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Actualités of Wednesday, 30 September 2015

Source: africa-info.org

Police, la corruption monte d’un cran - Enquête

Photo d’archive utilisée juste a titre d’illustration Photo d’archive utilisée juste a titre d’illustration

Depuis la psychose créée par la secte islamiste Boko Haram, les services d’identification de la police camerounaise chargés de délivrer la Carte Nationale d’Identité (CNI) et autres cartes de séjour et de résident s’en mettent plein les poches. Votre journal est allé faire le tour des commissariats où la corruption a pris de l’envol… Enquête.

Si le Cameroun est à nouveau classé premier pays le plus corrompu de la planète ce sera certainement en partie grâce aux hommes de Mbarga Nguele, le patron de la police camerounaise.

Pendant que d’autres enfants du pays tombent sous les balles et les bombes de Boko Haram, le marchandage et la spéculation autour de l’établissement de la carte d’identité vont bon train dans certains services de police.

Pour parler comme les marketistes chevronnés, derrière tout problème se cache une opportunité. La police camerounaise semble l’avoir si bien assimilé au point de transformer la délivrance d’une pièce d’identité à laquelle à droit toute personne vivant sur le territoire camerounais en un véritable business.

Dès lors, obtenir une CNI, une carte de séjour ou de résident censée protéger son détenteur en ces moments d’insécurité est devenu une gageure parfois insurmontable et un véritable cauchemar pour les usagers dans un pays où l’équilibre social est déjà fragilisé et dans lequel la participation de tous est pourtant attendue.

Combien coûte réellement une carte d’identité au Cameroun ?

Au commissariat du 2e arrondissement, on peut lire sur un format affiché sur un des murs du premier bureau de l’identification un avis à l’attention des usagers qui précise que « Les frais pour la demande d’une CNI, sont de 1800 FCFA pour la photo et de 1000 FCFA pour la taxe », soit un total de 2 800 FCFA. La même note précise plus loin que « le retrait est gratuit ».

Du côté du commissariat du 7e arrondissement, les informations recherchées sont affichées sur le premier poteau de la véranda et sur la porte du bureau d’identification. C’est sur un minuscule et vieillot papier à peine visible collé sur un des battants de l’entrée principale du commissariat du 9e arrondissement qu’elles se retrouvent.

Du côté du commissariat du 1er arrondissement, par contre, aucune information visible depuis l’extérieur. Impossible d’en dire plus car il nous a été difficile de franchir le seuil de la porte.

Viennent en plus de ces frais, uniquement pour ceux qui se font établir la CNI pour la première fois, ceux liés à l’établissement du certificat de nationalité (1000 F) et ceux relatifs à la légalisation de la copie d’acte de naissance sur laquelle on appose un timbre communal de 500 F CFA et un fiscal de 1 000 F CFA.

Mais dans tous ces commissariats, aucune, sinon très peu d’informations visibles sur les clôtures, murs et autres structures extérieures où sont bloqués les usagers.

Pire, aucune boîte à suggestion, aucun bureau pour régler les litiges entre les usagers et les agents de police sauf au 7e arrondissement où sont, exceptionnellement affichés, sur une notre sur laquelle on peut également lire « pas de marchandage », les informations sur la personne à contacter en cas de problèmes en l’occurrence le « chef de poste de l’identification ».

A relever, que l’expression pourtant visible, « pas de marchandage », ne suffit pas à faire respecter les consignes de la hiérarchie. Les prix et les informations sur les documents à fournir insuffisamment affichés et communiqués dans les commissariats contribuent, à créer et à entretenir, le flou entre ce qui est affiché et la réalité sur le terrain.

Après avoir réussi l’exploit de se faire recevoir, les usagers dont certains s’alignent devant les commissariats dès 4 h du matin pour espérer être servis dans la journée, doivent encore faire face aux « petites interventions » pour les amis et autres relations et surtout, les « dessous des tables ».

Marchandage et spéculation

La descente dans ces commissariats laisse paraître presque le même phénomène. Des policiers sortent, discutent en aparté avec des usagers qui leur passent parfois leurs téléphones pour parler à des interlocuteurs invisibles.

Des agents de police y rentrent avec des personnes ou reviennent de l’extérieur avec des dossiers en main en disant parfois à leur collègues, « ce sont les retardataires ». Mais, toujours est-il, que les usagers qu’ils prennent en charge, ressortent des commissariats le sourire aux lèvres, avec des doigts colorés d’encre à empreintes, preuve qu’ils ont été servis.

Au commissariat du 9e où, face à la grosse affluence populaire, des numéros sont distribués dans l’intention de recevoir les usagers sur la base de la règle du « premier arrivé, premier servit », il est facile de voir un agent de police sortir de son bureau et de l’entendre dire dans son téléphone, « j’ai vu les gens que tu m’as envoyé, mais l’argent ne suffit pas. Tu sais qu’il y a manque de matériel ».

