L’élection présidentielle d’octobre est censée être le début d’une nouvelle histoire politique pour les Camerounais. Avec ou sans le régime actuel ? C’est le grand inconnu. Le président sortant, Paul Biya, n’a pas encore perdu le goût du pouvoir. Il a déposé sa candidature et compte bien s’offrir un nouveau mandat. Après tout, y a-t-il une possibilité pour l’écarter ?
Dans une dictature qui se maintient et se renouvelle par la tricherie, la lutte pour le changement est surtout et avant tout la lutte contre les fraudes électorales, souffle Arlette Framboise Doumbe Ding. L’analyste politique se montre direct et sans détour.
Maurice Kamto l'a compris mieux que quiconque. C'est pourquoi il a consacré les 7 dernières années à déconstruire, à dénoncer et à mettre en lumière les mécanismes institutionnels de fraudes électorales au Cameroun : code électoral, liste électorale nationale, le respect du calendrier électoral, etc.
L'homme politique a la particularité de ne pas faire du bavardage inutile. Il s'était attaqué directement à ce qui bloque l'alternance démocratique au Cameroun depuis plus de 30 ans : les fraudes électorales. Il était méthodique dans l'approche et convaincant dans sa vision du changement. Voilà selon moi pourquoi il est très vite devenu, non pas l'adversaire politique, mais l'ennemi du régime en place qui ne supporte pas qu'un opposant mette autant de lumière sur ses méthodes de tricherie.
Pour bien comprendre, regardez quels sont les opposants que le régime a choisis pour participer à l'élection présidentielle du 12 octobre prochain : ce sont des gens qui ne parlent ni des fraudes électorales, ni des injustices. Aucun d'eux n'a posé sérieusement le problème des fraudes électorales sur la table, ni n'a lancé un appel solennel pour la libération, avant les élections, des opposants politiques emprisonnés pourtant arbitrairement par le régime en place. Je trouve cela extrêmement scandaleuse comme posture politique des gens qui disent vouloir le changement.
Les opposants parleront peut-être des programmes politiques ou des projets de société. C'est bien beau. Mais ce n'est pas ce qui peut faire la différence dans le contexte de la dictature camerounaise. Ce qui va faire la différence ce sont les fraudes électorales que Clément Atangana du Conseil constitutionnel a été nommé pour valider. C'est pour cela que Maurice Kamto a consacré les 7 dernières années à lutter contre les mécanismes institutionnels des fraudes électorales. Il a compris très tôt ce que beaucoup ne comprennent pas toujours aujourd'hui. À savoir que dans une dictature, la lutte pour le changement est avant toute chose la lutte contre les fraudes électorales. Maurice Kamto n'a pas été soutenu dans ce combat comme il se doit et c'est vraiment dommage.
La jacasserie de l'opposition retenue pour participer à l'élection présidentielle ne peut mener à aucun changement. À moins qu'elle ne décide de suivre la voie tracée par Maurice Kamto. Et comment cela peut se passer maintenant à quelques semaines de l'élection ? Pour moi il n'y a que deux voies à explorer.
La première voie. Tous les 11 opposants se regroupent en un seul bloc et exigent la réforme consensuelle du système électoral avant leur participation à la prochaine présidentielle. À ce stade, le régime coincé sera obligé de se plier car le candidat du RDPC ne peut pas aller à l'élection présidentielle tout seul. De plus, il n'existe aucun moyen légal de contraindre ces opposants à prendre part à l'élection. Il ne restera qu'à repousser la date de la prochaine présidentielle de quelques mois, le temps de procéder à la réforme consensuelle du système électoral. Si on a repoussé la date des municipales et législatives sans raison valable, on peut aussi repousser la date de la présidentielle.
Cette approche suggérée à l'opposition aura l'avantage d'être non violente et extrêmement contraignante pour le régime qui sera obligé d'accepter la réforme consensuelle du système électoral. Surtout Yaoundé n'aura plus aucun prétexte pour faire des arrestations arbitraires ou pour exercer la répression comme d'habitude. Si les 11 opposants retenus pour la présidentielle veulent réellement le changement, la proposition que je fais ici est une chance unique et historique pour obtenir ce changement.
2ème voie. Tous les autres opposants font bloc derrière Issa Tchiroma Bakary ou derrière Bello Bouba Maigari et présentent un seul candidat face à Paul Biya. Pourquoi s'aligner derrière Bello ou Tchiroma ? Parce qu'en l'absence de Maurice Kamto, qui aurait été le candidat unique idéal, les deux leaders du septentrion disposent des bases électorales bien plus larges que celles des 9 autre candidats pris individuellement. Donc c'est aussi une question de réalisme ou de pragmatisme politique.
Parmi les deux voies relevées ci-dessus, la première voix est de loin la plus pertinente car elle rejoint le combat de Maurice Kamto qui était de démonter la machine de la fraude pour donner une chance à la démocratie de s'exprimer pleinement au Cameroun. Donc si les opposants retenus pour participer à l'élection présidentielle veulent réellement le changement et non la simple mangeoire, ils savent tous désormais ce qu'ils ont à faire.
À ceux qui ne veulent pas continuer le noble combat de Maurice Kamto contre la tricherie qui bloque le changement et qui pensent que l'essentiel est d'aller à l'élection, bah allez-y. On verra bien si la jacasserie peut tenir lieu de moyen de lutte pour le changement en contexte de dictature.
Face à une dictature qui triche, la lutte pour le changement c'est d'abord la lutte contre les fraudes électorales. Maurice Kamto a porté ce noble combat pendant 7 ans dans la quasi-indifférence des candidats retenus aujourd'hui pour la présidentielle. Si cette opposition n'intègre pas rapidement ce préalable, Clément Atangana le boucher va le lui rappeler en octobre prochain.
Même dans 50 ans vous donnerez raison à Maurice Kamto qui a très tôt compris sur quoi il faut frapper pour provoquer le changement dans un contexte de dictature comme celui du Cameroun. C'est dommage que ceux qui prétendent lutter pour le changement ne l'aient pas soutenu comme il se doit face à la haine, la répression et les injustices orchestrées contre lui par le régime RDPC. Maurice Kamto a subi la haine du régime RDPC comme aucun autre opposant au Cameroun. Ce n'était pas seulement la haine, c'était aussi le tribalisme orchestré contre sa personne et sa communauté. Ce n'était ni la démocratie ni la République. C'était la barbarie d'un régime qui nous a ramenés à l'âge de la pierre taillée. Ça n'avait rien d'humain. Je ne pouvais pas imaginer que des gens de ce niveau de sauvagerie existent au Cameroun. J'en ai un profond dégoût.
La proposition a le mérite de surprendre. Elle laisse certains observateurs perplexes. Paul Biya et son camp auraient-ils du mal à continuer son processus si tout le monde se désistait comme le suggère Arlette Doumbe Ding ?