Actualités of Monday, 25 August 2025

Source: www.camerounweb.com

Présidentielle du 12 octobre : les francs-maçons camerounais face au défi de l'unité

Entre divisions internes et enjeux politiques, quelle posture adopteront les obédiences maçonniques face à Paul Biya ?


À moins de deux mois de l'élection présidentielle du 12 octobre, la franc-maçonnerie camerounaise se trouve à un carrefour critique. Divisée en plusieurs obédiences rivales et minée par des querelles internes, elle peine à retrouver l'influence qu'elle exerçait jadis sur la scène politique nationale. La question centrale demeure : les frères parviendront-ils à dépasser leurs divisions pour peser sur l'avenir politique du pays ?

Depuis mai dernier, le paysage maçonnique camerounais s'est encore complexifié avec le projet de création du "Grand Orient du Cameroun", porté par le député Yves Martin Ahanda Assiga. Cette initiative, qui attend toujours la reconnaissance du Grand Orient de France, illustre la fragmentation croissante d'une communauté autrefois unie.


Trois obédiences se disputent désormais la légitimité : la Grande Loge unie du Cameroun (Gluc), affiliée au Grand Orient de France, la Grande Loge nationale du Cameroun, rattachée à la Grande Loge nationale de France (GLNF), et potentiellement le futur Grand Orient du Cameroun. À ces divisions s'ajoute la Grande Loge féminine du Cameroun, créée en 2017, qui a elle-même contribué aux tensions internes.


"On n'entend pas les maçons dans les grands débats de société alors qu'en octobre, notre pays organisera une présidentielle cruciale", déplorait en mai dernier l'un des initiateurs du Grand Orient du Cameroun. Ce constat amer révèle l'affaiblissement du rôle traditionnellement joué par la franc-maçonnerie dans la vie politique camerounaise.


Contrairement aux décennies précédentes où les loges constituaient des espaces de dialogue et d'influence politique, la maçonnerie contemporaine semble avoir perdu sa capacité à fédérer et à orienter les débats publics. Les querelles internes et les batailles d'ego ont pris le pas sur la mission originelle de "perfectionnement de l'humanité" et d'engagement citoyen.


La candidature annoncée de Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, place les francs-maçons dans une position délicate. Comment une institution prônant le renouvellement et le progrès peut-elle se positionner face à un candidat qui incarne la continuité depuis plus de quatre décennies ?



Les obédiences maçonniques camerounaises comptent dans leurs rangs des personnalités proches tant du pouvoir que de l'opposition. Cette diversité, présentée comme un atout par les promoteurs du Grand Orient du Cameroun, pourrait également constituer un frein à toute prise de position claire. Le risque de fractures internes supplémentaires incite à la prudence.


Historiquement, la loge "Lumière du Cameroun", ressuscitée symboliquement en avril dernier à Douala, avait vu plancher des figures comme Félix Eboué et Blaise Diagne, accompagnant les mutations politiques de leur époque. Cette référence au passé témoigne de l'ambition des maçons contemporains de retrouver leur rôle d'acteurs du changement.



Cependant, la réalité politique actuelle impose des contraintes différentes. Les membres influents de la communauté maçonnique, à l'image d'Olivier Behle (ancien président du Gicam), du banquier Hervé Emmanuel Nkom, ou encore de Marie Rose Dibong (secrétaire d'État), évoluent dans un environnement politique où la prudence l'emporte souvent sur l'audace.

Face à ces tensions, plusieurs scénarios se dessinent pour la posture maçonnique lors de l'élection d'octobre. Le premier, le plus probable, consisterait en une neutralité officielle des obédiences, chaque frère demeurant libre de ses choix politiques individuels. Cette approche permettrait de préserver l'unité fragile des loges tout en évitant les polémiques.


Un second scénario verrait les différentes obédiences adopter des positions divergentes, reflétant ainsi leurs affiliations internationales et leurs sensibilités politiques respectives. Cette option risquerait toutefois d'accentuer les divisions déjà existantes.


Enfin, une troisième voie, plus ambitieuse mais moins probable, consisterait en un rapprochement exceptionnel des obédiences autour de valeurs communes, privilégiant le dialogue et la transition démocratique pacifique, sans nécessairement désigner un candidat précis.


"La maçonnerie prône le dialogue entre ses membres", rappelaient en mai les promoteurs du Grand Orient du Cameroun, soulignant l'importance de cette valeur en cas de crise électorale. Cette capacité au dialogue sera-t-elle suffisante pour permettre aux francs-maçons de retrouver leur voix dans le débat public ?
À quelques semaines de l'élection, les temples maçonniques camerounais semblent plus divisés que jamais. Leur capacité à surmonter ces divisions et à proposer une vision alternative pour l'avenir du pays constituera un test décisif pour la pertinence de cette institution dans le Cameroun contemporain.


L'élection du 12 octobre révélera si la franc-maçonnerie camerounaise peut encore prétendre jouer un rôle dans la construction de l'avenir politique du pays, ou si elle restera cantonnée à ses querelles internes, spectatrice d'une Histoire qu'elle aspirait jadis à influencer.