Actualités of Tuesday, 24 June 2025
Source: www.camerounweb.com
À six mois de l'élection présidentielle d'octobre 2025, le débat sur le bilan de Paul Biya dans sa région natale enflamme la classe politique. Le professeur Messanga Nyamding, figure intellectuelle du biyaïsme, monte au créneau pour défendre coûte que coûte l'action présidentielle dans le Sud.
Le ton est donné dès les premières minutes de l'émission "Club d'Élites" de ce dimanche 22 juin. Quand le professeur Messanga Nyamding prend la parole, c'est pour livrer une défense sans concession du président Paul Biya face aux accusations d'abandon de sa région d'origine. Pour ce politologue et ancien militant du RDPC, parler de négligence présidentielle envers le Sud relève tout simplement de l'« hérésie ».
Cette sortie médiatique intervient dans un contexte électoral particulièrement tendu, où chaque camp politique scrute à la loupe le bilan des 42 années de règne de Paul Biya. Le Sud, région natale du chef de l'État, cristallise particulièrement les débats : certains y voient un territoire privilégié, d'autres dénoncent au contraire un paradoxe entre proximité géographique et développement économique.
Armé de chiffres et de données administratives, Messanga Nyamding déploie une stratégie de défense méthodique. Sa démonstration s'appuie sur l'évolution de la carte administrative de la région du Sud depuis l'arrivée de Paul Biya au pouvoir en 1982.
"Lorsque vous prenez la population de cette région, elle est d'environ 950 000 à 2 millions d'habitants", précise-t-il avant de dérouler son argumentaire principal. Selon le professeur, avant l'ère Biya, le Sud ne comptait que trois départements : Kribi, le Dja-et-Lobo, et le Ntem. Aujourd'hui, la région en compte quatre, preuve selon lui d'une attention particulière du chef de l'État envers son terroir.
Cette approche par le découpage administratif révèle une vision technocratique du développement régional. Pour Nyamding, créer un département supplémentaire équivaut à un investissement politique majeur, générateur d'emplois publics et de proximité administrative pour les populations.
Au-delà des chiffres, le politologue développe une théorie plus large sur la nature même de la région du Sud. "La région du Sud, de tout temps, a été compétitive", affirme-t-il, suggérant que cette région bénéficie d'atouts naturels et humains qui la distinguent des autres territoires camerounais.
Cette notion de "compétitivité" mérite d'être décryptée dans le contexte camerounais. Elle fait probablement référence au niveau d'éducation historiquement élevé des populations du Sud, à la présence d'élites politiques et administratives issues de cette région, ainsi qu'aux ressources naturelles (forêts, minerais, façade maritime) dont dispose ce territoire.
L'intervention de Messanga Nyamding ne peut être dissociée du calendrier électoral. À l'approche de la présidentielle d'octobre 2025, chaque région du Cameroun fait l'objet d'une attention particulière de la part des états-majors politiques. Le Sud, traditionnellement acquis au RDPC, pourrait-il basculer en cas de déception des électeurs ?
Cette question taraude visiblement les soutiens du président sortant. En prenant la parole avec autant de véhémence, Nyamding semble répondre à des critiques précises, probablement portées par l'opposition ou par des voix dissidentes au sein même du parti au pouvoir.
Paradoxalement, la passion même avec laquelle Messanga Nyamding défend le bilan présidentiel dans le Sud pourrait révéler l'existence de vraies interrogations sur ce sujet. Si tout allait parfaitement bien, aurait-il été nécessaire de monter au créneau avec une telle vigueur ?
Le professeur évoque certes la création d'un quatrième département, mais passe sous silence d'autres indicateurs de développement : infrastructures routières, établissements de santé, universités, entreprises industrielles, taux de chômage des jeunes. Cette sélectivité dans l'argumentaire interroge sur la robustesse réelle du bilan à défendre.
Au-delà du cas spécifique du Sud, cette polémique révèle les attentes particulières qui pèsent sur les "régions présidentielles" dans les systèmes politiques africains. Les électeurs de ces territoires entretiennent souvent une relation ambivalente avec leurs "fils" arrivés au sommet de l'État : fierté de la réussite d'un des leurs, mais aussi exigences accrues en matière de retombées locales.
Paul Biya, originaire de Mvomeka'a dans le département du Dja-et-Lobo, n'échappe pas à cette règle non écrite de la politique africaine. Après plus de quatre décennies au pouvoir, le bilan de son action dans sa région natale fait l'objet d'un examen d'autant plus minutieux que l'échéance électorale approche.
Pour Messanga Nyamding et les stratèges du RDPC, l'enjeu dépasse la simple fierté régionale. Le Sud, avec ses près d'un million d'électeurs potentiels, représente un réservoir de voix non négligeable dans l'équation électorale nationale. Toute érosion significative du soutien dans cette région pourrait avoir des répercussions sur l'ensemble du territoire.
Cette réalité explique probablement l'empressement du professeur à "rétablir les faits" et à contrer les narratifs critiques qui pourraient circuler dans les chaumières du Sud camerounais. Dans la bataille des perceptions qui précède toute élection, chaque argument compte.
En définitive, l'intervention passionnée de Messanga Nyamding, loin de clore le débat, l'enrichit de nouvelles interrogations. Ses arguments administratifs et démographiques suffiront-ils à convaincre des électeurs peut-être plus sensibles aux réalités économiques et sociales de leur quotidien ?