Vous-êtes ici: AccueilActualités2023 07 29Article 734573

Actualités of Saturday, 29 July 2023

Source: La Nouvelle N°714

Présidence de la République : la vraie face cachée de Ngoh Ngoh

La nouvelle déballe tout La nouvelle déballe tout

Comme nous le démontrions dans une de nos récentes éditions relatives au pilotage du dossier Cotco qui a failli porter un sérieux coup dans les relations, pourtant étroites jusque-là, entre le Tchad et le Cameroun, il n'aura échappé à personne que l'homme de la situation actuelle dans le proche entourage présidentiel est Ferdinand Ngoh Ngoh. Il apparait ainsi comme un exécutant docile. Le bras séculier dont doit être fier le président Paul Biya. Car, c'est à tra- vers lui qu'il vient de trancher dans le vif, le différend entre le Tchad et le Cameroun en décidant du gel de la transaction conclue le 19 avril dernier, entre la Snh et la société Savannah Energy. C'est ainsi qu'au terme du Conseil d'administration du 13 juin 2023, Ferdi- nand Ngoh Ngoh n'aura pas un seul instant hésité à remettre à sa place Adolphe Moudiki, afin d'éviter une brouille inutile entre le Cameroun et le Tchad. Et comment? On le subodore à travers le style incisif et concis du communiqué ciselé avec un savoir-faire d'horticulteur. S'il avait imaginé que ses week-ends passés à tailler ses roses dans son vaste domaine de Nyom, lui serviraient à cela... D'une loyauté sans faille, il apparait ainsi au terme de ce palpitant feuilleton diplomatico-pétrolier dont l'un des moments forts aura bel et bien été le rappel par N'Djamena de son ambassadeur Djidda Moussa Outhman, comme l'une des rares personnes actuellement autour du président Paul Biya, à travers les- quelles instructions ou directives présidentielles sont directement transmises aux différents centres du pouvoir à Yaoundé. Pour les initiés des arcanes du pouvoir, en plus d'être docile, il est même un bon exécutant. Pour eux, il le fait parfois avec tact, mais toujours sans le moindre état d'âme. Seulement, à leur grand étonnement, ce ministre d'Etat Sgpr pas comme les autres, a résolument choisi le silence et la réclusion comme armes de pré- dilection... Il faut le dire d'emblée.

Cet homme placide, effacé et toujours souriant assume depuis qu'il a été nommé secrétaire général de la présidence de la République, dans le silence le plus absolu, la préservation du système présidentiel. Sans tambours ni trompettes. Il n'en est pas pour autant l'incarnation comme semblent toujours vou- loir l'exciper à dessein ses nombreux et irréductibles contempteurs. Sobre et concentré, taiseux et stoïque, toujours d'humeur égale dans l'adversité comme en temps ordinaire, Ferdinand Ngoh Ngoh est à contre-image de l'activisme débordant et narcissique de la plupart de ses illustres prédécesseurs au poste très stratégique de secrétaire général de la présidence de la Ré- publique. Un activisme qui a toujours été fait d'omniprésence, d'énergie et de spectaculaire pour afficher la toute-puissance et l'autorité absolue du ministre d'Etat Sgpr. Seulement, comme pour donner foi à cette métaphore sans fioriture, c'est lui qui, malgré cette discrétion légendaire, encaisse tous les coups assenés à l'autorité en place: « Quand on veut être à la proue du navire, il faut être prêt à prendre des paquets de mer dans la gueule ». Jamais un ministre d'Etat Sgpr en fonction, ve- nant des autres mem- bres du gouvernement quasi-factieux, n'avait fait l'objet d'une telle furie, d'un tel acharne- ment, d'une telle débauche d'énergie et de moyens pour fragiliser son autorité et l'humilier dans l'opinion et aux yeux du président de la République.

