Actualités of Sunday, 18 May 2025

Source: www.camerounweb.com

Présidentielle 2025: fuite du plan secret et de la stratégie de Paul Biya, les Camerounais prévenus

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Depuis plusieurs semaines, un phénomène inédit secoue la toile camerounaise : Paul Biya, président depuis 1982 et longtemps connu pour sa discrétion médiatique, multiplie les publications quotidiennes sur les réseaux sociaux. Ce chef d'État, qui se décrivait lui-même comme "moins moderne" que son épouse en 2007, semble avoir opéré un revirement spectaculaire dans sa stratégie de communication. C'est ce que le média français RFI dévoile dans un article exclusif sur son site. Mais bien avant, Camerounweb aussi en avait fait cas.

Cette métamorphose numérique n'est pas anodine : elle intervient précisément à cinq mois de l'élection présidentielle prévue en octobre 2025, et alors que le président nonagénaire n'a toujours pas officiellement annoncé sa candidature à un nouveau mandat.

"Tous ensemble, nous devons continuer à bâtir une société saine constituée d'êtres humains qui se plaisent dans la compagnie des uns des autres, au lieu de se percevoir plutôt comme des loups les uns pour les autres", publiait Paul Biya sur X le 12 mai dernier. Ces appels incessants à l'unité nationale, diffusés simultanément en français et en anglais, interviennent stratégiquement dans un contexte où le Cameroun reste profondément divisé.
La crise séparatiste dans les régions anglophones, bien qu'en recul, n'a pas totalement disparu. En martelant des messages d'unité, le président tente visiblement de rassurer un électorat inquiet face aux divisions ethno-linguistiques et à la montée des discours haineux.


Les experts sont unanimes : cette offensive numérique vise avant tout les jeunes électeurs. "Paul Biya sait qu'il y a eu un basculement de l'électorat, surtout jeune, des médias conventionnels classiques vers les médias électroniques", confirme un universitaire camerounais spécialiste en communication.
Avec 13,73 millions d'internautes au Cameroun (46% de la population) et 5,45 millions d'utilisateurs de réseaux sociaux (18,25%), l'enjeu est de taille pour ce président vieillissant souvent critiqué pour son absence physique et son manque de proximité avec les nouvelles générations.

Thomas Atenga, professeur au département de Communication de l'Université de Douala, y voit clairement une phase "d'amorçage" politique : "Les spin doctors du président camerounais ont fait le choix de mobiliser ce réseau social... pour installer dans les esprits un candidat, sa personnalité, son programme ou une partie de son programme".

Pour le politologue Aboya Manasse, l'objectif est transparent : "L'enjeu est de parvenir à construire un espace de communication contrôlé dans la perspective de baliser le chemin pour une nouvelle annonce de candidature à la prochaine élection".


Malgré l'enthousiasme des partisans du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), certains experts tempèrent l'impact réel de cette offensive. Avec seulement 199 000 comptes X au Cameroun, représentant à peine 0,6% de la population, la portée directe de ces messages reste limitée.
Par ailleurs, les voix critiques ne manquent pas. Alexie Tcheuyap, doyen de la Faculté des Arts de l'Université de Waterloo au Canada, dénonce "une résurrection cybernétique" visant à "redonner vie à un pouvoir moribond et à une monarchie retardataire".


Ce qui frappe dans cette conversion numérique tardive, c'est qu'elle intervient bien après les efforts similaires déployés par ses adversaires politiques. La plupart des opposants camerounais avaient depuis longtemps investi ces espaces numériques pour toucher l'électorat jeune.

En cherchant désormais à rattraper ce retard à grands coups de messages calibrés par ses conseillers en communication, Paul Biya confirme indirectement sa volonté de briguer un nouveau mandat malgré son âge avancé.

À travers cette stratégie digitale, le président camerounais semble vouloir conjuguer l'ancien et le nouveau : conserver son image d'homme d'État distant tout en tentant une percée dans l'univers des réseaux sociaux. Cette apparente modernisation de façade cache mal une réalité politique inchangée : celle d'un pouvoir personnalisé qui s'accroche à la présidence depuis plus de quatre décennies.

Alors que le pays attend encore l'annonce officielle de sa candidature, cette offensive numérique constitue vraisemblablement la première phase d'une campagne électorale qui ne dit pas encore son nom.