Actualités of Tuesday, 2 September 2025

Source: www.camerounweb.com

Philémon Yang à l'ONU : Quand la discrétion devient problématique

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Après quatorze mois à la tête de l'Assemblée générale des Nations unies, le diplomate camerounais s'apprête à céder son fauteuil dans l'indifférence générale. Un mandat terne qui interroge sur l'utilisation des opportunités diplomatiques par l'Afrique sur la scène internationale.


Le 1er septembre 2025 restera probablement comme une date sans relief dans l'histoire de la diplomatie camerounaise. Ce jour-là, Philémon Yang a officiellement transmis les clés de la présidence de l'Assemblée générale des Nations unies à sa successeure, l'Allemande Annalena Baerbock. Une passation de pouvoir qui s'est déroulée dans une discrétion qui aura caractérisé l'ensemble de son mandat.



Élu le 6 juin 2024 pour diriger la 79ème session de l'AG-ONU, l'ancien Premier ministre camerounais (2009-2019) était porteur d'espoirs considérables. Pour la première fois depuis longtemps, un Africain, et qui plus est un Camerounais, accédait à cette fonction prestigieuse dans un contexte géopolitique particulièrement tendu.


Pourtant, force est de constater que ce mandat de quatorze mois n'aura pas marqué les esprits. Dans un monde secoué par la guerre en Ukraine, les tensions au Moyen-Orient et les conflits en République démocratique du Congo, Philémon Yang disposait d'une tribune exceptionnelle pour porter la voix de l'Afrique et du Sud global.




Les observateurs diplomatiques s'accordent sur un constat préoccupant : aucune initiative majeure, aucune médiation significative, aucun projet phare ne restera associé à la présidence Yang. Cette inertie détonne avec l'urgence des défis internationaux et les attentes légitimes placées dans cette présidence africaine.



Le paradoxe de cette présidence tient au fait que Philémon Yang bénéficiait d'un contexte institutionnel renforcé pour agir. Contrairement à ses prédécesseurs, il disposait de pouvoirs élargis, notamment la possibilité de soumettre des résolutions au vote sans débats préalables. Un outil diplomatique puissant qui aurait pu servir à impulser des dynamiques nouvelles sur les dossiers africains.
Cette capacité d'initiative, couplée à son expérience gouvernementale et à sa connaissance des rouages onusiens, plaçait Yang dans une position privilégiée pour peser sur les grandes décisions mondiales. L'occasion était d'autant plus précieuse que l'Afrique revendique depuis des années deux sièges permanents au Conseil de sécurité.


La présidence Yang intervient à un moment charnière pour le continent africain dans sa quête de reconnaissance diplomatique. Avec 54 États membres représentant plus d'un quart de l'effectif onusien, l'Afrique aspire légitimement à voir son poids démographique et économique croissant se traduire par une influence politique accrue.



Dans ce contexte, chaque position de responsabilité occupée par un Africain dans les instances internationales revêt une importance stratégique. La présidence de l'AG-ONU constituait une opportunité exceptionnelle de démontrer la capacité du continent à porter des solutions innovantes aux défis globaux.



Au-delà de la personnalité de Philémon Yang, ce bilan interroge sur la stratégie diplomatique du Cameroun et sa capacité à capitaliser sur les positions prestigieuses obtenues par ses ressortissants. Le choix d'un profil discret comme Yang répondait-il à une logique particulière ? Le pouvoir de Yaoundé avait-il véritablement mesuré l'enjeu de cette présidence ?




Ces questions prennent une résonance particulière à l'heure où le Cameroun se prépare à une échéance présidentielle cruciale. L'image internationale du pays, portée notamment par ses représentants dans les organisations multilatérales, constitue un atout non négligeable dans la diplomatie moderne.



L'effacement de Philémon Yang pendant son mandat pose plus largement la question de la crédibilité du leadership africain sur la scène internationale. Comment revendiquer une place plus importante dans la gouvernance mondiale quand les occasions d'influence ne sont pas saisies ?




Cette interrogation dépasse le cas camerounais pour questionner l'ensemble du continent sur sa capacité à transformer ses positions institutionnelles en leviers d'action concrets. L'exemple Yang pourrait alimenter les réticences de certains pays développés face aux revendications africaines.

L'arrivée d'Annalena Baerbock à la tête de l'AG-ONU promet un changement de rythme radical. À 44 ans, l'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères est réputée pour son dynamisme et sa capacité à porter des dossiers complexes. Ses équipes, qui avaient "déjà des projets plein les cartons" avant même la prise de fonction, contrastent avec l'approche contemplative de son prédécesseur.
Cette transition illustre parfaitement l'écart entre les attentes internationales et la réalité du mandat Yang. Là où la communauté diplomatique espérait des initiatives audacieuses, elle n'aura finalement eu droit qu'à une gestion administrative sans relief.


L'expérience Philémon Yang à la tête de l'AG-ONU offre des enseignements précieux pour les futurs représentants africains dans les instances internationales. Elle démontre que la simple occupation d'une position prestigieuse ne suffit pas : encore faut-il avoir la vision et la détermination nécessaires pour en faire un outil d'influence.


Pour le Cameroun et l'Afrique, ce mandat manqué constitue un rappel à l'ordre : les opportunités diplomatiques de cette envergure ne se présentent pas tous les jours. La prochaine fois qu'un Africain accédera à une telle responsabilité, il faudra espérer qu'il saura saisir l'occasion pour faire rayonner le continent sur la scène mondiale.


Alors que s'achève cette 79ème session de l'AG-ONU, le bilan de Philémon Yang restera marqué par cette discrétion qui aura finalement desservi l'image de son pays et de son continent. Une leçon diplomatique qui devra inspirer les futures générations de leaders africains appelés à porter la voix du continent dans les forums internationaux.