COVIDGATE

Il y a quelques mois. tout le monde a pu apprécier le degré de cynisme et de nocivité de ce subtil manège quand signatur tout a été mis en branle, dans le cadre de la si tortueuse et si complexe affaire covidgate, pour faire exécuter un mandat d'amener dont le but était d'interpeller à marche forcée un mi- nistre d'Etat secrétaire général de la Présidence de la République en fonction. Si les auteurs-comploteurs dudit manège nient aujourd'hui toute tentative de coup de force spectaculaire, Laurent Esso, l'un des plus déterminés des conspirateurs factieux, fortement manipulé à l'époque par des personnes que les scrupules n'étouffent pas, s'était montré pour le moins imprudent en demandant carrément et à plusieurs reprises aux hauts responsables chargés de la sécurité du palais de l'Unité, le retrait pur et simple de son badge d'accès à Etoudi. C'est tout dire. Car pour lui, c'était l'occasion rêvée pour en finir avec ce têtu et résistant empêcheur de tourner en rond. Un précieux et providentiel croche-pied pour se débarrasser de leur plus dangereux concurrent dans le marathon d'Etoudi. D'ailleurs, ce sont ces mêmes irréductibles adversaires de Ngoh Ngoh qui, avec cette propension suffisamment teintée de morgue à humilier chaque fois un ministre d'Etat Sgpr, n'ont pas eu de cesse, depuis de longues années, de faire ressembler le pa- lais d'Etoudi au château de la Belle au Bois dor- mant, avec un Sgpr dont les pouvoirs, pourtant congrument concédés par le président de la République, lui- même, sont régulièrement contestés pour lui coller dans l'opinion, une image d'un « vice- roi » imposteur, usurpateur, falsificateur des signatures du président et essentiellement porté vers le pouvoir suprême. Preuve que l'effet est délibérément voulu quand ceux-ci lui ont toujours contesté la sincérité des « hautes instructions présidentielles » sur lesquelles il a de tout temps pris ancrage pour agir en lieu et place du président Paul Biya. Quitte à mettre le comble, dégoulinant de haine et d'animosité, aux embrouillaminis des polémiques, dans leur odieuse entreprise de démolition, de destruction et de fragilisation de l'autorité de l'Etat.

La haine ! Ce sport national de l'heure ! Si le Cameroun pouvait pro- duire autant de pétrole que cette haine qu'il crachouille sans dis- continuer depuis quelque temps, il serait, pour sûr, le pays le plus riche du monde...Mais observons comme la haine est toujours mau- vaise conseillère : quand éclate le scan- dale de l'organisation avortée de la Can 2019, Ferdinand Ngoh Ngoh est très vite présenté dans l'opinion comme le bélier insoumis à offrir en sacrifice, aux dieux. du ballon rond camerounais. Ses nombreux contempteurs ont là une autre occasion rêvée pour l'envoyer au gibet. Très vite, l'échafaud est même monté.

Dans les coulisses du pouvoir et dans les officines occultes et sataniques, l'on rivalise alors d'imagination en se livrant à une suren- chère verbale intarissable, question de savoir quand et comment aurait lieu l'exécution publique...à la Poste centrale de Yaoundé. Les incantations rivalisent d'ardeur avec l'acuité des odeurs d'encens des célébrants sur les autels des messes basses.

BOKO HARAM

Malheureusement, au lieu de leur servir sur un plateau doré la tête décapitée de Ngoh Ngoh, tel que les offi- ciants frénétiques n'avaient eu de cesse de le réclamer à cor et à cri, le président Paul Biya fait de lui, à la surprise générale, ministre d'Etat. Pire, il laisse

même courir depuis lors, les supputations les plus fantasmatiques (comme cette histoire de coup d'Etat militaire contre Paul Biya) qui mettent pourtant en vitrine ce grand et stoïque avaleur de couleuvres, rarement crédité de ce qui va bien, toujours responsable de ce qui va mal et voué à sauter dès que le président juge nécessaire de changer de fusible. Quelqu'un l'a-t-il senti faiblir? Ployer? Non, c'est juré. Plutôt dans le silence le plus absolu, l'inoxydable exécuteur dévoué a toujours eu cette capacité hors du commun à basculer chaque fois qu'il le faut, dans l'opérationnel pour mettre le pouvoir de Yaoundé hors danger. Les exemples sont légion et suffisamment édifiants dans le calepin intime du président de la Ré- publique.

