C’est une « lettre ouverte au guide de la résistance ». Elle est signée par plusieurs acteurs importants du paysage politique du pays. La note adressée à Maurice Kamto fait voir que le Cameroun vit l’une des heures les plus décisives de son histoire. « Depuis plus de quatre décennies, notre peuple est enfermé dans la nuit noire d’une dictature sans horizon. Pauvreté, corruption, chômage massif, humiliation internationale, divisions tribales entretenues à dessein : tel est le triste héritage du régime Biya », lit-on.
En juillet dernier, deux institutions corrompues inféodées à ce régime ont commis l’infamie de vous rayer de la compétition présidentielle. Ce fut un coup de poignard dans le cœur de la Nation, un séisme pour des millions de Camerounais qui avaient placé en vous leur ultime espérance. Mais cette exclusion n’a pas eu l’effet attendu par le régime. Elle n’a pas effacé votre légitimité, elle l’a au contraire consacrée. Vous êtes devenu, malgré eux, l’arbitre, le maître du jeu, l’homme providentiel de ce moment crucial.
Depuis près d’une décennie, vous portez sur vos épaules le fardeau de la résistance. Vous avez subi les prisons humiliantes, la privation de liberté, les campagnes incessantes de haine, les insultes les plus basses. Vous avez été trahi, calomnié, combattu avec une brutalité inégalée. Mais tout cela, loin de vous abattre, vous a forgé. Vos blessures et vos humiliations sont devenues des leçons. Et vos cicatrices, monsieur le président, sont devenues l’armure qui vous prépare à remplir la mission de ce moment.
Votre phrase prophétique – « Le Cameroun est plus grand que ma personne » – résonne aujourd’hui comme un appel venu des profondeurs de l’histoire. Vous êtes l’homme de ce moment, parce que vous seul pouvez transformer ces douleurs en victoire collective, et vos sacrifices en renaissance nationale.
Votre absence de ce scrutin, on peut malheureusement le constater, divise profondément le peuple du changement quant à l’avenir de la résistance camerounaise. Certains de nos compatriotes, déboussolés par votre absence du scrutin, militent en faveur d’un appel à l’abstention.
Nous pensons, monsieur le président, qu’un tel appel serait une abdication historique. Appeler à l’abstention, c’est envoyer un signal de résignation. C’est décourager un électorat déjà affaibli par le rejet de votre candidature, et risquer un désengagement durable dans la perspective des législatives et municipales. En abandonnant l’arène, vous laisseriez le terrain libre aux forces opportunistes, sans aucune garantie de pouvoir influer sur le cours des événements. Cela offrirait une bouée de sauvetage au régime, qui se réjouirait en silence de voir le peuple du changement capituler et laisser le terrain à ses marionnettes. Paul Biya se présenterait une fois de plus en vainqueur sans résistance, consolidant son pouvoir dans la durée, même en son absence. L’abstention, monsieur le président, c’est un poison lent qui tuerait l’espérance nationale.
À l’inverse, une consigne de vote donnée par le candidat du Manidem que vous êtes, aurait l’effet d’un tonnerre dans le ciel politique. En orientant le choix de l’électorat, vous confirmez que vous demeurez l’arbitre suprême de la transition démocratique, même écarté du scrutin. Le Nord concentre aujourd’hui plusieurs figures de proue – Issa Tchiroma Bakari, Bello Bouba Maigari – qui, bien qu’anciens alliés du régime, posent désormais les bases d’un front commun national. En soutenant l’un de ces candidats, vous ouvrez la voie à une recomposition politique inédite.
Soutenir un candidat du Septentrion est un geste de haute portée géopolitique. Cela permet de briser l’argument du régime qui instrumentalise le tribalisme et les fractures régionales. Cela renforce l’unité nationale et consolide votre stature d’homme d’État. Une consigne de vote briserait la façade du régime, qui ne résisterait pas à une coalition nationale portée par votre légitimité et l’élan populaire.
Elle ouvrirait la voie à une véritable transition démocratique, avec la dissolution des institutions illégitimes (Assemblée, Sénat, Conseil constitutionnel, Elecam) et la mise en place d’un gouvernement de transition chargé d’organiser de nouvelles élections libres.
Enfin, elle donnerait au peuple la légitimité d’un soulèvement populaire si le régime s’aventurait à voler une nouvelle fois la victoire du candidat du consensus.
Monsieur le président, si vos blessures de ces dix dernières années ont eu un sens, c’est bien pour vous préparer pour ce moment. L’histoire se souviendra davantage de celui qui, écarté du scrutin, aura su dicter l’issue de l’élection et préparer la transition tant attendue, que de celui qui s’est enfermé dans le silence de la frustration.
Si vous choisissez le silence ou l’abstention, le peuple s’éparpillera, et la dictature prolongera ses chaînes. Mais si vous choisissez de guider, alors vous rallierez les cœurs, les énergies et les forces vives de la Nation dans un élan de libération nationale.
Monsieur le président, voici donc votre moment ! Nous vous appelons à ne pas céder à la tentation du retrait. Nous vous exhortons à donner une consigne de vote claire, pour transformer cette mascarade électorale en un levier de libération nationale.
Vous êtes le guide, le repère, et la force de la résistance nationale. Vous pouvez ouvrir la porte de la transition démocratique et inscrire votre nom dans le marbre de l’histoire, aux côtés des plus grands libérateurs de l’Afrique.
Brice Nitcheu du Collectif des organisations démocratiques et patriotiques des Camerounais de la diaspora (Code) fait partie des personnes qui signent la lettre.