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Actualités of Monday, 9 July 2018

Source: L'Essentiel N°175

Plan humanitaire: comprendre la dimension mystique des cotisations

Le plan humanitaire vient en soutient au réfugiés et à la reconstruction de la zone anglphone. Le plan humanitaire vient en soutient au réfugiés et à la reconstruction de la zone anglphone.

Près de 500 millions de FCFA, c’est le chiffre imposant, voire, insolent de la collecte réalisée par la Région de l’Ouest dans le cadre du mouvement national de solidarité, en cours, pour venir en aide aux frères anglophones dans l’épreuve. Avec cette enveloppe, l’Ouest arrive en tête, et de loin, devant toutes les autres Régions du Cameroun. Au moment de dire merci et bravo, certains préfèrent la distraction de se laisser abuser par des biais dévalorisants, en considérant que la générosité de la Région de l’Ouest est inscrite dans le sang, en raison de la proximité géographique avec le Nord-Ouest, des affinités et brassages multiples que cette situation entraine. Si cette dernière hypothèse n’est pas dénuée de tout fondement, elle serait cependant insuffisante à tout justifier, lorsqu’on sait que la Région de l’Ouest avait déjà occupé le même rang, avec des enchères identiques, lors d’une autre initiative de solidarité, celle-là tournée vers les victimes de Boko Haram dans le grand Nord.

Faut savoir dire merci et bravo ! Ce faisant, les chiffres ne sont pas neutres qui sont inscrits dans la mystique de l’humanité. Par leur valeur numérique autant que par la charge symbolique qu’ils recèlent, ils savent faire sens, tous seuls, en même temps qu’ils peuvent se prêter à une assignation idéologique. Dans le Livre biblique des nombres autant qu’en numérologie ordinaire, les chiffres sont toujours le moyen pour une fin, matérielle, symbolique ou stratégique. Ils peuvent, tout à la fois, mener au pouvoir, ou devenir le pouvoir. Et c’est en cela que la générosité de l’Ouest est intéressante. Alors, qu’est-ce que le décompte veut dire ? Dans un premier temps, cette générosité peut signaler l’extrême sensibilité d’une population forgée à la souffrance, et qui sait en mesurer l’âpreté. En cela, elle est un signe de compassion active, en même temps qu’un appel vibrant à la fraternité humaine. D’autres dirait, de la solidarité agissante. Dans un second temps, cette exubérance du cœur peut aussi être le reflet d’une prospérité partagée. A ce niveau, on parlerait d’un idéal type d’organisation sociale porteur de réussite collective de masse. A servir en modèle aux autres, et à copier.

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Mais il n’est pas impossible que les choses virent, de sorte que l’on glisse de la légitime exaltation d’une organisation communautaire réussie, au rejet de l’autre, des autres. La faille peut rapidement se faire fosse et ainsi servir l’esprit chagrin de ceux qui, pris et épris de névrose existentielle, crient déjà au crime parfait. Comment expliquer, s’étonnent-ils, que la Région de l’Ouest, qui n’abrite aucune firme industrielle, aucun port ni aéroport de référence, aucun commerce de première catégorie en arrive à des mobilisations financières de si grande envergure! N’est-ce pas là la preuve patente du travail de prédation exercé sur d’autres Régions, par endormissement dolosif, pour revenir ici engraisser le seul et unique sol-mère ? Pourquoi les natifs de l’Ouest n’auraient-ils pas, par exemple, au nom de l’intégration nationale, choisi d’acquitter leurs contributions à l’endroit même où ils travaillent cet argent ? Cette querelle est complexe et rappelle, à s’y méprendre, la parabole biblique du moissonneur.

Parvenu à la récolte, ce dernier avait envoyé plusieurs vagues successives d’ouvriers à sa vigne, à des heures différentes, avant de se décider à la fin de leurs verser à tous le même salaire ; mais quelle n’a pas été sa surprise devant le courroux du groupe des aurores, offusqué de n’avoir pu avoir une bonification, au prorata du temps mis à la vigne… Sur la même question, d’autres, plus politiques, préfèrent pointer un doigt accusateur sur un Etat inique, lequel a favorisé l’enrichissement des uns, laissant les autres sur le bas-côté. C’est à voir; mais, quoi qu’il en soit, dans un cas comme dans l’autre, il convient de raison garder. Et, plutôt que de s’en tenir à des jérémiades d’enfant écorché, il serait peut-être plus simple et sage de commencer par saluer l’efficacité de l’organisation communautaire BINAM, pour ce qu’elle est, et pour ce qu’elle nous enseigne sur les possibilités exponentielles des communautés bien organisées. Ce qui est incontestable, c’est que, bon an mal an, par leur efficacité organisationnelle, les populations de l’Ouest ont toujours su tirer leur épingle du jeu en toute saison, envers et contre tout et tous, même lorsque toutes les conditions étaient réunies pour leur défaite. Une organisation communautaire compacte et conquérante, Voilà la moralité de l’Histoire. Pour ma part, Je confesse mon admiration pour le génie BINAM, moi qui suis originaire d’une communauté où le cœur secrète un acide qui tient du génocide, et pour lequel les adjectifs fratricide, parricide sont de très modestes adjuvants.

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Passés maîtres dans l’art de savonner la planche au frère, pour provoquer ou programmer sa chute, nous savons par-dessus tout, parvenus au sommet, retirer l’échelle pour que les autres demeurent dans le trou, réduits, au mieux, à se satisfaire de nos miettes bien rationnées. Notre premier trait de caractère, c’est l’égotisme. Dans le règne végétal on serait assimilable à l’eucalyptus, parce que rien ne doit pousser à des kilomètres à l’entour. Aucun étonnement au fond, puisqu’en l’absence d’un ciment culturel qui rende à la communauté sa force référentielle et sa capacité à produire des valeurs qui s’ajustent aux défis de l’heure, la descente aux enfers est inévitable et se poursuivra, au fil de l’innommable…