Il y a quelques ann en effet, dans la libe tion, le 18 avril 201, de Tanguy Moulin-Fournier, de sa femme Albane et de son frère Cyril, libres après 2 mois de captivité chez les hommes de Boko Haram, Ngoh Ngoh démontrait déjà cette habileté et cette assu- rance tranquille dont il fait preuve en toute circonstance. Dans la récente affaire sur l'assassinat du journaliste Martinez Zogo, l'étiquette qu'on veut coller le plus à la peau de ce proche collaborateur du président qui ne supporte pas l'injustice, est celle d'homme « des sales besognes ». Si c'est pour la manifestation de la vérité au niveau de la justice où les enquêtes suivent librement leur cours, l'imperturbable qui parle si bas qu'il faut tendre l'oreille pour l'écouter, assume cette réputation et se fiche qu'elle soit fâcheuse, infamante ou surfaite.

FAIBLESSE TROMPE-L'ŒIL

Seulement, bien que taiseux et étrangement silencieux dans son coin, sous les ors de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh est devenu, au fil des années, un vrai fantasme à journalistes. On se surprend même à imaginer comment on pourrait cacher des micros sous les tableaux qui ornent son vaste bureau du palais de l'Unité; moucharder son téléphone portable qu'il ne quitte jamais des yeux de quelques dizaines de minutes (même s'il ne répond jamais aux coups de fil); décacheter ses lettres avec de la vapeur d'eau. Car, pour les journalistes, cet homme est une machine à scoops. Des soubresauts du microcosme socio-politique du pays, il sait tout. Et avant tout le monde. Même si, on ne lit rien dans ses yeux, quand on a la chance de le croiser au hasard, dans l'un des longs et interminables couloirs du palais d'Etoudi. Observateur privilégié des évènements de ces dernières décennies et grand défenseur de la liberté d'expression, il n'est pas l'ami de la presse, avec laquelle il n'entre tient pas pour autant des rapports conflictuels. Une évidence en somme l'omerta étant la règle à Etoudi, et le devoir de réserve une obligation, rares sont ceux qui osent rompre le silence pour raconter les dessous de leur collaboration avec le président Paul Biya. On aurait dit que c'est ce qui lui permet d'évoluer à son aise dans l'eau épaisse du secret aux côtés du président de la République.

Yaoundé est comme pour être la ville des mille et une rumeurs. Présenté comme très proche de la Première. Dame, les médias l'étrillent par rapport à la succession. Il sait qui alimente toutes ces ru- meurs sordides et dans quel but. Mais les riva- lités politiques au sein du Rdpc ou dans le proche entourage du président de la République ne doivent en aucun cas, alimenter cette défiance observée, venant de ses ennemis, et ce mépris en- vers l'autorité de l'Etat. C'est sa conviction. Pour le faire savoir à ses nombreux contradicteurs, il ne sadise ni n'asphyxie celui à qui il s'adresse avec une courtoisie qui est chez lui poussée jusqu'à la docilité. Donnant ainsi aux naïfs l'impression d'une faiblesse trompe-l'œil. Pourtant il n'en est rien pour cet as du cloisonnement de ses contacts, qui n'abat ses cartes qu'à la dernière minute. Toujours avec le même panache et cette verve déconcertante au service du président Paul Biya. Les rivalités actuelles, inhabituelles dans les strates les plus nobles de la République, au- ront certes démontré que le monde politique est un milieu impitoyable. Toutefois, elles nous font davantage découvrir un homme dont l'équanimité a rendu, au fil des épreuves, inébranlable. Alors que tout semble aller mal, Ngoh Ngoh a toujours gardé un silence sépulcral. Ne pi- quer aucune colère face aux invectives, mais rester toujours aimable. Et ce n'est pas le moindre atout pour ce proche collaborateur du président de la Ré- publique.