Actualités Régionales of Monday, 28 December 2015
Source: carmer.be
A l’occasion des fêtes de fin d’année, Ngang Joh Lamya Mama exige que chaque visiteur débourse la somme de 1.000 francs Cfa pour rencontrer une connaissance détenue au sein de ce pénitencier.
La surprise était générale ce vendredi 25 décembre 2015 à la guérite de la prison centrale de Bertoua. Aux visiteurs qui se présentaient ce jour-là pour y apporter du réconfort et de la nourriture à leurs parents, amis et connaissances (en détention provisoire ou définitive), il est exigé le paiement de la somme de 1.000 francs Cfa comme frais de visite.
En retour, les gardiens de prison en faction, qui jouent le rôle de percepteurs de ces fonds, délivrent un « Permis de visite » en guise de quittance et dont nous avons pu obtenir copies. Même munis d’un permis permanent de visite tel que stipulé par l’article 238, alinéa 1, certains dont les proches sont inculpés n’échappent pas à cette règle instituée par Ngang Joh Lamya Mama, le régisseur de cette prison.
Après avoir cherché ce dernier en vain à rencontrer ce dernier dans ses services pour les motivations de sa décision, nous l’avons joint au téléphone ce samedi 26 décembre 2015 en matinée. Pour nous entendre dire que « les journalistes n’ont pas à se mêler des affaires de la prison centrale de Bertoua ». Et de conclure brusquement notre entretien par un « vous allez voir ! » Un avocat approché nous fait savoir que « cette décision va à l’encontre des dispositions textuelles en matière de communication avec les détenus ». Même à l'encontre d'une affiche signée du régisseur qui indique "Le service public est gratuit! (Visites, communication, etc;) En cas de désagrément, contactez les autorités de la prison."
Pourtant, certains gardiens de prison rencontrés au cours de cette enquête font état de ce que « le régisseur gère cette enceinte comme une épicerie ». Nos sources évoquent « les gardes de 24 heures en violation des textes réglementaires ». En effet, il est facile d’observer que certains gardiens de prison passent plus d’une journée en faction parfois sur la route. Bien plus, nous avons appris que « certains responsables, sans avoir le courage de l’évoquer en réunion et en présence du régisseur, ne sont pas contents des sanctions disciplinaires infligées à certains de nos camarades ». Selon nos informations, « il est difficile voire impossible de jouir de son congé annuel alors que le personnel est plus que suffisant pour assurer le service ».
Tensions
Du côté des prisonniers, ce n’est pas non plus la joie. La mesure prise à l’occasion des fêtes de fin d’année sur le paiement d’une rançon pour leur rendre visite est mal accueillie. « Nous sommes en train d’aller vers un soulèvement des détenus qui, depuis hier (25 décembre 2015, ndlr), n’ont pas mangé, souffle un gardien de prison. Ce d’autant que la plupart, pour plusieurs raisons dont sanitaires, ils n’ont jamais goûté à la nourriture carcérale.
» Et pour cause, indique un rapport de 2012 de Simo Ndjoko, alors délégué régional de l’Administration pénitentiaire pour l’Est, au terme d’une tournée de prise de contact dans cet univers carcéral, « la ration alimentaire quotidienne est faite de couscous de manioc et de maïs tandis que la sauce est un mélange de 50 litres d’eau, d’huile de palme, de pâte d’arachide et de colorant. Pour faire gonfler le tout, on ajoute de la levure chimique et de la farine de manioc alors que chaque année, cette prison reçoit 26 millions de francs Cfa de l’Etat pour les quelques 500 détenus de cette prison ». Ce rapport concluait à une vie interne rythmée par « la maltraitance, la promiscuité, la malnutrition et une prise en charge inadéquate des malades ».
Des témoins révélaient alors qu’« au cours de la séance de travail que Simon Ndjoko avait présidée, certains détenus avaient dénoncé tous ces mauvais traitements qui provoquent la mort de quelques-uns. ». Et dans un rapport adressé peu avant au Garde des Sceaux, une mission d’enquête affirmait déjà que « selon les registres de l’infirmerie, 17 détenus ont trouvé la mort ces derniers mois à la prison centrale de Bertoua ». Approché également à l’époque, Ngang Joh Lamya Mama, le régisseur de la prison centrale de Bertoua, avait déclaré à ce sujet dans son bureau qu’« il est normal de mourir à l’infirmerie de la prison centrale de Bertoua car même dans les hôpitaux de haut standing, on meurt.
» Sur les causes de ces décès en cascade, le régisseur réfutait la thèse alimentaire et évoquait plutôt le fait que « les détenus viennent avec leurs maladies de l’extérieur ». Il reconnaissait cependant, comme le rapport confidentiel évoqué plus haut, que « la promiscuité augmente les risques de contamination dans une prison où plus de 50 détenus sont entassés dans des locaux prévus pour 20 » et que, « le plateau technique de l’infirmerie ne peut pas prendre en charge les maladies de la prison ».
En rappel, c’est en 1930 que la prison centrale de Bertoua a été construite pour recevoir 120 détenus. Aujourd’hui, elle en compte exactement 478 au 21 janvier 2013.