Un officier de police du même commissariat interrogé dira ne pas savoir à combien s’élèvent les frais, pourtant affichés, sur la porte d’entrée du commissariat derrière son dos.

Le même flou s’observe au commissariat du 1er arrondissement ou un élève inspecteur de police, à la question de savoir quels sont les frais pour se faire établir une CNI, nous a répondu : « 3000, 4000 ou 5000 F CFA. Lorsque vous entrerez, ils vous diront là-bas », parlant ainsi, du service d’identification.

Des échanges avec les usagers attendant devant ledit commissariat permettront de comprendre qu’en monnayant, certains agents de police vous trouvent un carton même lorsque l’on annonce que « les stocks sont épuisés ».

Pourtant, ici aussi, des numéros sont distribués aux premiers arrivés sous le prétexte d’appliquer le « first in, first out ». « Si ta poche pèse, tu peux te faire établir une carte séance tenante, mon voisin l’a fait hier. Il m’a donné le contact du nyé (NDLR, policier), je l’ai déjà appelé et il m’a dit d’attendre ».

Approché, un moto-taximan tenant son récépissé à la main, nous confiera après une certaine réticence, « j’ai tchoko ten » (monnayé à 10 000 F) ». Devant notre étonnement, il s’est empressé de dire, « mon acte de naissance est perdu et je n’avais que la photocopie de mon ancienne carte d’identité. Alors j’ai payé ».

« Quand je vois les gens venir s’aligner ici à partir de 6h, cela me fait rire. À l’heure ci, ce n’est pas le rang qui compte, c’est l’argent qui parle», renchérira un commerçant situé juste en face du commissariat. Effectivement, à cet instant, alors que les premiers venus sont encore alignés sous la pluie, des personnes ne figurant sur aucune liste sont déjà entrain de se faire servir.

Une technique ici est de commencer ses négociations du côté du commissariat central N°1 où on peut s’entendre avec un agent de police de cette unité, lequel ira terminer la transaction pour votre compte auprès de son collègue du service d’identification du 1er arrondissement.

Les bâtiments de ces deux commissariats étant côte à côte, il y est courant d’entendre, entre collègues de ces unités entrain de faire des photocopies pour le compte de certains usagers, « je vais d’abord l’identifier chez nous et je te fais signe quand tout est prêt ».

Quelques minutes plus tard, le policier du commissariat central N°1 démarché et désormais démarcheur, se pointe à la fenêtre du service d’identification et fait signe à son collègue du commissariat du 1er arrondissement qui récupère les documents, fait entrer l’usager qui a « payé » et le tour est joué.

Depuis la psychose créée par la secte islamiste Boko Haram, les services d’identification de la police camerounaise chargés de délivrer la Carte Nationale d’Identité (CNI) et autres cartes de séjour et de résident s’en mettent plein les poches. AFRICA INFO est allé faire le tour des commissariats où la corruption a pris de l’envol…Enquête.

Si le Cameroun est à nouveau classé premier pays le plus corrompu de la planète ce sera certainement en partie grâce aux hommes de Mbarga Nguele, le patron de la police camerounaise.

Pendant que d’autres enfants du pays tombent sous les balles et les bombes de Boko Haram, le marchandage et la spéculation autour de l’établissement de la carte d’identité vont bon train dans certains services de police.

Pour parler comme les marketistes chevronnés, derrière tout problème se cache une opportunité. La police camerounaise semble l’avoir si bien assimilé au point de transformer la délivrance d’une pièce d’identité à laquelle à droit toute personne vivant sur le territoire camerounais en un véritable business.

Dès lors, obtenir une CNI, une carte de séjour ou de résident censée protéger son détenteur en ces moments d’insécurité est devenu une gageure parfois insurmontable et un véritable cauchemar pour les usagers dans un pays où l’équilibre social est déjà fragilisé et dans lequel la participation de tous est pourtant attendue.

Combien coûte réellement une carte d’identité au Cameroun ?

Au commissariat du 2e arrondissement, on peut lire sur un format affiché sur un des murs du premier bureau de l’identification un avis à l’attention des usagers qui précise que « Les frais pour la demande d’une CNI, sont de 1800 FCFA pour la photo et de 1000 FCFA pour la taxe », soit un total de 2 800 FCFA. La même note précise plus loin que « le retrait est gratuit ».

Du côté du commissariat du 7e arrondissement, les informations recherchées sont affichées sur le premier poteau de la véranda et sur la porte du bureau d’identification. C’est sur un minuscule et vieillot papier à peine visible collé sur un des battants de l’entrée principale du commissariat du 9e arrondissement qu’elles se retrouvent.

Du côté du commissariat du 1er arrondissement, par contre, aucune information visible depuis l’extérieur. Impossible d’en dire plus car il nous a été difficile de franchir le seuil de la porte.

