CAMEROUNAIS : UNE LEÇON
L’histoire récente du Cameroun nous offre un exemple édifiant : l’incapacité chronique de l’État à protéger les droits d’auteur des artistes nationaux, victimes d’une piraterie systémique ayant ruiné des carrières brillantes. Ce douloureux précédent prouve à suffisance que l’État n’a ni l’expertise, ni la volonté politique suffisante pour garantir la protection efficace des droits de propriété intellectuelle.
Pourquoi donc exiger d’une entreprise privée, comme celle qui détient la marque “14 FOURTEEN”, de se reposer sur un appareil étatique dont la défaillance est historiquement avérée ?
IV. LES CONSEQUENCES JURIDIQUES D’UNE INGESTION ILLEGITIME
Toute ingérence illégale de l’État du Cameroun dans la gestion des droits liés à la marque « 14 FOURTEEN » est susceptible d'entraîner :
• des poursuites internationales pour violation des accords OMPI et ADPIC,
• des sanctions financières lourdes, incluant dommages-intérêts compensatoires et punitifs,
• une perte de crédibilité de l’État Camerounais auprès des investisseurs étrangers et partenaires commerciaux,
• et potentiellement, des mesures de rétorsion dans le cadre des mécanismes de règlement des différends de l’OMC.
AFIN QUE NUL N’EN IGNORE :
Il est essentiel que les débats publics se fassent à la lumière du droit, et non sur la base de sentiments nationalistes mal placés ou d'une ignorance manifeste des principes juridiques fondamentaux. La marque “14 FOURTEEN” est une propriété privée protégée par le droit international, et son titulaire est parfaitement fondé à déléguer la lutte contre la contrefaçon à tout acteur compétent, y compris à la FECAFOOT.
Le respect du droit des marques est non seulement une obligation légale, mais également un impératif de crédibilité pour toute nation aspirant à une économie moderne fondée sur l’innovation et le respect de la propriété intellectuelle.
Par Alain-Roch Ngantcha,
Juriste . Auteur . Enseignant