Viennent en plus de ces frais, uniquement pour ceux qui se font établir la CNI pour la première fois, ceux liés à l’établissement du certificat de nationalité (1000 F) et ceux relatifs à la légalisation de la copie d’acte de naissance sur laquelle on appose un timbre communal de 500 F CFA et un fiscal de 1 000 F CFA.

Mais dans tous ces commissariats, aucune, sinon très peu d’informations visibles sur les clôtures, murs et autres structures extérieures où sont bloqués les usagers.

Pire, aucune boîte à suggestion, aucun bureau pour régler les litiges entre les usagers et les agents de police sauf au 7e arrondissement où sont, exceptionnellement affichés, sur une notre sur laquelle on peut également lire « pas de marchandage », les informations sur la personne à contacter en cas de problèmes en l’occurrence le « chef de poste de l’identification ».

A relever, que l’expression pourtant visible, « pas de marchandage », ne suffit pas à faire respecter les consignes de la hiérarchie. Les prix et les informations sur les documents à fournir insuffisamment affichés et communiqués dans les commissariats contribuent, à créer et à entretenir, le flou entre ce qui est affiché et la réalité sur le terrain.

Après avoir réussi l’exploit de se faire recevoir, les usagers dont certains s’alignent devant les commissariats dès 4 h du matin pour espérer être servis dans la journée, doivent encore faire face aux « petites interventions » pour les amis et autres relations et surtout, les « dessous des tables ».

Marchandage et spéculation

La descente dans ces commissariats laisse paraître presque le même phénomène. Des policiers sortent, discutent en aparté avec des usagers qui leur passent parfois leurs téléphones pour parler à des interlocuteurs invisibles. Des agents de police y rentrent avec des personnes ou reviennent de l’extérieur avec des dossiers en main en disant parfois à leur collègues, « ce sont les retardataires ».

Mais, toujours est-il, que les usagers qu’ils prennent en charge, ressortent des commissariats le sourire aux lèvres, avec des doigts colorés d’encre à empreintes, preuve qu’ils ont été servis.

Au commissariat du 9e où, face à la grosse affluence populaire, des numéros sont distribués dans l’intention de recevoir les usagers sur la base de la règle du « premier arrivé, premier servit », il est facile de voir un agent de police sortir de son bureau et de l’entendre dire dans son téléphone, « j’ai vu les gens que tu m’as envoyé, mais l’argent ne suffit pas. Tu sais qu’il y a manque de matériel ».

Un officier de police du même commissariat interrogé dira ne pas savoir à combien s’élèvent les frais, pourtant affichés, sur la porte d’entrée du commissariat derrière son dos.

Le même flou s’observe au commissariat du 1er arrondissement ou un élève inspecteur de police, à la question de savoir quels sont les frais pour se faire établir une CNI, nous a répondu : « 3000, 4000 ou 5000 F CFA. Lorsque vous entrerez, ils vous diront là-bas », parlant ainsi, du service d’identification.

Des échanges avec les usagers attendant devant ledit commissariat permettront de comprendre qu’en monnayant, certains agents de police vous trouvent un carton même lorsque l’on annonce que « les stocks sont épuisés ».

Pourtant, ici aussi, des numéros sont distribués aux premiers arrivés sous le prétexte d’appliquer le « first in, first out ». « Si ta poche pèse, tu peux te faire établir une carte séance tenante, mon voisin l’a fait hier. Il m’a donné le contact du nyé (NDLR, policier), je l’ai déjà appelé et il m’a dit d’attendre ».

Approché, un moto-taximan tenant son récépissé à la main, nous confiera après une certaine réticence, « j’ai tchoko ten » (monnayé à 10 000 F) ». Devant notre étonnement, il s’est empressé de dire, « mon acte de naissance est perdu et je n’avais que la photocopie de mon ancienne carte d’identité. Alors j’ai payé ».

« Quand je vois les gens venir s’aligner ici à partir de 6h, cela me fait rire. À l’heure ci, ce n’est pas le rang qui compte, c’est l’argent qui parle», renchérira un commerçant situé juste en face du commissariat. Effectivement, à cet instant, alors que les premiers venus sont encore alignés sous la pluie, des personnes ne figurant sur aucune liste sont déjà entrain de se faire servir.

Une technique ici est de commencer ses négociations du côté du commissariat central N°1 où on peut s’entendre avec un agent de police de cette unité, lequel ira terminer la transaction pour votre compte auprès de son collègue du service d’identification du 1er arrondissement.

Les bâtiments de ces deux commissariats étant côte à côte, il y est courant d’entendre, entre collègues de ces unités entrain de faire des photocopies pour le compte de certains usagers, « je vais d’abord l’identifier chez nous et je te fais signe quand tout est prêt ».

Quelques minutes plus tard, le policier du commissariat central N°1 démarché et désormais démarcheur, se pointe à la fenêtre du service d’identification et fait signe à son collègue du commissariat du 1er arrondissement qui récupère les documents, fait entrer l’usager qui a « payé » et le tour est joué.